au sommaire
Ce géant des mers devait être un prédateur redoutable. © Simon Powell
Trouvées dans une carrière située près de la ville de Prüm, en Allemagne (landerlander de Rhénanie-Palatinat), de curieuses traces de matièrematière organique sur une pierre plate en morceaux formaient une sorte de puzzle. En le reconstituant, Markus Poschmann, paléontologuepaléontologue allemand, a compris sa nature : un chélicère de scorpion.
Araignées, scorpions et acariens (les arachnides) mais aussi les limules portent deux de ces instruments, formant une impressionnante pince non loin de la bouche, et qui ont donné son nom au groupe des chélicérates.
Markus Poschmann devant son chélicère gravé. © Markus Poschmann
Les traces dégagées par Markus Poschmann se trouvaient dans une couche de sédimentssédiments marins datée de 390 millions d'années, ce qui nous plonge au DévonienDévonien, pendant le PaléozoïquePaléozoïque (anciennement appelé ère primaire), au moment où tant d'espècesespèces d'origine aquatique commençaient à envahir la terreterre ferme. D'énormes animaux ressemblant aux scorpions parcouraient les fonds marins, croquant les poissonspoissons, qu'ils devaient déchirer de leurs puissants chélicères et dont les descendants allaient connaître leur heure de gloire sur les terres émergées.
Les plus grands d'entre eux (les euryptéridés) mesuraient parfois deux mètres, comme en témoignent de nombreux fossilesfossiles. Avec Simon J. Braddy, de l'université de Bristol (Grande-Bretagne) et O. Erik Tetlie, de l'université de Yale (Etats-Unis), Markus Poschmann a pu déterminer que son chélicère gravé dans la pierre avait appartenu à une espèce déjà connue de scorpion de mer, Jaekelopterus rhenaniae, qui vécut entre 460 et 255 millions d'années avant le présent.
Les traces de matière organique fossilisée forment un dessin sur une pierre plate, retrouvée fragmentée. Markus Poschmann en a recollé les morceaux.
Pourquoi étaient-ils si grands ?
Mais ce chélicère-là mesure 46 centimètres, ce qui implique une taille de 2,50 mètres pour la longueur totale de l'animal. Un record est tombé. Les biologistes n'imaginaient pas qu'un arthropodearthropode ait un jour atteint une telle taille.
« C'est une découverte extraordinaire, commente Simon Braddy. Nous savions depuis un certain temps grâce aux fossiles qu'il existait des mille-pattesmille-pattes monstrueux, des scorpions géants, des cafards colossaux et des libelluleslibellules jumbo mais nous n'avions jamais réalisé, jusqu'à maintenant, à quel point certaines de ces anciennes bestioles étaient grandes ».
Pourquoi le gigantismegigantisme aurait-il été généralisé à cette époque ? Une explication proposée est que la teneur de l'atmosphèreatmosphère en oxygène était plus importante qu'aujourd'hui. D'autres pensent que les arthropodes ont dû s'adapter aux armures dont se dotaient les poissons, leurs proies principales, en pleine diversification à l'époque. Simon Braddy n'est pas convaincu par ces hypothèses. « Il n'y a pas d'explication unique », estime-t-il. Selon lui, une cause plus vraisemblable est la faible concurrence qu'offraient alors les vertébrésvertébrés, rares et chétifs à l'époque, mais qui sont par la suite devenus redoutables, contraignant les scorpions et autres chélicérates à plus de discrétion.