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Une coupe de la grotte de Chauvet-Pont d'Arc. Au-dessus d'une couche marneuse (Marly ledge), une partie de la falaise s'est écroulée à plusieurs reprises, fermant l'entrée de la grotte. Les analyses géomorphologiques permettent de dater ces événements. © Benjamin Sadier et al./Pnas
Quand ont été réalisées les superbes peintures qui ornent les parois de la grotte découverte en 1994 par Jean-Marie Chauvet, Eliette Brunel et Christian Hillaire, trois spéléologues, près du village de Vallon-Pont d'Arc, dans les gorges de l'Ardèche ? Les mesures au carbone 14 indiquaient un âge d'environ 31.000 ans, ce qui faisait de leurs auteurs des Aurignaciens, c'est-à-dire des Homo sapiensHomo sapiens (comme nous, donc), de la période dite de la culture aurignacienne, qui s'est déployée au début du Paléolithique supérieur. Pas d'accord, rétorquaient d'autres spécialistes qui, eux, se basent justement sur des datations relativesdatations relatives élaborées en comparant les différentes cultures. Car ces œuvres d'art découvertes dans cette grotte évoquent bien davantage la culture magdalénienne, située entre 17.000 et 12.000 ans avant le présent, et dont le plus bel exemple est la grotte ornée de Lascaux, datée de -17.000 ans.
En effet, les peintures de la grotte de Chauvet-Pont d’Arc - tel est aujourd'hui son nom officiel - étonnent et ravissent toujours ceux qui ont eu le privilège de les voir, rares puisque l'accès est interdit au public. Dans le film réalisé par Werner Herzog, les spécialistes qui s'expriment parlent spontanément de « joyau ». Les peintures évoquent la faunefaune de l'époque (rhinocérosrhinocéros, félinsfélins, mammouthsmammouths, ours...) dans des compositions sophistiquées, qui représentent souvent des scènes complexes et utilisent le relief (comme à Lascaux) pour accentuer les effets de perspective.
En 2014, « ce joyau », comme l'appellent ceux qui ont étudié la grotte de Chauvet-Pont d'Arc, sera visible par tous. Comme à Lascaux, une copie est en effet en cours de réalisation. © Rhône-Alpes Tourisme/YouTube
Deux méthodes indépendantes confirment la datation des fresques de la grotte Chauvet
Est-il possible que de telles fresques puissent dater de l'époque où H. sapiens côtoyait Néandertal ? Eh bien oui, affirment aujourd'hui des scientifiques du CNRS dans un article publié dans la revue Pnas. Deux résultats viennent confirmer la datation aurignacienne : la quantité de l'isotope 36 du chlore et l'étude des éboulis... Les géologuesgéologues du laboratoire Edytem (Environnements et dynamiques des territoires de montagnes, université de Savoie), menés par Benjamin Sadier, ont étudié la structure actuelle de la falaise au niveau de l'entrée de la grotte.
Ce travail de géomorphologiegéomorphologie est la spécialité de ce laboratoire savoyard installé au Bourget-du-Lac. Selon eux, la falaise s'est brisée à plusieurs reprises entre -29.000 et -21.000 ans, obturant complètement l'accès. Par ailleurs, les scientifiques qui ont étudié la grotte depuis sa découverte semblent formels : il n'a jamais existé qu'une seule entrée.
L'une des multiples scènes peintes sur les parois de la grotte de Chauvet-Pont d'Arc : des grands lions des cavernes à la chasse. © DRAC Rhône-Alpes/Ministère de la Culture et de la communication
La falaise reconstruite virtuellement
La seconde mesure détermine la quantité de 36Cl, un isotope formé par l'exposition aux rayons cosmiques. La quantité restante dans les calcairescalcaires indique depuis combien de temps la roche a été enfouie sous terre. Les mesures, effectuées par le Cerege (Centre européen de recherche et d'enseignement des géosciences de l'environnement, Aix-en-Provence), ne sont pas simples car il faut retrancher la quantité de chlore 36 qui a pu s'infiltrer ultérieurement par percolationpercolation de l'eau dans les fissures de la roche.
Les chercheurs se sont appuyés sur une reconstitution en 3D de la falaise à l'aide de mesures au Lidar (Light Detection and RangingLight Detection and Ranging). Le résultat final concorde remarquablement avec celui de l'analyse géomorphologique, indiquant une obturation survenue au plus tôt vers 21,5 +/- 1,0 milliers d'années avant le présent.
Les peintures pariétales de la grotte Chauvet-Pont d'Arc ne peuvent donc être plus récentes que cette date, ce qui en fait les fresques les plus anciennes que nous connaissons aujourd'hui. Depuis janvier 2012, ces fresques sont officiellement candidates pour figurer au patrimoine mondial de l'Unesco. Cette nouvelle datation vient donc à point nommé pour en souligner l'importance...