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Mercredi 11 décembre, 23 h 49 : le Finistère se met à trembler. À l'est de la presqu'île de Crozon, les habitants entendent un grondement. Que se passe-t-il ? Rien de grave apparemment. Les tableaux des sismologuessismologues ne tardent pas à se garnir d'une nouvelle ligne : épicentre 4,257° O et 48,271° N (soit juste au sud de la commune de Landévennec, à une quinzaine de kilomètres au nord-ouest de Châteaulin) ; profondeur 2 km ; magnitudemagnitude locale (ML) 3,5. C'était bien un séisme, les habitants l'ont vite compris, avec une récidiverécidive plus tard dans la nuit, à 3 h 22, trois semaines après celui, d'une magnitude de 4,5, qui a secoué le sol au nord du golfe du Morbihan, près d'Auray et de Vannes, le 21 novembre à 10 h 53.
Dans les deux cas, les témoignages affluent rapidement France Séisme, le site du BCSF (Bureau central sismologique français) ou sur celui du CSEM (Centre sismologique euroméditerranéen). Sur les réseaux sociauxréseaux sociaux, la nouvelle se répand. Ainsi, le 21 novembre au matin, TwitterTwitter bruissait des commentaires laissés par ceux qui ont vécu ce tremblement. On apprenait que l'équipe de football de Vannes a été surprise en plein entraînement. Ce 12 décembre, en pleine nuit, les tweets d'habitants inquiets se sont multipliés.
Les séismes survenus en France en 2013. La Bretagne, particulièrement le sud, n'est pas épargnée. En 2002, un tremblement de terre dans le Morbihan, près de Hennebont, avait atteint une magnitude de 5,4. En octobre 2013, un léger tremblement de terre a été ressenti près de Brest. La Bretagne ne se trouve pas à la frontière entre deux plaques, mais son sous-sol est parcouru de vieilles fractures datant de l’époque hercynienne, quand la région voyait pousser un massif montagneux il y a 360 millions d’années. Il en reste des cicatrices et, comme d’anciennes blessures, elles peuvent se rouvrir. © Bureau central sismologique français, France Séisme
Des informations sur les séismes recueillies grâce aux smartphones
Ces réactions ne relèvent pas du tout de l'anecdote et peuvent même être exploitées de deux manières. Tout d'abord, il est possible de repérer des pics d'accès sur les sites traitant de sismologie et provenant d'usagers du Web qui habitent une même région. On peut ainsi détecter un séisme et la manière dont il a été ressenti par la population, et l'on peut aussi récupérer des témoignages, des photos et des vidéos. La seconde possibilité est de répondre rapidement aux questions et aux angoisses des gens aux prises avec l'événement en utilisant les réseaux sociaux, pour rassurer ou pour aider les personnes et les secours.
La première voie a été explorée dans plusieurs pays, à commencer par la France. Le CSEM (une ONG), qui centralise les données sismiques de plus de 50 pays pour les redistribuer ensuite à tous, a entamé les premiers essais il y a près de dix ans. Après avoir mis au point une technique d'analyse des accès à leur propre site et de leur localisation par l'adresse IPadresse IP, le CSEM parvient à repérer un événement sismique en une minute et demie, soit avant les réseaux de veille sismique. De là est née l'idée de la sismologie citoyenne, quand les témoins laissent dans un formulaire le récit de ce qu'ils ont observé, mais aussi des images saisies par exemple avec un téléphone portable. Des événements très rares peuvent être ainsi documentés. Depuis, le concept a évolué, et l'idée du CSEM et d'autres est d'informer les témoins, les victimes et leurs proches qui s'inquiètent.
Rémy Bossu devant les écrans qui centralisent les données sismiques d'une cinquantaine de pays, mais aussi les pics d'activité sur le site du CSEM, témoignant qu'un séisme a été ressenti quelque part. © Jean-Luc Goudet, Futura-Sciences
Il faut fournir de l'information à la population
La seconde voie, que l'on pourrait qualifier de « sismologie citoyenne 2.0 », commence à peine. Elle passe par les réseaux sociaux et déborde largement du seul risque sismique. En France, le CSEM vient de mettre en place un fil Twitter baptisé @LastQuake, car cette organisation est par essence internationale. C'est là que l'on peut déposer et lire des témoignages dès que la terre trembletremble. Sur les sites du BCSF et du CSEM, qui présentent la liste des derniers événements, les témoins peuvent aussi envoyer des photos et raconter ce qu'ils ont ressenti en remplissant un formulaire. Ce 12 décembre, en fin de matinée, le CSEM en avait reçu une cinquantaine en provenance de Bretagne, et le BCSF environ 300, ce qui lui a permis de dresser une carte des témoignages, immédiatement accessible sur le site France Séisme.
« Les autorités doivent apprendre à utiliser les réseaux sociaux, affirme Rémy Bossu, secrétaire général du CSEM. La prochaine crise se passera en direct sur les smartphones. » L'idée est d'une part de recueillir des informations, et d'autre part de contrôler les informations et les rumeurs, qui peuvent être fausses ou alarmantes. Et de rappeler deux exemples aux États-Unis. Après la fusillade de l'université Virginia Tech, une communauté s'est spontanément créée sur FacebookFacebook et a permis de dresser la première liste des victimes. Lors du passage de l'ouraganouragan Sandy, des stations de recharge publiques de téléphones mobiles ont été mises en place pour permettre aux gens de continuer à communiquer entre eux ou avec les secours. À l'inverse, souligne Rémy Bossu, « de fausses nouvelles et des photos truquées ont circulé, affirmant que la Bourse de New York était noyée ou montrant une vaguevague géante s'abattantabattant sur la statue de la Liberté ». Selon lui, il faut savoir rapidement mettre en place une surveillance des réseaux sociaux. En France, par exemple, la fuite d'un mercaptan dans une usine de Rouen en janvier 2013 a provoqué une panique, car l'odeur était inquiétante, qui a été complètement sous-estimée par les autorités.
« Il faut pouvoir éteindre les rumeurs, plaide-t-il. Il faut donner des informations et permettre aux gens d'en donner et de signaler à leurs proches qu'ils sont vivants. On peut imaginer une applicationapplication sur smartphone qui enverrait automatiquement un "je vais bien" sur les réseaux sociaux, par mail et par SMSSMS. » Dans les années à venir, il est très probable que des services s'organiseront autour de la communication par mobiles pour mieux gérer les situations d'urgence.