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Vrai-faux suaire (vu en négatif) réalisé sous l'égide de Science & Vie par Paul-Éric Blanrue et Patrick Berger, le 21 juin 2005, au Museum d'Histoire Naturelle de Paris.
Posez un tissu de linlin mouillé sur un bas-relief. Appliquez-le soigneusement pour bien épouser les formes de la sculpture. Laissez sécher. Tamponnez le tissu avec de l'oxyde ferrique mélangé à de la gélatine, le premier est le colorant (rouge) et la seconde le liantliant qui fixe la teinture sur le tissu.
Le résultat reproduit étonnamment l'aspect du suaire de Turin. Les traits du visage conservent leurs proportions car il s'agit d'un bas-relief. Réalisée sur une tête, une telle empreinte produirait un visage déformé, avec élongation des pommettes. De plus, on obtient bien une image en négatif, qui a tant impressionné, surtout au 19ème siècle, après l'invention de la photographiephotographie, la photo en négatif de ce négatif donnant un saisissant positif.
Zeus et Mickey aussi
Jacques Di Costanzo, du CHU de Marseille, a réalisé cette expérience pour le magazine Science et Vie, qui publie un dossier dans son numéro de juillet, en utilisant un bas-relief réalisé spécialement par la sculptrice Renata Censo. Le 21 juin, au Museum d'Histoire naturelle, à Paris, Paul-Éric Blanrue a réédité l'exploit devant la presse.
"J'en ai déjà fait une quinzaine, dont un masque de Zeus et un de Mickey, pour changer
..." explique Paul-Eric Blanrue à Futura-Sciences, avant de préciser que le pionnier du genre est l'américain Joe Nickell et que d'autres ont réédité l'opération, comme Henri Broch, professeur de physique à Nice et directeur du laboratoire de zététique, la discipline qui étudie le paranormal avec des méthodes scientifiques.
La méthode est simple : "On peut réaliser une image en cinq minutes !
" affirme Paul-Eric Blanrue, qui a d'ailleurs prouvé ses dires devant la presse. De plus, elle utilise des outils et des connaissances dont on disposait au Moyen-Age.
Faussaires médiévaux
Pourquoi cette époque ? Parce que les analyses convergent pour situer au 14ème siècle la fabrication du suaire de Turin. En 1988, trois analyses au carbone 14 par des laboratoires du Polytechnicum (Zurich), de l'université d'Oxford et de celle de Tucson (Arizona) ont donné une fourchette précise : entre 1260 et 1390.
Cette datation colle bien avec la première mention de ce linceul, au 14ème siècle à Lirey, près de Troyes, une époque où fleurit une véritable industrie de la fausse relique.
Par ailleurs, le procédé de tissage implique selon Jean-Théo Flamme (ancien chercheur à l'Institut belge de recherche scientifique pour l'industrie et l'agricultureagriculture) l'utilisation d'un métier horizontal à quatre marches, inventé par les Chinois un peu avant le cinquième siècle et apparu au Moyen-Orient au sixième.
Historiquement, le débat semblait clos aussi : l'Eglise elle-même a déclaré qu'il s'agit d'un faux... Au 14ème siècle, Henri de Poitiers, évêque de Troyes, puis le pape Clément VII et enfin une enquête, diligentée par le roi de France Charles VI, ont conclut à une imposture. Le clergé a laissé vénérer l'objet mais en imposant que soit indiqué "à haute et intelligible voix
" que ce tissu n'était pas le linceul du Christ. Pourtant, quelques siècles plus tard, Paul VI et Jean-Paul II ont considéré ce linceul comme une relique authentique...
La controverse continue
Aux Etats-Unis, depuis les années 1970, une équipe de sindonologues (du latin sindon, linceul) s'appliquent à démontrer que le tissu est bien celui qui a enveloppé le corps du Christ. En janvier 2005, Raymond Rogers, chimiste à la retraite, qui a travaillé au Laboratoire national de Los Alamos (Nouveau Mexique), a analysé des fragments de tissu du suaire prélevés à l'aide de bandes adhésives et dans des échantillons datés en 1988. Alors qu'il trouve de la vanilline dans ces derniers, il n'en voit pas dans ses propres prélèvements. La vanilline se dégradant avec le temps, il en conclut que le tissu étudié en 1988 provient de pièces cousues plus tard pour réparer l'étoffe.
Ces résultats ont été très mal accueillis par d'autres spécialistes. Patrick Berger ou Jacques Evin (qui a participé à la datation de 1988) reprochent à l'auteur de ne pas dire d'où il tient ses fragments de tissu et d'utiliser cette datation à la vanilline, toute nouvelle, sans indiquer sa précision ni citer aucune référence. "Les sindonologues ont des moyens, conclut Paul-Eric Blanrue. Ils continueront à remettre en cause les résultats concluant à une origine médiévale. Mais, même si les médias et le public apprécient le mystère, la vérité, c'est que la plupart des gens n'y croient guère et n'y accordent que peu d'importance
..."