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L'astrophysique nucléaire s'est rapidement développée après la seconde guerre mondiale grâce aux travaux de plusieurs chercheurs comme Edwin Salpeter. L'événement le plus marquant dans ce domaine a sans doute été un article légendaire publié en 1957, appelé B2FH, un nom formé avec les initiales des auteurs. Geoffrey Burbidge et sa femme Margaret y faisaient équipe avec Fred Hoyle et William Fowler pour démontrer que les éléments chimiques prenaient naissance au cœur des étoiles à partir de réactions de fusion thermonucléaire.
C'est aussi la période où les ordinateursordinateurs issus des travaux d'Alan Turing et John von NeumannJohn von Neumann commencent à être suffisamment puissants pour simuler la structure interne des étoiles et les réactions nucléaires qui s'y déroulent, y compris leur effondrementeffondrement pour donner des trous noirs.
L'intérieur d'une étoile au moins dix fois plus massive que le Soleil se présente comme un oignon. Produits des réactions thermonucléaires successives à des températures qui finissent par dépasser le milliard de degrés, une série de noyaux sont synthétisés à partir de l'hydrogène et de l'hélium pour l'essentiel. © Nasa, JPL-Caltech, CXC, SAO
Depuis cette époque, on sait que des étoiles dépassant les dix massesmasses solaires environ possèdent en fin de vie une structure complexe avec des couches en oignonoignon contenant divers éléments lourds par ordre de masse décroissante, avec un cœur très riche en ferfer. Ces étoiles explosent alors en donnant des supernovaesupernovae de type SNSN II, laissant derrière elles un astreastre compact, comme une étoile à neutronsétoile à neutrons ou un trou noirtrou noir si elles étaient suffisamment massives. On sait que c'est ce qui s'est produit avec l'étoile à l'origine de la plus importante source d'ondes radio sur la voûte céleste après le Soleil : Cassiopée A.
Le titane 44 est un isotope radioactif qui se désintègre en donnant du calcium 44. Il s'agit d'une manifestation de la radioactivité bêta, qui s'accompagne donc de l'émission de positrons lorsque les protons deviennent des neutrons. Ce faisant, ils changent de niveaux d'énergie quantique dans le noyau, ce qui provoque l'émission de photons dans le domaine des rayons X (X-ray photons) que peut détecter Nustar. © Nasa, JPL-Caltech, CXC, SAO
To slosh around or not, telle est la question pour une supernova
Les restes de la supernova font l'objet de l'attention des astrophysiciensastrophysiciens depuis longtemps, car ils espèrent tester avec eux leurs modèles d'explosions stellaires. Malgré des progrès notables depuis les années 1950, il reste encore de nombreux mystères en ce qui concerne les mécanismes et le déroulement des supernovae. Les observations précédentes avec ChandraChandra concernant Cassiopée A ont aussi laissé les chercheurs perplexes. Pour tenter d'y voir plus clair, ils ont mis en orbiteorbite le Nuclear Spectroscopic Telescope Array (Nustar). Pour la première fois, comme ils l'expliquent dans un article publié dans le journal Nature, ils observent les émissionsémissions dans le domaine des rayons Xrayons X associées à la désintégration radioactive d'un isotopeisotope présent dans un reste de supernovareste de supernova.
Les restes de la supernova à l'origine de Cassiopée A présentent des aspects différents quand on les observe en cherchant des traces bien spécifiques des émissions dans le domaine des rayons X de certains éléments. On voit ici à gauche les émissions des atomes de fer (iron), et au centre celles du silicium (silicon) et du magnésium chauffés par l'explosion de la supernova. Sur la droite, ce sont les émissions des noyaux de titane 44 radioactifs (radioactive titanium). Ils proviennent sans ambiguïté du cœur de l'étoile avant son explosion. © Nasa, JPL-Caltech, CXC, SAO
Jusqu'à présent, seules les émissions dans le domaine des rayons X des gazgaz chauffés par la chaleurchaleur et les ondes de choc libérées par l'explosion avaient été observées. Cela constituait d'ailleurs un problème. On ne pouvait pas exclure que les éléments chimiques trahis par leurs émissions en rayons X n'étaient pas déjà présents dans le milieu interstellaire avant l'explosion. Il pouvait également être difficile de déterminer si certains éléments existaient dans l'étoile avant cette explosion ou avaient été produits à ce moment-là. La question se posait en particulier avec l'origine des noyaux de fer détectés dans les restes de Cassiopée A.
Des images de ce qui se passe probablement dans certaines étoiles avant qu'elles explosent pour donner des supernovae SN II. Il s'agit de simulations numériques. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle avec deux barres horizontales en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître, si ce n'est pas déjà le cas. En passant simplement la souris sur le rectangle, vous devriez voir l'expression « Traduire les sous-titres ». Cliquez pour faire apparaître le menu du choix de la langue, choisissez « Français », puis cliquez sur « OK ». © Nasa, JPL, YouTube
L'une des questions qui restaient en suspens est d'une nature plus générale. Les simulations sur ordinateurs ont quelques difficultés à vraiment produire une explosion de l'ampleur de celles associées aux supernovae SN II. Plusieurs scénarios sont à l'étude. Dans l'un d'eux, l'intérieur de l'étoile est agité de mouvementsmouvements complexes analogues aux oscillations de la surface de l'eau dans un bol que l'on secoue et qui conduisent à des éclaboussures (ce qui peut se décrire en anglais par le terme to slosh around).
Le phénomène conduirait alors à des ondes de choc suffisamment énergétiques pour souffler les couches supérieures de l'étoile. Dans un autre scénario, des instabilités faisaient naître des jets de matière en provenance de l'étoile. Ce sont eux qui amorceraient l'explosion.
Deux scénarios pour l'explosion d'une étoile en supernova SN II sont présentés ici en haut. Sur la gauche, celui avec des jets, et sur la droite, celui avec amplification des ondes de choc. Si les observations concernant les émissions des atomes de silicium et de magnésium en bas à gauche sont compatibles avec le modèle avec jets, celles concernant le titane 44, en bas à droite, ne le sont pas. © Nasa, JPL-Caltech, CXC, SAO, SkyWorks Digital, Christian Ott
Une fenêtre radioactive sur l'intérieur des étoiles
Or, selon les différents scénarios, la répartition des noyaux radioactifs produits par l'explosion thermonucléaire de l'étoile n'est pas la même. On peut donc les tester en disposant d'un outil suffisamment sensible pour détecter les émissions dans le domaine des rayons X de ces noyaux. Dans le cas présent, les chercheurs se sont intéressés à un isotope du titane, 44Ti, synthétisé au cœur de l'étoile avant son explosion.
On avait mesuré auparavant la répartition des noyaux de fer et surtout de magnésiummagnésium et de siliciumsilicium dans le reste de la supernova. Elle semblait corrélée avec des jets de matièrematière qui pouvaient être associés au début de l'explosion, mais sans que l'on puisse en être certain. Les observations de Nustar ont révélé que le titanetitane 44 n'avait pas une répartition corrélée avec celles du fer, du magnésium et du silicium. Ce qui met hors course le modèle des jets pour expliquer au moins l'explosion de l'étoile à l'origine de Cassiopée A.
Cette percée dans le domaine de la compréhension des supernovae en annonce probablement d'autres, puisque nous disposons maintenant d'outils reflétant ce qui se passait à l'intérieur des étoiles génitrices des supernovae avant qu'elles n'explosent.