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Article paru le 18 août 2016
Pour faire simple, les continents sont en granite alors que les océans sont en basalte. Les premiers sont donc insubmersibles et flottent depuis des milliards d'années sur le manteaumanteau, lequel est solidesolide. Il en va tout autrement du fond des océans. Avec le cycle de Wilson, des supercontinents se forment et se fragmentent pour dériver tous les 400 millions d'années environ. Les plaques océaniques finissent donc par disparaître en plongeant par subduction sous une plaque continentale ou en s'enfonçant spontanément dans le manteau car elles s'épaississent et s'alourdissent en prenant de l'âge. Ainsi, alors que certaines roches continentales sont âgées d'environ 4 milliards d'années, les basaltes des fonds océaniques connus n'ont pas plus de 200 millions d'années environ (à l'exception des fragments de croûte océanique piégés dans les montagnes continentales, qui peuvent atteindre plusieurs milliards d'années).
Ce ballet des continents et des océans, nous en avons pris conscience en grande partie grâce à la science du paléomagnétismepaléomagnétisme. Avec elle, les géophysiciens marins des années 1960 ont découvert des bandes de roches conservant, fossilisées, l'intensité et la direction du champ magnétiquechamp magnétique de la TerreTerre ainsi que ses inversions au fond de l'océan Atlantique. Ces bandes magnétiquesbandes magnétiques avec des aimantationsaimantations alternées étaient symétriques de part et d'autre de la chaîne de montagne volcanique au milieu de l'Atlantique.
Surtout, comme la datation des roches ramenées par les forages océaniques profonds l'a révélé, elles étaient de plus en plus âgées au fur et à mesure que l'on s'éloignait de la dorsale. L'expansion des fonds océaniques, base de la dérive des continents et de la théorie de la tectonique des plaquestectonique des plaques, venait d'être découverte.
Une série d'entretiens avec Yves Gallet, chercheur IPGP-CNRS, et des membres de l'équipe paléomagnétisme. Cette science permet de reconstituer les mouvements des continents et l'histoire des océans. © Chaîne IPGP
Le fragment de plaque océanique le plus vieux de la Planète ?
Un chercheur israélien de l'université Ben Gourion, Roi Granot, vient de publier un article fascinant à ce sujet dans Nature Geoscience. Le fond de la Méditerranée est généralement recouvert d'une importante couche de sédimentssédiments (parfois plus de 10 kilomètres) qui date de la fameuse crise de salinité messinienne, un évènement géologique qui correspond à l'assèchement partiel ou total de la mer Méditerranéemer Méditerranée il y a 5,96 à 5,33 millions d'années. Il n'est donc pas facile d'y découvrir des bandes magnétiques. Roi Granot pense pourtant l'avoir fait en analysant les données collectées par une campagne de mesures passant notamment au-dessus de la plaine abyssaleplaine abyssale d'HérodoteHérodote. Profonde de 3.200 mètres environ, elle se trouve au nord-ouest de l'Égypte. En comparant les caractéristiques de ces bandes avec les archives paléomagnétiques conservées ailleurs sur la Planète, y compris sur les continents, Granot est parvenu à la conclusion que la plaine abyssale d'Hérodote est un morceau de plaque océanique vieux d'au moins 340 millions d'années.
S'il a raison, la découverte est d'autant plus intéressante que ce morceau de plaque devrait être les restes d'un océan disparu : la TéthysTéthys. C'était un paléo-océan qui s'est ouvert d'est en ouest, du PermienPermien supérieur au JurassiqueJurassique moyen, à travers la Pangée, séparant les supercontinents GondwanaGondwana (l'Amérique du Sud et l'Afrique aujourd'hui ainsi que les blocs continentaux de l'hémisphère sudhémisphère sud) et Laurasia (l'Amérique du Nord et l'Eurasie actuellement). L'extrémité occidentale de cet océan Téthys était l'actuelle Europe du Sud et l'Afrique du Nord. La Thétys va disparaître avec la remontée de la péninsulepéninsule arabique et du sous-continent indien.
Cependant, si Granot a raison, non seulement la plaine abyssale d'Hérodote est un vestige particulièrement vieux de cet océan, peut-être le plus ancien sur Terre pour une plaque océanique, mais sa mise en place est plus âgée que la date déterminée par les chercheurs en géosciences jusqu'à présent. Affaire à suivre.