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Des manchots en plein blizzard photographiés en Terre Adélie par Frank Hurley entre 1911 et 1914. Dans ces régions polaires, le réchauffement se fait déjà sentir. © State Library of New South Wales/Flickr Licence Creative Commons (by-nc-sa 2.0)
C'est au niveau politique que l'on discute actuellement à Cancún dans le cadre de la « conférence des parties » sur le climat, lancée en 1992 à Rio de Janeiro (COP 16) et de celle issue du protocole de Kyoto (CMPCMP 6). Qu'en pensent les scientifiques spécialistes du climat, eux qui ont fourni les éléments du débat ? Nous avons posé la question à Hervé Le Treut, climatologueclimatologue français, directeur de l'institut Pierre-Simon LaplacePierre-Simon Laplace et qui a collaboré au Giec (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climatGroupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat).
Et si ces réponses ne vous suffisent pas, préparez de nouvelles questions et posez-les directement à Hervé Le Treut... Mercredi prochain (8 décembre), à 10 h 30, le climatologue, invité par Futura-Sciences, sera en effet présent pour un tchat vidéo sur le site de En Ligne Pour Ta Planète. Vous pouvez dès à présent enregistrer vos questions.
Hervé Le Treut est climatologue, directeur de l'institut Pierre-Simon Laplace et membre de l'Académie des sciences. C'est aussi un vulgarisateur convaincu. Il est notamment l'auteur de Nouveau Climat sur la Terre : Comprendre, prédir, réagir, Flammarion, novembre 2009. © Jean-Frédéric, licence Creative Commons
Futura-Sciences : Le sommet de Cancùn ne démarre pas avec le même enthousiasme que celui, l'an dernier, de Copenhague. Que peut-on en attendre ? Cette réunion est-elle utile ?
Hervé Le Treut : Pour un scientifique, les enjeux sont essentiellement les mêmes que l'an dernier. Ce qui change relève d'un contexte qui va bien au-delà de la science. À Copenhague, il y avait beaucoup d'attentes dans les medias et le grand public. Aujourd'hui cette attente est moins forte et le contexte politique a aussi changé avec les élections de mi-mandat aux États-Unis, dont le résultat n'est pas favorable à des actions en faveur du climat. Or, les premiers émetteurs de gaz à effet de serre sont les États-Unis et la Chine, et leur rôle est primordial.
Mais ces réunions annuelles sont de toute manière un lieu de concertations et de négociations importantes, et certaines avancées peuvent concerner des aspects plus spécifiques, en particulier la préservation des forêts ou la mise en place de moyens d'adaptation aux changements climatiques.
FS : Des avancées scientifiques ont-elles eu lieu en climatologie depuis l’an dernier ?
HLT : Le Giec publie un rapport tous les cinq ou six ans environ. Le prochain sera présenté en 2013 et 2014. Il faut du temps, plusieurs années, pour que le savoir scientifique se stabilise, et j'évite pour ma part de trop citer des résultats récents : ils sont souvent sujet à révision. Et l'essentiel du message de la communauté correspond à une confirmation progressive de prévisions sur le réchauffement de la planète, sur les grands traits des changements de régimes de précipitation, qui ont été faites depuis longtemps, depuis les années 1990. Depuis 2007, on peut quand même noter des résultats nouveaux sur la fontefonte de la banquise et des glaces du Groenland. Le rôle des scientifiques est d'expliquer les choses. On essaie de le faire du mieux possible...
FS : La communauté mondiale de scientifiques s’intéressant au climat est-elle soudée ?
HLT : Les spécialistes du climat ont l'habitude des collaborations internationales. C'est même un exemple exceptionnel dans le monde scientifique. L'Organisation météorologique internationale (aujourd'hui Organisation météorologique mondiale) a été créée en 1873. Toutes les données et tous les résultats des exercices scientifiques organisés sous son égide sont partagés internationalement.
FS : Quel résultat peut-on espérer dans les efforts pour contrer le réchauffement global ?
HLT : Pour stabiliser le climat il faut, approximativement, diviser par deux nos émissions de gaz à effet de serre, et pour ne pas dépasser 2°C de réchauffement, objectif de la communauté internationale, il faut faire cette réduction une ou deux décennies avant 2050, date où ce seuil risque d'être atteint. On en est loin. Depuis quinze ans, des progrès ont eu lieu en Europe, mais plusieurs pays en voie de développement sont devenus « émergentsémergents », en particulier la Chine. Et ils sont aujourd'hui responsables d'une croissance toujours accélérée des émissionsémissions de dioxyde de carbone. Or, une fois dans l'atmosphèreatmosphère, ce CO2 y reste longtemps : une moitié reste présente après une centaine d'années. C'est-à-dire qu'une grande partie de ce que l'on a émis après les années 1950 est toujours là.
Actuellement, même si des mesures fortes sont prises dans les 15 à 20 ans qui viennent, nous n'échapperons pas à un certain niveau de changement climatique.
FS : Quelles sont les actions possibles aujourd’hui, selon vous ?
HLT : Aujourd'hui, il faut réfléchir à deux types d'action : réduire la production de gaz à effet de serregaz à effet de serre et mettre en place des moyens pour s'adapter à la part inévitable des changements à venir. Ce qui est grave, c'est la vitessevitesse possible des changements à venir. Donc les effets sur la biodiversité, sur les climats locaux, sur la banquise... Le monde va changer.
Dans la prospection sur les actions à mener, il se pose avant tout une question de justice. Les pays qui seront les premières victimes ne sont pas tous des producteurs. Si la pluviosité baisse dans une région tempérée, cela peut se traduire par un jour de pluie sur trois au lieu d'un jour sur deux. Dans la zone intertropicale, cela peut signifier la disparition d'une unique saisonsaison des pluies, ce qui est dramatique. De même, dans les régions arctiquesarctiques, on sait que les changements seront plus importants qu'ailleurs. Ce sera l'un des enjeux à Cancùn et dans les années à venir.