Un groupe de chercheurs italiens vient de trouver une voie de synthèse originale pour les molécules d’ARN. Son intérêt ? Elle ne nécessite aucune catalyse et reproduit des conditions proches de celles de la Terre primitive. L'expérience montre peut-être une étape de l'apparition de la vie.
Comparaison entre une molécule d'ARN (à gauche) et d'ADN (à droite). Crédit : GNU Free Documentation License

Comparaison entre une molécule d'ARN (à gauche) et d'ADN (à droite). Crédit : GNU Free Documentation License

Comprendre l'origine de la vie passe nécessairement par l'élucidation des processus physicochimiques permettant l'apparition de molécules d'ADN. Toutefois, depuis plusieurs années, les chercheurs travaillant sur la chimie prébiotique pensent que l'ADN n'est pas apparu en premier mais qu'il a été précédé de l'ARN.

On désigne souvent cette hypothèse comme celle d'un monde à ARN. Elle a été proposée en 1986 par W. Gilbert. Selon lui, les ancêtres chimiques des premiers organismes n'étaient que des molécules d'ARN. Plus souple que l'ADN, la molécule d'ARN peut se présenter sous différentes formes et présente certaines propriétés de catalyseur. Des brins d'ARN auraient pu s'associer à des petites protéines et se trouver protégés à l'intérieur de membranes lipidiques apparues spontanément dans la soupe chaude primitive. On explique mieux ainsi comment a pu se mettre en place ce mécanisme si précis menant de la lecture d'un gène de l'ADN à la fabrication d'une protéine par l'intermédiaire de brins d'ARN. Dans cette hypothèse, l'information génétique était à l'origine portée par l'ARN.

Des molécules d'ARN peuvent se polymériser sans catalyse

Depuis les travaux d'Oparin et surtout de Fox avec ses microsphères (polymères obtenus par chauffage à sec d'acides aminés), on sait qu'il existe des processus chimiques qui conduisent à la formation de structures ressemblant beaucoup à des membranes cellulaires et dans lesquelles peuvent se concentrer et s'isoler des molécules organiques. De façon intéressante, ces structures apparaissent dans des mélanges aqueux soumis à des conditions de pressions et de températures similaires à celles régnant dans l'environnement des sources hydrothermales océaniques avec des fumeurs noirs et blancs.

Si l'hypothèse d'un monde à ARN s'avère juste, on comprend qu'il est important de trouver la ou les réactions pouvant mener à l'apparition des molécules d'ARN. Il semblerait bien qu'Ernesto Di Mauro et ses collègues de l'Università La Sapienza de Rome soient parvenus à trouver une pièce importante du puzzle.

L'adénosine monophosphate cyclique (3,5-cAMP) et la guanosine monophosphate cyclique (3,5-cGMP) sont des nucléotides cycliques très similaires à deux des quatre molécules portant l'information dans l'ADN et l'ARN, et qui sont elles aussi des nucléotides. Les chercheurs italiens ont chauffé un simple mélange de 3,5-cAMP et 3,5-cGMP dans de l'eau à des températures comprises entre 40°C et 90°C pour voir ce qui pouvait se passer.

Dans ces conditions de température rappelant celles qui régnaient peut-être dans les océans primitifs de l'archéen, ils ont alors vu apparaître au bout d'une durée de 200 heures environ des molécules d'ARN composées de 100 nucléotides ! Cette longueur est faible en comparaison d'un ARN messager actuel et les molécules ainsi formées ne portent que deux des quatre lettres que nous connaissons (le A de adénosine et le G de guanine). Il manque donc le C de cytosine et le U de uracile (remplacé par la thymine dans l'ADN).

Mais il s'agit évidemment d'un résultat très encourageant, d'autant plus qu'il semble que l'apparition des nucléotides cycliques ne soit pas difficile sur la Terre primitive. En outre, ni catalyseur inorganique ni enzyme ne sont intervenus dans ce processus de synthèse de certaines molécules d'ARN. Nous sommes peut-être sur le point de percer le secret de l'apparition de la vie...