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Lorsque l'on souhaite approcher la façon dont les Paléolithiques concevaient le monde et essayer de déterminer quels étaient les fondements de leur pensée, c'est-à-dire leur cadre conceptuel, pourquoi se tourner au départ vers le Chamanisme plutôt que vers toute autre philosophie ou religion ? Nous avons pour cela deux bonnes raisons.
Grotte Chauvet détail des chevaux peints. © Thomas T., Wikimedia commons, CC by-sa 2.0
D'abord le fait, largement admis, que le Chamanisme est particulièrement lié aux économies de chasseurs (Vitebsky, 1995, p. 29, 30 ; Vazeilles, 1991, p. 39 ; Perrin, 1995, p. 92, 93 ; Hamayon, 1990, p. 289). Puisqu'il est certain que les cultures du Paléolithique supérieur étaient celles de chasseurs-collecteurs, cela rend l'hypothèse chamanique pour ce qui les concerne statistiquement plus probable que toute autre.
Peintures humaines et animales dans l'abri de Pintada, dans la Sierra de San Francisco (Baja California Sud, Mexique), également réalisées dans un contexte chamanique. © Jean Clottes - Tous droits réservés
Deuxième fait : jusqu'à une époque récente, une nappe de cultures chamaniques couvrait tout le nord de la planète, de l'Asie et de la Sibérie à la Scandinavie, et elle s'étendait jusqu'au Nouveau Monde, puisque les croyances et pratiques chamaniques sont à la base des religions indiennes du Canada, des Etats-Unis, et même de l'Amérique centrale et du nord de l'Amérique du Sud.
Peintures dans l'abri de Halo (Texas, Etats-Unis) réalisées dans un contexte chamanique. © Jean Clottes - Tous droits réservés
Cela peut s'interpréter de deux manières, chacune renforçant à sa façon l'hypothèse d'un chamanisme paléolithique. Il pourrait s'agir d'une convergence, due à l'ubiquité du Chamanisme et à ses bases neuro-physiologiques. Quoi qu'il en soit, les gens qui, au Paléolithique, ont graduellement peuplé le continent américain, ont apporté avec eux leur propre conception du monde. Il est donc vraisemblable que cette conception ait été chamanique. Qu'elle ait duré pendant de nombreux millénaires n'a rien pour étonner, puisque l'on sait que les religions et les pratiques qu'elles entraînent changent bien moins rapidement que les aspects matériels des civilisations.
Nous en avons un exemple frappant avec la grotte du Parpalló, près de Valence en Espagne, où, pendant plus de treize mille ans, du Gravettien au Magdalénien final inclusivement, plusieurs milliers de plaquettesplaquettes ornées ont été apportées et déposées dans les mêmes lieux (Villaverde Bonilla, 1994), alors que des sites d'habitat voisins, de mêmes époques, en sont quasiment dépourvus.
Ces faits, car il s'agit bien là de faits et non pas d'hypothèses, et quelques autres que nous allons voir, expliquent l'âge déjà respectable de l'hypothèse chamanique pour les cultures du Paléolithique, avancée et défendue par divers spécialistes depuis plus d'un demi siècle (Eliade, 1951, Lommel, 1967, La Barre, 1970, Halifax, 1982, Lewis-Williams & Dowson, 1988, Smith, 1992).
L'étude qui suit a été publiée sous le titre « Le Chamanisme paléolithique : fondements d'une hypothèse » dans OTTE M. (dir.), La Spiritualité, Actes du colloque de la commission 8 de l'UISPP, Liège 10-12 déc. 2003, ERAUL 106, 2004, p. 195-202.