Le 11 janvier dernier, la Chine a réussi à détruire un de ses anciens satellites en orbite au moyen d'un missile lancé depuis son territoire. Et cette information, révélée par la Maison-Blanche mais non confirmée (ni démentie) par les autorités chinoises, ne cesse de faire des vagues.

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    Selon les services de renseignements américains, la cible désignée pour cet essai grandeur nature était un ancien satellite météorologiquesatellite météorologique chinois en panne, en orbite à environ 800 kilomètres au-dessus de la Terre. Le missile utilisé, dont la nature n'est pas connue mais qui est vraisemblablement dérivé d'un vecteur intercontinental, aurait été porteur d'une charge de type cinétique, détruisant sa cible par impact.

    Les réseaux de surveillance radar américains, particulièrement le NORAD, ont observé sans surprise que l'ancien satellite s'était désintégré en plusieurs centaines de fragments, ce qui ne manque pas d'inquiéter tant les civils que les militaires. En effet, la problématique des débris spatiaux est réelle, et il est rare qu'aujourd'hui une mission habitée revienne sur Terre sans que le véhicule présente la trace de collisions, même multiples. Il ne s'agit généralement que de dégâts mineurs provoqués par de minuscules débris (éclats de peinture, paillettes de glace...), mais dans le cas de l'explosion d'un satellite des fragments plus importants peuvent être dispersés. Or, l'énergie cinétique d'une bille d'acier de la taille d'un petit pois lancé à la vitesse orbitaleorbitale sur un obstacle produit approximativement autant d'énergie qu'une grenadegrenade à main.

    Réactions

    Lance Gatling, ex-officier américain et expert des questions aérospatiales à Tokyo, estime que cet essai relance les craintes d'une militarisation de l'espace, et démontre clairement que dorénavant, les satellites espions ne sont plus à l'abri d'une destruction par un pays hostile. Il ajoute que les Chinois montrent clairement leur intention de poursuivre leur programme militaire spatial comme ils l'entendent, et qu'ils sont même prêts à en assumer les conséquences.

    Les Chinois, quant à eux, jugent ces réactions exagérées et estiment logique que leur pays, militairement plus faible que les Etats-Unis et la Russie, tente de combler un retard dans un domaine dont dépend sa propre sécurité en appliquant au militaire les succès obtenus dans les domaines scientifiques et économiques.

    Mais alors que de nombreuses protestations s'élèvent depuis les Etats-Unis, l'Europe, l'Inde, le Japon, il n'est pas inutile de se rappeler que des armes similaires avaient déjà été mises au point par le passé, et expérimentées par les Russes et les Américains.

    Le passé

    Le premier missile anti-satellite opérationnel fut l'ASM-135A, une fuséefusée à deux étages de 5,42 mètres de long et 51 centimètres de diamètre pour une massemasse de 1,18 tonne. Transporté par un chasseur Mc Donnell Douglas F15, il était largué et mis à feufeu à haute altitude et, sous une accélération constante de 5 G atteignait rapidement une altitude de 560 kilomètres. Guidé par détecteur infrarougeinfrarouge, son ogive démuni de charge explosive détruisait sa cible par impact direct. Quatre essais de performances ont été effectués en visant un endroit prédéterminé dans l'espace et des sources infrarouges célestes, et un premier tir en situation réelle a abouti par la destruction d'un satellite-cible le 13 septembre 1985.

    Aujourd'hui déclaré obsolète, ce programme a été remplacé par le KE ASAT, un missile lancé depuis le sol développé par Boeing à partir de 1990 pour le compte de l'US Army. Transféré à la Navy, puis à l'AMRDEC (Aviation & Missile Research, Development, & Engineering Center) en 2002, le programme reste confidentiel, mais on sait que trois premiers prototypes ont été construits en 2001, suivis par de nombreuses variantes. Un centre d'essais aurait été inauguré en mai 2006 sous l'égide du "Army Counterspace Technology".

    Mc Donnell Douglas F15 transportant un missile ASM-135A. Crédit US Army.

    Mc Donnell Douglas F15 transportant un missile ASM-135A. Crédit US Army.

    Côté russe, c'est aussi une version aéroportée qui a été mise au point en 1980, avec largage à haute altitude d'un missile anti-satellite par un chasseur Mig-31 spécialement adapté. Toutefois, seuls deux appareils ont été construits (programme URSS/CIS ASAT), et le programme abandonné en 1990. On ignore si des essais ont eu lieu.

    Mig 31 adapté au transport d'un missile anti-satellite. Il est reconnaissable aux dérives verticales ajoutées en bout de voilure.

    Mig 31 adapté au transport d'un missile anti-satellite. Il est reconnaissable aux dérives verticales ajoutées en bout de voilure.

    Mais ce concept d'arme anti-satellite n'est pas récent. Historiquement, le premier essai concret a été réalisé le 13 octobre 1959 (!) au moyen d'un missile balistiquemissile balistique Bold OrionOrion 2. Il s'agissait d'une fusée à deux étages à propergolspropergols solidessolides (Thiokol TX-20 et Altaïr) de 11,3 mètres de long aéroporté par un B-47 Stratojet et largué à haute altitude.

    La cible choisie avait été le satellite Explorer VI lancé le 7 août 1959, premier engin spatial américain à avoir photographié la Terre depuis l'orbite. Mais étant toujours actif, il ne s'agissait pas de le détruire, les techniciens ayant postulé que l'imprécision d'un tir de l'époque ne permettrait pas d'atteindre directement une cible et que de toutes façons, le projet abouti ne procéderait pas par impact direct mais par explosion d'une charge nucléaire à proximité. Afin de permettre un repérage aisé, le missile émettait des données télémétriques et produisait des éclats lumineux en continu au moyen d'un tube à décharge.

    L'essai fut un succès, et l'ogive du missile passa à 6400 mètres seulement d'Explorer VI qui se trouvait à ce moment au périgéepérigée de son orbite, à 251 km de la Terre et à 36 km d'un axe vertical passant par Cap CanaveralCap Canaveral.

    Cette expérience resta sans suite, et ce tir fut aussi le dernier d'un missile Bold Orion 2.

    Missile Bold Orion prêt à être installé sous un B47 Stratojet en 1959. Crédit US Army.

    Missile Bold Orion prêt à être installé sous un B47 Stratojet en 1959. Crédit US Army.