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Nous pourrions croire que notre planète a été entièrement explorée et cartographiée, notamment grâce aux satellites, mais il n'en est rien. Un bel exemple vient de nous être livré dans la revue Science et nous vient du Groenland, où la calotte glaciairecalotte glaciaire ne repose pas sur un sol relativement plat, comme on l'a longtemps cru. En effet, un canyon vient d'y être découvert, et il n'a rien à envier à celui creusé par le Colorado dans le nord-ouest de l'Arizona, aux États-Unis. Pour rappel, le Grand Canyon mesure 450 km de long, avec une profondeur maximale avoisinant 1.600 m.
Pour réaliser cette découverte, les chercheurs menés par Jonathan Bamber de l'université de Bristol (Royaume-Uni) ont exploité des milliers de clichés radar récoltés durant plusieurs décennies. Ils ont été pris lors de campagnes scientifiques aériennes organisées par des institutions britanniques, allemandes ou américaines.
Concrètement, le canyon s'étend du centre au nord-ouest de l'île, où il débouche dans le fjord abritant le glacier Petermann, à l'est du détroit de Nares. Il mesure donc 750 km de long, soit 300 km de plus que le Grand Canyon, affichant en revanche une profondeur maximale plus faible mais tout de même de 800 m. Selon toute vraisemblance, il s'est formé avant l'arrivée de la glace, voici plus de 4,1 millions d'années, et composait alors une part importante du réseau hydrologique groenlandais, puisqu'une rivière y coulait probablement.
Vue tridimensionnelle du canyon découvert au Groenland, sous la calotte glaciaire. Il débute au centre de l’île, puis se dirige ensuite vers sa partie nord-ouest, où il rejoint l’océan Arctique. © J. Bamber, University of Bristol
Une absence de lac sous-glaciaire justifiée
De nombreuses images exploitées pour cartographier le sol groenlandais ont été fournies par la NasaNasa. Elles ont été récoltées durant les opérations IceBridge, menées de 2009 à 2012 (le programme doit se poursuivre jusqu'en 2016), notamment au moyen d'un Multichannel Coherent Radar Depth Sounder. Cet appareil émet des ondes pouvant traverser la glace, puis rebondir sur ses soubassementssoubassements et donc remonter vers la surface. Le temps pris pour faire l'aller-retour trahit alors l'épaisseur de la calotte en un point donné, et donc la profondeur du sol sur lequel elle repose.
Selon les scientifiques, cette découverte aurait plusieurs implications. Par exemple, la présence du canyon expliquerait l'absence de lac sous-glaciaire sous la calotte groenlandaise, à l'inverse de ce qui s'observe en Antarctique. Une fois parvenue sur le sol rocheux, l'eau provenant de la fontefonte des glaciers profiterait tout simplement du relief pour s'écouler vers l'océan Arctique. Puisqu'elle ne peut s'accumuler nulle part, aucun lac ne se forme.
La dynamique de l'inlandsis est également impactée par la configuration topographique observée. Puisque l'eau fondue est drainée par un ancien réseau hydrologique, elle ne lubrifie pas le mouvementmouvement des glaces (à l'interface avec le sol), ce qui limite leur déplacement. Ce détail est important à l'heure où l'on essaie de comprendre et de prévoir avec précision les conséquences aux plus hautes latitudes du réchauffement climatique en cours.