L’éléphant géant d’Ebbsfleet aurait été découpé par au moins quatre humains, d’après l’analyse de 80 outils en silex trouvés dans son voisinage. Surprenant ? Oui, car la scène se déroulait il y a 420.000 ans, bien avant l'apparition de l'espèce humaine. Ainsi, les hominidés peuplant le Royaume-Uni à cette époque coopéraient pour dépecer les grands herbivores, et peut-être même pour les chasser, comme le suggèrent quelques indices. 

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    La première ligne ferroviaire à grande vitesse britannique a partiellement été inaugurée en 2003. Longue de 108 km, elle part du sud de Londres pour ensuite rejoindre le tunnel sous la manche, en passant par la vallée d'Ebbsfleet au sud de la Tamise. C'est là qu'ont été découverts les restes d'un Palaeoloxodon antiquus durant la constructionconstruction d'une deuxième partie de la ligne, toujours en 2003. Il s'agit d'une espèce d’éléphant aujourd'hui disparue, mais dont les représentants adultes étaient deux fois plus grands que les actuels éléphants d’Afrique voilà 420.000 ans, son âge estimé.

    Ce type de découverte est rare, mais pas exceptionnel. En revanche, ce qui l'est, ce sont les dizaines d'outils en silex taillés trouvés tout autour de la carcasse. À proximité figuraient également des restes d'aurochs sauvages, d'espècesespèces de rhinocérosrhinocéros et de lionslions actuellement disparues, de lapins, de castors ou encore de macaques berbèresmacaques berbères. Les fouilles ont été menées par l'organisme indépendant Oxford Archaeology, mais c'est Francis Wenban-Smith de l'université de Southampton qui s'est ensuite chargé de l'analyse des outils. 

    Il a notamment étudié 80 silex restés intacts après les fouilles. Ils résulteraient de l'industrie lithique du Clactonien, caractérisée par des outils sur éclats de type chopper. Il s'agit de galets ou de blocs anguleux présentant un bord tranchant, et non de bifaces dont l'avènement a eu lieu un peu plus tard, durant l'Acheuléen. D'après l'archéologue, ils auraient été utilisés pour dépecer l'animal par un groupe composé d'au moins quatre individus, probablement des Homo heidelbergensisHomo heidelbergensis, ce qui démontre un travail en collaboration durant la période interglaciaire chaude qu'était l'Hoxnien.

    Les éléphants <em>Palaeoloxodon antiquus</em> ont disparu voilà 11.500 ans. Ils atteignaient 3,7 m de haut et possédaient une langue longue de 80 cm. Selon certains spécialistes, elle pouvait être projetée à courte distance pour saisir des végétaux. © H. Osborn, Wikimedia commons, DP

    Les éléphants Palaeoloxodon antiquus ont disparu voilà 11.500 ans. Ils atteignaient 3,7 m de haut et possédaient une langue longue de 80 cm. Selon certains spécialistes, elle pouvait être projetée à courte distance pour saisir des végétaux. © H. Osborn, Wikimedia commons, DP

    Des fossiles d’éléphants mâles trouvés en surnombre

    Aucun élément direct ne permet de dire si le pachyderme a été abattu ou s'il était déjà mort lorsqu'il a été découvert puis découpé. Cependant, plusieurs indices suggèrent que les Hommes de l'époque coopéraient pour chasser d'aussi grandes proies. Premièrement, une lance en boisbois a été trouvée au milieu des côtes d'un squelette découvert à Lehringen (Allemagne) en 1948. Ensuite, la plupart des restes de Palaeoloxodon antiquus dépecés mis au jour en Europe appartenaient à des mâles dans la fleur de l'âge. Difficile alors d'imaginer qu'ils soient tous morts de causes naturelles.

    À l'époque, le site ne se composait pas de plaines comme maintenant. Il était recouvert par une forêt dense et abritait des marais stagnants. Cet environnement a été reconstruit grâce à l'analyse des pollenspollens trouvés sur le site archéologique, mais aussi suite à la présence d'autres traces d'animaux caractéristiques dans le sol, comme des escargots.

    Pour être précis, d'autres outils ont également été sortis des couches de sédimentssédiments reposant au-dessus de l'éléphant. Ils dateraient de la fin de la période interglaciaire hoxnienne, mais seraient plutôt de type Acheuléen. Selon les informations présentées dans le communiqué de presse de l'université de Southampton, une nouvelle question se pose désormais : ont-ils été produits par les Hommes ayant dépecé le pachyderme, mais dont les méthodes ont évolué au cours du temps, ou par des individus arrivés au Royaume-Uni par une nouvelle vaguevague de colonisation ?