Décrire avec précision des fossiles dits « plats » n’est pas toujours une chose aisée, même pour les spécialistes. Une nouvelle méthode d’analyse non destructrice vient d’être développée par des équipes françaises. Elle repose sur la détection des terres rares contenues dans les fossiles grâce aux rayons X d’un synchrotron, dans le but de révéler leur concentration en des endroits précis. Or, ce paramètre fournit des indications sur les tissus dans lesquelles les minéraux se trouvaient.

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    Quelques exemples d'oxydes de terres rares. Dans le sens des aiguilles d'une montre, en commençant par le noir : ceux de praséodyme, de cérium, de lanthane, de néodyme, de samarium et de gadolinium. © ARS-USDA, Wikipédia, DP

    Quelques exemples d'oxydes de terres rares. Dans le sens des aiguilles d'une montre, en commençant par le noir : ceux de praséodyme, de cérium, de lanthane, de néodyme, de samarium et de gadolinium. © ARS-USDA, Wikipédia, DP

    Il était jusqu'à présent très difficile de lire les fossiles dits « plats ». Une nouvelle approche permettant de les analyser vient d'être mise au point par une équipe réunissant des chercheurs de l'unité Ipanema du Centre de recherche sur la paléobiodiversité et les paléoenvironnements ainsi que du synchrotron Soleil. Cette méthode non destructive s'appuie sur des éléments chimiqueséléments chimiques appelés terres raresterres rares : les localiser et les quantifier à l'état de traces suffit pour mieux décrypter la morphologiemorphologie des fossiles. Les chercheurs ont ainsi pu décrire l'anatomieanatomie, mais aussi l'environnement à l'origine de la préservation de trois fossiles datant du Crétacé. Publiés le 29 janvier 2014 dans la revue Plos One, ces travaux devraient faciliter l'analyse des nombreux fossiles « plats », tout particulièrement ceux dits à conservation exceptionnelle dont l'anatomie est bien conservée.

    Lors de la fossilisation, les restes d'animaux ou de plantes sont souvent aplatis, comprimés en deux dimensions par la pressionpression des roches, ce qui constitue parfois un réel obstacle à l'étude de ces fossiles. Autre difficulté : ces restes écrasés subissent des modifications physicochimiques au cours de leur fossilisation, compliquant leur lecture. Or, ces fossiles peuvent receler des informations inestimables. En particulier, dans le cas des fossiles à conservation exceptionnelle, des tissus mous, tels les muscles, sont préservés. Mais localiser ces tissus reste particulièrement difficile du fait du contrastecontraste limité atteint en microscopie optique et des limites de la tomographietomographie, techniques aujourd'hui couramment utilisées pour étudier les fossiles.

    La répartition des terres à la fin du Crétacé, soit voilà 90 millions d’années. © Ron Blakey, <em>NAU Geology</em>, cc by sa 3.0

    La répartition des terres à la fin du Crétacé, soit voilà 90 millions d’années. © Ron Blakey, NAU Geology, cc by sa 3.0

    Des chercheurs du CNRS, du Muséum national d'histoire naturelleMuséum national d'histoire naturelle et du synchrotron SoleilSoleil ont imaginé et mis au point une nouvelle approche non destructive : elle repose sur la localisation de terres rares. Ces éléments chimiques (comme l'yttriumyttrium, les lanthanideslanthanides) sont connus pour être contenus à l'état de traces dans les fossiles, typiquement de 1 à 1.000 microgrammes par gramme de matièrematière. Or, selon le type de tissu, les quantités d'éléments traces incorporées lors de la fossilisation diffèrent. Cette fixation préférentielle permet de discriminer les parties anatomiques d'un fossile. Elle se matérialise par un contraste important des différents éléments chimiques selon les types de tissus du fossile lorsque celui-ci est caractérisé par imagerie de fluorescence X rapide sous rayonnement synchrotronrayonnement synchrotron. Pour accélérer l'analyse, l'équipe a proposé une méthode rapide de différenciation des tissus, fondée sur la nature probabiliste des données mesurées.

    Les terres rares, plus adaptées que les rayons X aux fossiles plats

    Les scientifiques ont appliqué cette approche à trois fossiles (deux poissons et une crevette) découverts au Maroc et datant du Crétacé supérieur, il y a environ 100 millions d'années. Les contrastes ainsi mis en évidence permettent de distinguer les « tissus durs » (os ou cuticules) des « tissus mous » (muscles ou autres organes fossilisés). Ils ont notamment permis de révéler des particularités anatomiques, jusqu'ici cachées, d'un poisson fossile connu par un unique spécimen, dont l'un des os du crânecrâne a pris la forme d'une large lame dentée.

    Cette nouvelle approche permet de visualiser en détail et avec précision l'anatomie d'un fossile sans le dénaturer et sans avoir besoin de préparer finement l'échantillon au préalable. Elle est particulièrement adaptée aux fossiles aplatis, car les rayons X pénètrent quelques fractions de millimètre à l'intérieur du fossile. Cette technique a également révélé certains os cachés sous une fine couche de roche, permettant ainsi leur visualisation directe. Elle a permis par exemple de visualiser certains appendices cachés d'une crevette fossile, tels que les pattes ou les antennes, qui portent des informations importantes pour étudier ses relations de parenté avec les autres crevettes. Par ailleurs, les teneurs en terres rares reflètent l'environnement dans lequel un fossile est préservé : la connectivité aux réseaux d'eau environnants, les conditions physicochimiques locales et les propriétés des phases minérales constituant les fossiles, qui peuvent ainsi être mieux décrites.

    Ces travaux devraient donc faciliter l'interprétation des fossiles plats très fréquents dans le registre fossile. Ils ouvrent de nouvelles perspectives pour les études paléoenvironnementales, mais également pour mieux comprendre les processus de fossilisation à long terme.