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Le zircon de Jack Hills avait été estimé à 4,4 milliards d’années, par une méthode de datation jugée imparfaite avec ce type de minéral. Mais ces chiffres viennent d’être confirmés par une nouvelle technique. © John Valley, université du Wisconsin
Il y a 4,5 milliards d'année, à sa formation, la Terre n'avait rien d'une planète bleueplanète bleue, mais arborait plutôt les teintes rougeâtres des roches en fusionfusion qui la composaient du noyau jusqu'à sa surface. C'est avec le temps, et le refroidissement, que les sols sont devenus solidessolides et l'eau liquide. Mais à quand remonte cette époque ?
Pour obtenir des réponses, les scientifiques affectionnent tout particulièrement des minérauxminéraux appelés zirconszircons, mélange de zirconiumzirconium, de silice et d'oxygène, qui résistent particulièrement à l'érosion. Le maillage que ces éléments forment crée de petites cages dans lesquelles d'autres atomesatomes se retrouvent piégés. Parmi eux figure l'uranium, dont la désintégration radioactive permet notamment de dater le moment de son emprisonnement.
Au milieu de roches sédimentaires partiellement métamorphisées de 3 milliards d'années, John Valley et son équipe de chercheurs de l'université du Wisconsin à Madison (États-Unis) ont analysé des zircons de moins d'un millimètre de diamètre plus anciens encore. D'après leurs estimations, les fragments les plus vieux sont âgés de 4,4 milliards d'années. Un record.
De la roche solide 100 millions d’années après la formation de la Terre
Pour estimer l'âge de l'échantillon, les scientifiques ont d'abord recouru à la traditionnelle méthode de datation uraniumuranium-plombplomb, qui consiste à déterminer la proportion des deux éléments dans le minéral afin de retrouver, à l'aide de calculs, la période de formation de la roche. Mais, dans les zircons, cette technique est légèrement biaisée. Les chercheurs pensent que la désintégration de l'uranium abîme les barreaux de la cage, et pour une raison mal connue, des atomes de plomb peuvent migrer d'une cellule à l'autre et contaminer un échantillon plus ancien, et ainsi fausser les calculs. Les premières estimations étaient-elles exagérées ?
La Terre n’a pas toujours eu l’apparence qu’on lui connaît aujourd’hui. Avant même que les continents ne soient formés, elle était bouillonnante et emplie de magma. Pour que se forment les roches solides, il fallait que les températures baissent. © Geralt, pixabay.com, DP
Alors, dans Nature Geoscience, les auteurs ont recouru à une technique dite de sonde atomique tomographique. Pour l'appliquer, il est nécessaire au préalable de découper des aiguilles de zircon fines de 100 nm pour les placer dans une machine spécialisée, qui génère un champ électriique intense de manière à élever les niveaux d'énergieénergie des atomes de surface, jusqu'à les évaporer, et les collecter ensuite pour les identifier et les localiser précisément. Couche après couche, on peut reconstituer l'échantillon.
Leur analyse révèle qu'il y a eu effectivement une migration d'une partie des atomes de plomb, comme supposé. S'ils avaient dû dater selon la méthode plomb-plomb (à l'aide des ratios d'isotopesisotopes 207 et 206), ils auraient trouvé un âge d'un milliard d'année supérieur à la formation du Système solaire. Autrement dit, cette roche terrestre serait apparue avant même que notre planète n'existe. Impossible. Grâce à leurs ajustements, ils ont pu déterminer que ce zircon ne s'était pas formé d'un bloc. Son cœur est le plus ancien, et vieux de 4,4 milliards d'années (4,374 plus précisément). Autour, une nouvelle formation de zircon s'est construite il y a 3,4 milliards d'années, à la suite d'un réchauffement passé.
Revoir la chronologie de l’apparition de la vie ?
Au-delà du record en lui-même, cette découverte pourrait bouleverser l'histoire que l'on se fait des premiers instants de la Terre. Récupérer un fragment de roche aussi ancien accrédite l'idée que le refroidissement de la surface de la planète aurait pu se produire plus tôt que ce que l'on imaginait jusque-là. Un détail qui a son importance si l'on veut déterminer l'âge d'apparition de la vie.
Car la présence de roches solides peut aussi signifier l'existence d'eau liquideliquide. Les océans auraient pu faire de notre astreastre une planète bleue des millions d'années auparavant, condition nécessaire à l'émergence du vivant. Les auteurs ne suggèrent pas que des micro-organismesmicro-organismes aient colonisé la Terre plus tôt que ce que l'on croyait. Seulement que les conditions étaient réunies pour que ceux-ci apparaissent il y a déjà 4,3 milliards d'années.