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Si Georges LemaîtreGeorges Lemaître, Georges GamowGeorges Gamow et l'injustement oublié Ralph Alpher étaient encore avec nous aujourd'hui, ils n'auraient aucune raison de changer les grandes lignes de la théorie du Big BangBig Bang, qu'ils ont avancée au cours de la première moitié du XXe siècle. Ils se justifieraient en brandissant les résultats finaux en 2018 de l'analyse des données du satellite de la mission PlanckPlanck concernant le fameux rayonnement fossile. Ils viennent d'être publiés sur le site de l'ESA mais on peut aussi les consulter sur arXiv.
L'abbé Lemaître, surtout, aurait des raisons d'être particulièrement fier car comme le rappelle Jean-Pierre Luminet, le jésuite belge avait compris bien des choses avant tout le monde, ayant notamment pressenti l'existence de l'énergie noire et ce qui allait devenir la cosmologie quantique, domaine de recherche où Stephen Hawking allait s'illustrer en plus de ses travaux sur les trous noirs.
La théorie du Big Bang plus solide que jamais
Rappelons toutefois que par théorie du Big Bang, les astrophysiciensastrophysiciens et cosmologistes modernes entendent une théorie basée sur la relativité généralerelativité générale et l'astrophysiqueastrophysique nucléaire, dans des régimes bien testés en laboratoire et par les observations dans le Système solaireSystème solaire. Elle implique que l'universunivers observable était beaucoup plus chaud, beaucoup plus dense et sans atomesatomes ni étoilesétoiles ni galaxiesgalaxies il y a entre 10 et 20 milliards d'années, pour être large.
Il n'est donc pas question de l'existence d'un instant initial qui peut ou ne pas avoir existé ni du fait que tout l'univers, ou pas, soit en expansion. Celui-ci pouvant être fini ou infini depuis un temps antérieur au Big Bang proprement dit. L'idée que la phase actuelle d'expansion du cosmoscosmos observable soit en fait précédée par une phase de contraction suivie d'un rebond, ou que ce cosmos lui-même soit éternel et infini, s'étant temporairement effondré gravitationnellement localement ou en entier, ne remet donc pas du tout en cause la théorie du Big Bang et ne change pas dans les grandes lignes celle proposée par Lemaître et Gamow.
Extrait de la plateforme TV-Web-cinéma « Du Big Bang au Vivant » qui couvre les plus récentes découvertes dans le domaine de l'astrophysique et de la cosmologie (2010). http://www.dubigbangauvivant.com/ © Jean-Pierre Luminet
Futura a consacré de nombreux articles aux résultats de la mission Planck qui a consisté à étudier comme jamais le fameux rayonnement fossile dont le spectrespectre est celui d'un corps noir quasi-parfait, à l'exception de toutes petites fluctuations de température qui, comme l'explique la vidéo ci-dessous, reviennent à faire fluctuer de l'épaisseur d'un cheveu la hauteur de la tour Eiffel.
Des caractéristiques de ce rayonnement, on peut déduire beaucoup d'informations sur le contenu de l'univers observable et poser des contraintes sur sa forme et son évolution.
Sa courbure spatiale est-elle nulle comme celle d'un plan ou négative comme celle d'une selle ? Sa topologie est-elle simple, comme une sphère ou multiplement connexeconnexe comme celle d'un tore, voire d'un bretzel ? Contient-il de la matière noirematière noire ou de l'énergie noire ? Est-il en rotation ? Quand les premières étoiles se sont-elles allumées et quel est l'âge de l'univers observable, c'est-à-dire en fait le temps écoulé depuis la fin du Big Bang quand les réactions nucléairesréactions nucléaires produisant les premiers noyaux se sont arrêtées ? Une phase d'inflation, une expansion vertigineusement rapide de l'espace ayant créé la matière quand elle a pris fin s'est-elle déroulée dans le cosmos très primordial ?
Autant de questions auxquelles on peut espérer répondre en étudiant cette lumièrelumière fossile.
Toutefois, l'analyse des caractéristiques de ce rayonnement est compliquée car, comme nous l'avait expliqué une des membres de la collaboration Planck, l'astrophysicienne Laurence Perotto, il y a des signaux parasitesparasites, des avant-plans comme disent les chercheurs, qu'il faut évaluer et retirer du signal observé par le satellite Plancksatellite Planck pour remonter aux informations recherchées.
Tout cela prend du temps et nécessite aussi de faire de nombreuses vérifications et tests pour traquer d'éventuels biais. Au cours des dernières années, les membres de la collaboration Planck avaient donc publié des résultats partiels au fur et à mesure des données qui étaient à leur disposition et des progrès dans leur analyse. Les résultats définitifs viennent donc d'être publiés et ils ne sont pas significativement différents de ceux déjà rendus publics, en 2013 et 2015.
Un voyage de quelques minutes pour comprendre pourquoi et comment observer les premiers jours de l'univers avec Planck. © Planck HFI, YouTube
L'existence de la matière et de l'énergie noires est consolidée
Par contre, ils consolident encore plus le modèle standardmodèle standard en cosmologie, c'est-à-dire celui décrit par les fameuses équationséquations déduites des équations de la relativité générale via une métrique de Friedmann-Lemaître-Robertson-Walker (FLRW), en l'occurrence celle d'un espace-tempsespace-temps de géométrie homogène, sans anisotropieanisotropie ni rotation mesurable et sans courbure spatiale à la précision des mesures là aussi.
Il contiendrait bien de la matière noire, qui ne semble pas pouvoir être formée de neutrinos stérilesneutrinos stériles et posséderait une vraie constante cosmologiqueconstante cosmologique dont la nature, énergie noire ou pas, reste là aussi inconnue. Si les données de Planck sont toujours très favorables à l'existence d'une phase d'inflation et permettent de faire le tri entre les différentes théories proposées pour la produire (certaines des plus simples restent en lice), il n'y a toujours pas de détection des fameux modes B de la polarisation du rayonnement fossile spécifique à l'inflation et qui en serait une preuve très convaincante.
C'est spécifiquement la recherche et l'estimation de la polarisation de ce rayonnement (il y a plusieurs modes et plusieurs contributions possibles à ces modes) qui avait besoin d'être poursuivie et affermie depuis 2015, comme l'explique le communiqué de la collaboration sur le site de Planck HFI. Les chercheurs sont tout de même arrivés à un résultat spectaculaire.
C'est un secret de polichinelle qu'il se produit parfois ce que l'on appelle des dégénérescences entre les modèles théoriques pour un phénomène. On entend par là que pour un jeu de mesures données, il est possible d'ajuster les paramètres de plusieurs théories de diverses façons pour rendre compte également de ces mesures. Toutefois, quand les mesures sont plus nombreuses, plus précises, ou concernent plusieurs phénomènes expliqués par une même théorie, il est possible de lever la dégénérescence comme on dit pour ne plus laisser, idéalement, qu'une seule théorie en lice. On peut aussi estimer à quel point une théorie colle mieux aux observations qu'une autre avec des techniques issues de la théorie mathématique des statistiques et des probabilités.
Ainsi, on a souvent combiné des mesures venant surtout des supernovaesupernovae, du rayonnement fossile ou de la répartition des amas de galaxiesamas de galaxies en rapport avec ce que l'on appelle les oscillations acoustiques des baryons (BAO, pour baryonbaryon acoustic oscillations, en anglais) pour tenter de préciser le contenu et la géométrie de l'univers observable. Or, il se trouve qu'avec les seules observations de Planck concernant les fluctuations de température du rayonnement fossile ou ses fluctuations dans sa polarisation, il est possible depuis peu de sélectionner avec un degré de confiance important un modèle cosmologique avec un contenu en matière et énergie noires précis notamment.
Les deux techniques donnent le même résultat ce qui n'est vraiment pas trivial et on l'obtient aussi avec les données ne venant pas du rayonnement fossile. Autant dire, que quand ça a la couleurcouleur de l'alcoolalcool, l'odeur de l'alcool et la composition chimique de l'alcool, il ne devient pas du tout rationnel de douter que l'on est bien en présence d'alcool.
Comment fut découverte la théorie de big bang : Einstein, Lemaître, le rayonnement fossile. Documentaire extrait du magazine Cassiopée, émission 4 "Le Big Bang" Texte et voix-off : Jean-Pierre Luminet France Supervision (1995) © Jean-Pierre Luminet
Une nouvelle physique qui reste problématique...
Malgré tout, les données de Planck sont toujours un peu en tension avec les données des supernovae SNSN Ia en particulier, quand il s'agit de déterminer la valeur de la constante de Hubbleconstante de Hubble et donc la vitessevitesse d'expansion de l'univers et la nature de l'hypothétique énergie noire.
Les deux déterminations diffèrent d'environ 7 % alors que les incertitudes des deux méthodes sont estimées à 1 ou 2 %. Visiblement quelque chose cloche même s'il ne faut pas s'attendre à une révolution future de notre modèle cosmologique standardmodèle cosmologique standard que l'on continue à appeler un modèle de concordance, étant donné justement l'accord entre les diverses mesures concernant ses caractéristiques. De la nouvelle physiquephysique est donc peut-être cachée quelque part à moins que ce ne soit une erreur pas facile à déceler mais bien réelle dans les mesures, comme ce fut le cas avec l'affaire des neutrinos transluminiques.
Cette prudence à avoir quant à la nécessité d'avoir recours à de la nouvelle physique est bien exprimé par l'un des leaders de la mission Planck, François Bouchet, de l'Institut d'astrophysique de Paris : « Il est très difficile d'altérer le modèle standard en y ajoutant de la physique nouvelle, tout en maintenant la description ultra-précise de tout le reste que le modèle décrit si bien. »
Une déclaration à laquelle fait écho celle de Jan Tauber, « Project Scientist » de la mission Planck à l'ESA : « Pour le moment, il faut raison garder en ce qui concerne la découverte potentielle d'une physique nouvelle : il se pourrait très bien que cette différence relativement faible s'explique par l'effet combiné de petites imprécisions dans les mesures et d'un effet local. Mais il faut continuer à améliorer nos mesures et imaginer de meilleures façons de l'expliquer. »
Planck montre un nouveau visage de l'univers
Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 21/03/2013
Un univers plus âgé avec davantage de matière noire et moins d'énergie noire : voilà une partie des nouveaux résultats découverts grâce à Planck. Il apparaît aussi que certains aspects de notre univers sont presque parfaitement conformes aux prédictions du modèle cosmologique standard complété par la théorie de l'inflation. Mais de curieuses anomaliesanomalies pourraient pointer vers une nouvelle physique...
Comme Futura-Sciences l'annonçait hier, une conférence de presse s'est tenue ce matin à Paris au quartier général de l'Esa. Elle portait sur les premiers résultats du satellite Planck en ce qui concerne leurs implications pour la cosmologie, déduites de l'étude du rayonnement fossile. Le directeur général de l'Esa, Jean-Jacques Dordain, après avoir salué la performance technologique représentée par le succès de la mission Planck, a laissé le cosmologiste George Efstathiou s'exprimer.
Le chercheur a exposé le contenu scientifique des découvertes en cosmologie déjà faites avec Planck, alors que toutes les données collectées par le satellite n'ont pas encore été complètement analysées.
Un univers plus vieux et moins riche en énergie noire
Directeur du Kavli Institute for Cosmology à Cambridge (Royaume-Uni), George Efstathiou avait déjà considéré avec des collègues un modèle cosmologique avec des proportions de matière noire et d'énergie noire au début des années 1990. Elles étaient très similaires à celles que l'on a mesurées depuis la découverte de l'expansion accélérée de l'univers observable en 1998, des années plus tard.
Les nouveaux résultats à propos de ces proportions ne sont pas très différents de ceux déjà obtenus avec WMap et d'autres instruments d'observation, comme le révèle le chercheur avec une nouvelle carte des fluctuations de température du rayonnement fossile. Mais on constate que la matière noire est un peu plus abondante qu'on le pensait, avec une contribution de 26,8 % à la densité du cosmos. L'énergie noire, toujours dominante, ne représente plus maintenant que 68,3 % de cette densité.
En revanche, l'univers observable est un peu plus vieux qu'on le pensait. Son âge estimé est maintenant d'environ 13,82 milliards d'années. C'est une bonne nouvelle, étant donné la détermination de l'âge probable de certaines étoiles comme HD 140283.
Voici la nouvelle carte des fluctuations de température du rayonnement fossile sur l'ensemble de la voûte céleste. Le pôle nord céleste est en haut et le pôle sud en bas. Elle a été réalisée par la collaboration Planck à partir des données recueillies par les instruments HFI et LFI du satellite. L’écart par rapport à la température moyenne de -270,425 °C, mesurée par le satellite Cobe en 1992, va de -486 (en bleu foncé) à +538 millionièmes de degré Celsius (en rouge). © Esa, collaboration Planck
Des observations presque conformes à la théorie de l'inflation
Le saut de résolutionrésolution de la photographiephotographie de la plus vieille lumière du cosmos et la mesure précise des infimes fluctuations de températures qu'elle exhibe sur la voûte céleste ont aussi permis aux cosmologistes de dresser une nouvelle courbe de puissance pour le rayonnement fossile. Montrant en quelque sorte l'importance des fluctuations de température en fonction de la résolution en échelle angulaire, cette courbe est une carte d'identité de l'univers.
On peut la comparer à celles déduites de divers modèles cosmologiques construits avec des variantes de la théorie de l’inflation. Il apparaît maintenant qu'aux courtes et très courtes échelles angulaires, l'accord est presque parfait avec ce que prédit le modèle cosmologique de concordance standard, complété par la théorie de l'inflation dans ses formulations les plus simples.
Du coup, on pourrait croire que la théorie de l'inflation s'en trouve démontrée, ou pour le moins très renforcée. Mais George Efstathiou incite à la prudence. Au niveau des fluctuations aux grandes échelles angulaires, des anomalies très curieuses apparaissent dans la courbe de puissance du rayonnement fossile. Elles ne semblent pas pouvoir être expliquées simplement par la théorie de l'inflation. Il pourrait s'agir de manifestations d'une nouvelle physique, voire de traces laissées par un « pré-Big Bang » dans le cadre, par exemple, des théories du multivers.
Une représentation de la fameuse courbe du spectre de puissance angulaire du rayonnement fossile, déduite du modèle cosmologique standard complété par la théorie de l'inflation. C'est en quelque sorte une courbe de puissance moyenne du rayonnement (en ordonnée) donnant l'importance des fluctuations de températures en fonction de la résolution en échelle angulaire (en abscisse). La taille et la position des oscillations dépendent du contenu, de l'âge, de la taille de l'univers, et de bien d'autres paramètres cosmologiques encore. Les points et les barres rouges représentent les mesures de Planck avec des barres d'erreur. L'accord avec les prédictions aux petites échelles angulaires est spectaculaire. © Esa
Bientôt une preuve de la théorie de l'inflation ?
Il existe un test très convaincant, pour autant qu'on le sache, de la théorie de l'inflation. Il s'agirait de la détection des modes B. Il s'agit des traces d'infimes fluctuations quantiques primordiales des ondes gravitationnellesondes gravitationnelles, au tout début de l'histoire du cosmos observable, qui pourraient avoir été considérablement agrandies pendant la phase d'inflation.
Or, comme le signale Jean-Loup Puget, l'un des principaux responsables de la collaboration Planck, les informations concernant ces modes Bmodes B n'ont pas encore pu être proprement exploitées. Des analyses sont en cours, et si ces modes sont présents avec un signal suffisamment clair dans les données de Planck, on devrait le savoir probablement d'ici la fin de l'année.
Toutes les données collectées par Planck n'ont pas encore été examinées. Qui plus est, comme pour WMap, leur exploitation pourrait bien durer une décennie, et probablement plus. Nous ne sommes donc qu'au début des révélations qu'apportera Planck sur l'histoire et la structure de notre univers. Futura-Science examinera de plus près le contenu des informations déjà disponibles avec les données de Planck dans un prochain article, avec notamment des commentaires d'Aurélien BarrauAurélien Barrau et Jean-Pierre LuminetJean-Pierre Luminet. En attendant, vous pouvez aller sur la page Facebook du site français de la mission Planck, ainsi que sur ce site lui-même, pour en apprendre plus sur l'univers à l'ère de Planck.
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Ce qu’il faut
retenir
- Les résultats définitifs des analyses des données de la mission Planck concernant le rayonnement fossile viennent d'être publiés et ils consolident encore plus le modèle standard en cosmologie, c’est-à-dire celui décrit par les fameuses équations déduites des équations de la relativité générale via une métrique de Friedmann-Lemaître-Robertson-Walker (FLRW).
- En l’occurrence, c'est celle d’un espace-temps de géométrie homogène, sans anisotropie ni rotation mesurable et sans courbure spatiale à la précision des mesures là aussi.
- L'univers contiendrait bien de la matière noire, qui ne semble pas pouvoir être formée de neutrinos stériles et posséderait une vraie constante cosmologique dont la nature reste là aussi inconnue.
- Si les données de Planck sont toujours favorables à l’existence d’une phase d’inflation et permettent de faire le tri entre les différentes théories proposées pour la produire (certaines des plus simples restent en lice), il n’y a toujours pas de détection des fameux modes B de la polarisation du rayonnement fossile spécifique à l’inflation et qui en serait une preuve très convaincante.
- Malgré tout, les données de Planck sont toujours un peu en tension avec les données des supernovae en particulier quand il s’agit de déterminer la valeur de la constante de Hubble et donc la vitesse d’expansion de l’univers et la nature de l’hypothétique énergie noire.
- Les deux déterminations diffèrent d’environ 7 % alors que les incertitudes des deux méthodes sont estimées à 1 ou 2 %. Visiblement quelque chose cloche même s'il ne faut pas s’attendre à une révolution future de notre modèle cosmologique standard que l’on continue à appeler un modèle de concordance étant donné justement l’accord entre les diverses mesures concernant ses caractéristiques.
- De la nouvelle physique est donc peut-être cachée quelque part à moins que ce ne soit une erreur pas facile à déceler mais bien réelle dans les mesures comme ce fut le cas avec l’affaire des neutrinos transluminiques.