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L'histoire évolutive est ainsi admise : l'Homme serait un descendant éloigné des poissons osseux ou ostéichtyens. Comme eux, il est un vertébré gnathostome, ce qui signifie qu'il est doté d'une mâchoire, et comme eux, cette structure anatomique se compose notamment d'un prémaxillaire, d'un maxillairemaxillaire et d'un dentaire.
Toujours selon la classification du vivant la plus acceptée, les ostéichthyens descendraient d'un groupe rassemblant des espèces dotées d'une mâchoire supérieure qui n'est pas totalement soudée au neurocrâneneurocrâne, et qui n'est d'ailleurs pas composée d'« os vrai ». En d'autres mots, il s'agit des chondrichthyens. Ainsi, voilà plusieurs centaines de millions d'années, l'un de nos ancêtres devait ressembler à un requin. Avouons-le, c'est plutôt flatteur.
Certains risquent donc d'être déçus par la nouvelle qui arrive : cette description serait partiellement fausse. Nous ne descendrions pas des poissons cartilagineux, mais bien directement des placodermes ! Il s'agit d'un groupe de poissons fossiles ayant vécu du SilurienSilurien au DévonienDévonien, dont le corps était intégralement recouvert de plaques osseuses, tandis que la queue était tapissée d'écailles. L'information a été publiée dans la revue Nature par Min Zhu de l'académie chinoise des Sciences, avec l'aide de plusieurs collaborateurs. Elle fait suite à la découverte d'un fossile long de 20 cm particulièrement bien conservé.
Ces restes fossiles vieux de 419 millions d'années d'un Entelognathus primordialis ont été découverts en Chine. Ils se composent notamment d'un prémaxillaire, d'un maxillaire et d'un dentaire, bien qu'ils appartiennent à un placoderme. Suite à leur présence, ce groupe devient l'ancêtre direct des poissons osseux, en lieu et place des poissons cartilagineux. Les barres d'échelle représentent 1 cm. © Zhu et al., 2013, Nature
Les requins sont plus évolués qu’on ne l’a toujours cru
Le placoderme a été trouvé dans la formation géologique de Kuanti, au sein du réservoir de Xiaoxiang (province du Yunnan ; Chine). Il gisait dans une roche sédimentaireroche sédimentaire riche en conotodontes Ozarkodina snajdri, ce qui signifie qu'elle est vieille de 419 millions d'années (Silurien supérieur). L'animal, plus âgé que les premiers poissons cartilagineux ou osseux connus, appartenait à une espèce inconnue. Il a donc été décrit et nommé Entelognathus primordialis. C'est en observant sa puissante mâchoire que les scientifiques ont été le plus surpris. En effet, elle se compose d'un prémaxillaire, d'un maxillaire et d'un dentaire, comme chez les poissons osseux !
Cette découverte est lourde de conséquences. Elle signifierait que les ostéichthyens n'ont pas acquis leurs structures osseuses, mais plutôt qu'ils en ont hérité. Par conséquent, les requins et les raies ne sont plus leurs ancêtres directs. Ils occupent donc une nouvelle position dérivée dans l'arbre phylogénétique du vivant. Par ailleurs, leur squelette cartilagineux serait apparu après la version osseuse, ce qui en fait un caractère évolué, et non primitif comme le pensent de nombreux paléontologuespaléontologues (les chondrichthyens ont notamment dû perdre les plaques osseuses au cours de l'évolution).
Ainsi, nous descendrions d'un poisson cuirassé aux petits yeux enfoncés dans de profondes orbitesorbites, ce qui est moins flatteur. Toutefois, précisons qu'Entelognathus primordialis ne serait pas notre ancêtre direct, mais plutôt l'un de ses plus proches cousins. Ce n'est pas un hasard si le conditionnel est de mise, car une hypothèse ne peut être exclue à ce stade. Et si la mâchoire découverte était apparue en toute indépendance, et donc que sa ressemblance avec celle des poissons osseux n'était qu'illusion ? Le doute est désormais semé, et seules de nouvelles découvertes permettront de le lever.