au sommaire
Un échantillon de verre : à l'état initial (a) ; après deux minutes de bombardement par un faisceau d'électrons (b) ; 30 secondes (c) et deux minutes (d) suivant la fin du bombardement. Le verre a alors totalement recouvré son état initial.
Le verre, un matériau connu ? Non ! L'état du verre est même un véritable mystère pour les physiciensphysiciens de la matière condensée. Caractérisé par son état « vitreux », il est non cristallin. C'est donc un matériau dit amorpheamorphe, et du fait de cette absence d'ordre cristallin, comme pour les liquides, son étude est difficile. Le verre, qui se forme par refroidissement à partir d'un matériau fondu, se constitue en effet de façon si rapide que les atomes n'ont pas la possibilité de s'organiser en un maillage stable et de basse énergie.
Malgré cet état non cristallin, certains verresverres peuvent rester intacts plusieurs milliers d'années, et comme ils ont la propriété d'absorber les radiations, les scientifiques pensent qu'on pourrait les exploiter techniquement pour des stockages sensibles. Seulement voilà : les verres les plus communs, à base de silicesilice, sont fragiles au bombardement des ionsions, électronsélectrons et autres faisceaux ultravioletsultraviolets, les modifications créées étant jusqu'ici considérées comme irréversibles. Or, l'équipe d'Andre Mkhoyan de l'université Cornell vient de montrer le contraire, à savoir la stabilité d'un verre d'aluminosilicate. Les travaux sont publiés dans la revue Physical Review Letters (1) .
Deux minutes pour retrouver son état
Pour mener à bien leur étude, les chercheurs ont bombardé un film mince de verre composé d'aluminealumine (Al2O3) et de silice amorphe (SiO2) auxquels est ajouté un oxyde de calciumcalcium. Les scientifiques ont focalisé sur ce composé CaO-Al2O3-SiO2 un faisceau d'élection de 100 KeV à partir d'un microscope électroniquemicroscope électronique. L'échantillon mesure environ 6 nanomètresnanomètres de côté. Ils ont observé en temps réel les modifications engendrées dans la composition chimique, en utilisant deux techniques appelées spectroscopie par perte d'énergie des électrons (EELS pour « electron energy loss spectroscopy ») et ADF-STEM (« annular dark field-scanning transmission electron microscopy ») pour obtenir des images à haute résolutionrésolution. En interrompant le faisceau, ils ont constaté qu'au bout de deux minutes le verre avait recouvré intégralement son état initial (Cf Figure).
Résultat : selon l'équipe américaine, cela démontre, contrairement à ce que l'on supposait, une remarquable stabilité thermodynamiquethermodynamique du verre, et prouve que si un verre à base de silice peut être perturbé par de telles radiations, le phénomène est bien réversibleréversible : « nos expériences mènent à penser que le verre pourrait s'« auto- réparer » suite aux dommages créés par des radiations nuclaires » a déclaré Andre Mkhoyan à la revue Physical Review Letters. Dès lors, des applicationsapplications spectaculaires peuvent être envisagées, comme le stockage à long terme des déchets radioactifsdéchets radioactifs.
Reste à travailler sur les effets des nombreux autres types de radiations. A étudier les limites de cette réversibilité des verres d'aluminosilicates en fonction de leur composition. Et à trouver d'autres verres plus stables encore...
(1) Full Recovery of Electron Damage in Glass at Ambient Temperatures, K.A. Mkhoyan, J.Silcox, A. Ellison, D. Ast and R. Dieckmann Phys. Rev. Lett. 96, 205506 (2006)