Une équipe d’archéologues de l’Inrap a mis au jour sur le site préhistorique de Tourville-la-Rivière, en Seine-Maritime, les vestiges d’un ancêtre des Néandertaliens. Exceptionnelle, cette découverte vient combler un vide dans nos connaissances sur l'histoire de cette lignée.

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    Malgré les nombreux sites très anciens exhumés depuis la fin du XIXe siècle, les fossiles humains du Pléistocène moyen (de -781.000 à -128.000 ans) restent extrêmement rares en Europe du nord-ouest. En effet, hormis les deux crânescrânes fragmentaires de Biache-Saint-Vaast dans le nord de la France, les rares fossiles humains de cette période proviennent de dix sites entre Allemagne et en Angleterre. L'individu de Tourville-la-Rivière constitue une découverte majeure en Europe pour la connaissance de cette lignée humaine.

    Les vestiges humains fossiles se composent des trois os longs du bras gauche d'un même individu (humérushumérus, cubituscubitus et radius). L'étude paléoanthropologique et les analyses morphologiques et métriques permettent de les attribuer à la lignée néandertalienne. Les résultats viennent d'être publiés dans la revue Plos One par un groupe de chercheurs du CNRS, de l'Inrap, de l'université nationale australienne, du Centre national de recherche sur l'évolution de l'Homme à Burgos (Espagne) et du département d'Anthropologie de l'université Washington à Saint Louis.


    Les restes de l'Homme de Tourville suscitent beaucoup d'intérêt chez les anthropologues car l'histoire de cette lignée humaine en Europe à son époque, environ 200.000 ans avant le présent, est mal connue. Intervenants : Jean-Philippe Faivre, préhistorien (CNRS) - Responsable d'opération Inrap de Tourville; Bruno Maureille, paléoanthropologue, directeur de recherche (CNRS); Céline Bemilli, archéozoologue (Inrap). © Inrap - Tournez S'il Vous Plaît - 2014

    Le fossile et l'occupation humaine sur le site de Tourville-la-Rivière sont datés entre 236.000 et 183.000 ans. Cinq échantillons d'os humains ont été analysés par les isotopesisotopes radioactifs de la série de l'uraniumuranium 238 et huit dents animales par la même méthode et par celle de résonancerésonance de spinspin électronique (RSE), ou en anglais electron spin resonance (ESR). S'il est impossible de déterminer le sexe de l'individu, en raison des dimensions des diaphysesdiaphyses des trois os, ils pouvaient appartenir à un « grand » adolescent ou à un adulte.

    L'absence de preuves d'une intervention humaine ou de carnivores sur les ossements laisse envisager un scénario : le bras entier de ce pré-Néandertalien a été charrié par la Seine avant de se déposer, avec ou sans la main, sur les berges ou sur des bancs de sable au pied de la falaise crayeuse de Tourville-la-Rivière.

    Un Néandertalien atteint d’enthésopathie ?

    L'Homme de Tourville est le premier fossile humain aussi ancien qui révèle, sur son humérus, une crête inhabituelle à l'endroit de l'attache du muscle deltoïde. Cette anomalieanomalie résulte, selon toute vraisemblance, de la sollicitation du muscle deltoïde postérieur par un mouvementmouvement répétitif - peut-être celui du lancer - qui peut être comparable à celle observée chez certains athlètes professionnels contemporains. Bien que cette anomalie ait eu probablement peu d'influence sur la survie de l'individu, elle pose des questions sur le comportement individuel et collectif, la vie quotidienne des homininés du Paléolithique moyen (voir le portfolio Archéologie de la violence).

    Site préhistorique et paléontologique, Tourville-la-Rivière (voir la visite virtuelle de la fouille du site préhistorique) est situé dans un des nombreux méandres de la vallée de la Seine, à 14 km au sud de Rouen. Il offre une imposante séquence, de plus de 30 m de haut, reposant sur la basse terrasseterrasse de la Seine. La stratigraphie se compose de nappes d'alluvions qui se sont accumulées entre 350.000 et 130.000 ans avant notre ère. En 2010, la fouille d'un hectare s'est focalisée sur celles riches en vestiges et caractéristiques de la fin d'une période interglaciaire, datant d'environ 200.000 ans.


    Un site préhistorique et paléontologique vieux de 200.000 ans a été mise au jour en Seine-Maritime. Cette fouille extensive renoue avec une longue tradition de recherches paléontologiques et préhistoriques menées au XIXe siècle dans les carrières du nord de la France. Intervenants : Jean-Philippe Faivre, archéologue responsable d'opération (Inrap). © Inrap - Tournez S'il Vous Plaît - 2014

    Des outils particulièrement élaborés et remarquablement efficaces

    Les espècesespèces animales présentes sont caractéristiques de ce contexte de fin de période interglaciaire : outre le cerf, on trouve l'auroch et deux espèces d'équidés (dont l'hydrontin). Avec ces herbivoresherbivores grégairesgrégaires, il y a également du sangliersanglier et du rhinocérosrhinocéros. Ils sont accompagnés de plusieurs carnivores : le loup, le renard, l'ours et la panthère. En plus de cette grande faunefaune abondante, le site livre également des petits mammifèresmammifères (chats sauvages) ou des rongeursrongeurs (castor et lièvre). Cette accumulation résulte, pour une large part, de phénomènes naturels : des carcasses animales, entières ou partielles, charriées par le fleuve, viennent se déposer sur les berges ou sur des bancs de sable de Tourville-la-Rivière.

    L'industrie en silex est peu abondante au regard de la surface fouillée (500 objets seulement sur un hectare). Ce sont des lames et des éclats produits selon un processus particulier et complexe, la technique Levallois. Par exception, une petite aire de débitage concentre 300 objets sur moins de 3 m2. Elle offre de précieuses informations sur les objectifs de production recherchés par les tailleurs pré-Néandertaliens. Les éclats et lames Levallois, remarquablement performants du point de vue fonctionnel, répondent à des besoins immédiats d'outils spécifiques et permettent de prélever des matièresmatières animales (viande, tendons, peaux...) sur la faune déposée naturellement sur les berges de la Seine.