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Fabriquer un cerveau, voilà qui semble très loin du possible aujourd'hui. C'est pourtant cette voie qu'explore une équipe du laboratoire CellTechs, de l'école SupBiotech, en collaboration avec le CEA (Commissariat à l'énergieénergie atomique et aux énergies alternatives).
Les chercheurs partent de cellules souches, c'est-à-dire sans aucune spécialisation. D'origine humaine, elles ont notamment été obtenues à partir de cellules de peau « reprogrammées ». On les dit « pluripotentes induites », ou IPS. Elles peuvent alors être différenciées pour devenir, par exemple, des cellules cérébrales.
Mises en culture dans des boîtes de Petri, elles finissent par former une petite sphère que ces scientifiques appellent parfois « mini-cerveaux », ou « mini-brains ». « Plus précisément, ce sont des organoïdes neuroectodermiques, nous explique Frank Yates, enseignant-chercheur à SupBiotech, responsable de cette équipe. Aujourd'hui, nos cultures comptent entre 500.000 et un million de cellules, et mesurent environ 2 mm de diamètre ».
Quatre « mini-cerveaux » dans leur boîte de Petri. Leur petite taille permet de nourrir les cellules par un milieu liquide approprié bien qu'il n'y ait aucune vascularisation. © CellTechs
Le tissu cérébral simulé dans sa complexité
Si des expériences de ce genre ne sont pas une première, celle-ci est une avancée car les biologistes créent une structure en trois dimensions. Ils veulent y faire croître des cellules de différents types (neurones, cellules gliales et oligodendrocytes), qui plus est au sein d'une matrice extracellulaire semblable à celle du cerveau (faite de moléculesmolécules comme des sucres ou des peptidespeptides). « Les cellules possèdent une capacité d'auto-organisation. Des tissus complexes peuvent donc se former ainsi. »
Bien sûr, l'idée n'est pas de faire un cerveau fonctionnel mais de créer un modèle pour étudier les maladies neurodégénérativesmaladies neurodégénératives : Alzheimer et Parkinson ou les maladies à prionsprions, comme Creutzfeldt-Jacob. « Durant la maladie d'Alzheimermaladie d'Alzheimer, les neuronesneurones meurent. Mais ils ne sont pas les seuls en cause. Pour simuler un tissu cérébral pathologiquepathologique, il faut en reconstituer la complexité. »
Des neurones d'un mini-cerveau rendus visibles en microscopie par un marquage fluorescent. Ils se développent en trois dimensions. © CellTechs
Ces « mini-brains » sont des modèles d'études
En partant de cellules de patients présentant la maladie d'Alzheimer, on peut espérer ainsi obtenir un minuscule organe sur lequel on pourra étudier cette pathologiepathologie de toutes les manières possibles. Ce « mini-cerveau » pourra par exemple être découpé en tranches et observé avec les techniques de microscopie habituelles, après des marquages de toutes sortes. Des expériences d'activation ou désactivation de gènesgènes pourront être conduites, etc.
Pour l'instant, l'équipe de CellTechs n'a pas reproduit un tissu cérébral qui serait similaire à celui d'un patient atteint de la maladie d'Alzheimer. « On ne retrouve pas à ce stade les plaques caractéristiques, dites "amyloïdes", mais l'équipe parvient à faire apparaître des molécules qui y sont associées. Ce genre de modèle cérébral pourra permettre de démêler les causes à l'origine de ces pathologies. La maladie d’Alzheimer se présente sous des formes génétiquesgénétiques (chez des personnes qui la développent jeunes) mais il y a aussi des facteurs environnementaux. Les mini-cerveaux se prêteront un jour à de nombreuses expériences pour tenter de déchiffrer cette complexité.
Ce qu’il faut
retenir
- Un modèle biologique de cerveau est précieux pour mener des expérimentations sans nécessiter d'animaux ni des tissus de patients décédés.
- Il faut reconstituer la complexité du tissu cérébral, avec ses différentes cellules et une structure en 3D.
- Les cellules souches et leur capacité d'auto-organisation le permettent.