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Le nord du Pakistan abrite à ses frontières avec l'Inde et la Chine un massif montagneux possédant 4 des 14 plus hauts sommets du monde, dont le fameux K2 (8.611 mètres d'altitude). Le Karakoram, c'est son nom, dissimule également certains des plus longs glaciers situés en dehors des régions polaires (le glacier du Baltoro et le Siachen mesurent respectivement 57 km et 75 km), ce qui lui vaut d'être surnommé « le troisième pôle ». Les fleuves de glace du Karakoram représentent 3 % de la surface glaciaire terrestre (sans tenir compte du Groenland et de l'Antarctique).
Certains glaciers de cette région ont une autre particularité : ils grandissent ! Une étude menée sur le terrain en 2005 a en effet montré qu'ils s'allongeaient avec le temps, à l'inverse de la tendance mondiale actuelle. Cette information fut confirmée par des données satellites, mais elle devait être prise avec précaution. Grandir ne signifie pas prendre du volumevolume car pour cela, il faut au minimum que l'épaisseur de la glace reste inchangée.
Julie Gardelle du laboratoire de glaciologie et géophysique de l'environnement (LGGE) de l'université Joseph FourierJoseph Fourier de Grenoble s'est intéressée d'un peu plus près à cet événement. En collaboration avec deux autres collègues, l'équipe a effectué diverses analyses de couverture et d'épaisseur des glaces à partir de deux jeux de données provenant de satellites récoltés à 9 ans d'intervalle. Ses résultats, publiés dans Nature Geoscience, sont sans appel : les glaciers de la région centrale du Karakoram, un site de 5.615 km² (soit environ un quart de la superficie totale du massif montagneux), sont bien en équilibre ou en train de prendre du volume.
Carte représentant les variations d’altitudes des glaciers de la région centrale du Karakoram (5.615 km²) entre 2000 et 2008. Les polygones gris indiquent la forme des fleuves de glace exclus des analyses. Les triangles représentent des glaciers en croissance. Les ronds montrent les masses d’eau gelée stables ou plutôt en décroissance. Environ 41 % des glaciers ont perdu ou acquis au maximum 5 mètres d'épaisseur de glace durant cette période. © Gardelle et al. 2012, Nature Geoscience
Une région du Globe se refroidit
Deux modèles numériquesmodèles numériques de terrain de la région, en 3 dimensions, ont été réalisés respectivement en février 2000, suite à la Shuttle Radar Topographic Mission (SRTM) menée par la navette EndeavourEndeavour, puis en décembre 2008, grâce au satellite pour l'observation de la Terreobservation de la Terre (Spot5). Les variations d'épaisseur entre ces deux époques ont ainsi pu être déterminées. Les modèles représentant les glaciers avaient au préalable subi diverses transformations d'homogénéisation. Les deux cartes ont en effet été dressées à différentes périodes de l'année (février et décembre), grâce à deux méthodes distinctes (imagerie radar puis stéréo-optique) et à partir d'engins installés sur des orbitesorbites différentes.
En moyenne, les glaciers étudiés ont gagné l'équivalent de 11 cm d'eau par an (avec un écart-type de 22 cm) durant ce début du XXIe siècle, ce qui signifie, selon les auteurs, qu'ils sont en équilibre. Des variations locales ont néanmoins été observées puisque certaines massesmasses de glace présentent d'importants taux d'amincissement ou, au contraire, d'épaississement (jusqu'à 16 mètres par an dans les deux cas). Les eaux capturées auraient évité une augmentation du niveau des mers de 0,006 mm par an, une valeur inférieure de près de 0,050 mm aux précédentes estimations.
L'hypothèse la plus plausible pour expliquer ces résultats est à mettre en relation avec des conditions climatiques locales particulières. Entre 1961 et 2000, la pluviométrie hivernale n'aurait cessé de croître tandis qu'une diminution de la température moyenne estivale a été mesurée. Ainsi, ce petit bout du monde se refroidit. À l'heure actuelle, aucune explication valable n'est disponible pour expliquer ces changements météorologiques locaux. De plus, il n'est pas possible de déterminer quand ils ont débuté et surtout s'ils vont se poursuivre dans le futur.
Les auteurs ont malgré tout tenu à préciser un point important dans une dépêche AFP : ces résultats « ne remettent pas du tout en cause le réchauffement climatique global ».