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Une reconstruction de la dame de Florès réalisée par la plasticienne Élisabeth Daynès, qui a à son actif de nombreuses (et superbes) représentations d'hominidés de la préhistoire. © Ph. Plailly / Atelier Daynès
Que de controverses depuis la découverte en 2003 dans la grotte de Liang Bua, sur l'île de Florès, en Indonésie, de restes manifestement humains. Le premier spécimen étudié, baptisé LB1, qui était une femme, vivait il y a moins de 18.000 ans, c'est-à-dire à une époque récente, où Homo sapiens s'était répandu un peu partout et, devenu le seul hominidé connu, avait déjà orné de magnifiques peintures la grotte de Lascaux.
Or cette dame de Florès semble très particulière : 1,06 m pour la taille, moins de 30 kgkg pour le poids et moins de 400 cm3 pour le cerveaucerveau, soit le volumevolume de celui d'un chimpanzé. Les caractéristiques anatomiques du squelette le mieux conservé montrent une ressemblance avec des espèces humaines plus anciennes, Homo habilisHomo habilis ou H. erectus. Pourtant, des outils de pierre, contemporains, ont été trouvés sur le site.
L'hypothèse des découvreurs, Peter Brown, Richard Roberts et Thomas Sutikna, qui ont publié deux articles dans Nature en 2004 (voir les liens au-dessous de cet article, rubrique Liens externes), fut d'emblée qu'il s'agissait d'une nouvelle espèce humaine, Homo floresiensis, restée isolée sur ces îles indonésiennes et ayant évolué vers le nanismenanisme. Tout aussi rapidement, une autre hypothèse a été émise : ces petits Hommes, souvent appelés hobbits, en référence aux personnages des romans de Tolkien, étaient des Homo sapiens, comme nous, mais atteints d'une maladie déformant le squelette. Pour certains, ces hobbits seraient des crétins nains, au sens médical du terme (d'ailleurs le nanisme du ouistiti en serait une preuve), pour d'autres, ils auraient été victimes du syndromesyndrome de Laron. La difficulté (administrative) d'accès au site et la rétention des fossiles durant plusieurs années par le paléontologuepaléontologue Teuku Jacob n'ont pas facilité l'étude et ont contribué à la controverse. Depuis, presque chaque année, une nouvelle étude vient conforter l'une ou l'autre de ces hypothèses.
Comparaison entre un crâne humain contemporain et celui de l’Homme de Florès (en fait une femme) découvert en 2003 en Indonésie. Le volume occupé par le cerveau a été estimé à 380 cm3, une valeur impossible pour un Homo sapiens adulte. Erreur, affirme une nouvelle équipe, la bonne valeur serait 430 cm3, ce qui ramènerait la petite dame de Florès dans l’espèce à laquelle appartiennent les humains actuels. © Peter Brown
Des détails anatomiques compatibles avec une trisomie 21
Alors que le balancier penchait depuis quelque temps en faveur d'une espèce à part entière, avec une étude parue en juillet 2013 et concluant à une nouvelle espèce du genre Homo, une double publication dans les Pnas (voir les liens au-dessous de cet article) vient le repousser dans l'autre sens. Menée par Robert B. Eckhardt, lequel n'a jamais cru à cette idée (« qui n'a pas de sens »), une étude entend démontrer que LB1 montre les signes d'une trisomie 21trisomie 21. Selon eux, la taille et le volume du cerveau, calculés d'après des restes incomplets ont été sous-estimés. Le cerveau occuperait en fait 430 cm3, soit le volume « de personnes atteintes de trisomie 21 dans la même région », affirme Robert Eckhardt, dans un communiqué de l’université d’État de Pennsylvanie, à laquelle il appartient. Quant à la taille, elle ne serait pas de 1,06 m mais de 1,26 m. De quoi, argumentent-ils, faire entrer la dame de Florès dans l'espèce humaine.
L'équipe s'appuie sur un faisceau d'indices observés sur l'anatomieanatomie du crânecrâne et sur le fait que les personnes atteintes de trisomie 21 ont des fémursfémurs plus courts. Ces caractéristiques ne seraient pas apparues tout de suite car les restes étaient trop fragmentaires, expliquent les auteurs et « plusieurs indices ont convergé au fil des années ». Ces chercheurs concèdent que ces anomaliesanomalies correspondant à la trisomie ne sont présentes que chez LB1 et non pas sur les restes, très incomplets, des sept autres individus retrouvés dans la grotte et attribués à H. floresiensis. Pour ces chercheurs, seule la dame de Florès était atteinte de ce syndrome et le hasard a fait que son squelette a été le mieux conservé. Voilà le balancier revenu du côté de l'individu anormal. Nul doute, cependant, que le mystère de la grotte de Liang Bua fera encore parler de lui...