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Les coccolithophores ? Ce sont des organismes qui vivent dans le fond des océans. Du phytoplancton minuscule, mais dont le rôle apparaît fondamental, tant dans la chaîne alimentaire - les petits poissons en raffolent - que dans le processus de fixation du carbonecarbone. Et la bonne nouvelle du jour, c'est que les coccolithophores, du moins les coccolithophores côtiers, ne semblent pas affectés par l'acidification des océans résultant du réchauffement climatique.
« Nous avons constaté qu'ils étaient très résistants à des niveaux élevés de dioxyde de carbone », raconte Robert Eagle, professeur adjoint à l'université de Californie à Los Angeles (États-Unis). « Ils grandissent même plus vite. » Se démarquant ainsi des coccolithophores de haute mer que des études antérieures ont démontré bien plus sensibles.
La résilience des coccolithophores côtiers – ici en fausses couleurs et au microscope – tient peut-être du fait qu’ils se sont développés dans un environnement dans lequel l’acidité de l’eau est naturellement soumise à variations. © Howard Hughes Medical Institute
Une bonne nouvelle à prendre avec des pincettes
Pour en arriver à ces conclusions, les chercheurs ont simplement prélevé des échantillons de coccolithophores qu'ils ont placés dans des réservoirs d'eau auxquels ils ont ajouté des niveaux de dioxyde de carbone (CO2) qui correspondent aux projections faites pour le milieu ou la fin du siècle. Ils ont observé que le phytoplancton utilisait ce CO2 en surplus pour se développer.
Mais Robert Eagle met déjà en garde ceux qui seraient tentés de vouloir exploiter les coccolithophores afin de stocker les excès de CO2 que nous émettons dans l'atmosphèreatmosphère. « Le fait qu'ils soient affectés positivement n'est pas nécessairement une bonne chose. L'océan est un système complexe. Cela va entraîner des changements dans l'écosystèmeécosystème. Des changements dont nous ignorons encore la portée. »
Le phytoplancton s'opposera-t-il au réchauffement climatique ?
L'un des principaux dévoreurs de gazgaz carbonique du monde, le discret coccolithophore, qui peuple les océans du monde, ne semble pas craindre, comme on le pensait, l'augmentation d'acidité de l'eau de mer liée à l'effet de serreeffet de serre d'origine humaine. Au contraire, il se fait encore plus gourmand en gaz carbonique. Sa population aurait même crû depuis les débuts de l'ère industrielle. Mais ces résultats, surprenants, restent encore à prouver et surtout à comprendre...
Article de Jean-Luc GoudetJean-Luc Goudet paru le 22/04/2008
On craignait un effet boule de neige (si l'on peut dire, parlant du réchauffement...) mais la nature a peut-être une rétroaction bienfaitrice en réserve dans l'océan mondial. L'augmentation de gaz carbonique dans l'atmosphère conduit à une acidification des océans (par dissolution du carbone et transformation en carbonates), laquelle ralentit la croissance de nombreux organismes planctoniques à squelette de calcairecalcaire (ou carbonate de calciumcarbonate de calcium). Certains sont des animaux (comme les foraminifèresforaminifères) mais d'autres sont végétaux et font donc partie du phytoplancton, qui fixe le gaz carbonique par photosynthèsephotosynthèse. Dans des mers plus acidesacides, ces organismes seront moins nombreux, ou plus petits, et ils capteront moins de carbone, contribuant à accélérer le réchauffement. D'où une inquiétante rétroaction positiverétroaction positive...
Pour mieux mesurer l'importance du phénomène, une équipe britannique menée par Debora Iglesias-Rodriguez (université de Southampton) s'est penchée sur le cas des coccolithophores, ou haptophytes, les plus communs des organismes phytoplanctoniques utilisant le calcaire. Ces modestes alguesalgues unicellulaires vivent protégées dans une coque faite de pièces calcaires, appelées coccolithes. Leur taille se mesure en micronsmicrons et ce nanoplancton ne se fait pas trop remarquer.
Pourtant, son influence est énorme car sa biomassebiomasse est gigantesque. De plus, la fabrication des coccolithes fixe du carbone qui, à la mort de l'organisme, coule vers le fond. A l'échelle de l'océan mondial, ces milliards de particules forment une sorte de neige qui tombe régulièrement sur les fonds océaniques, se transformant ensuite en craiecraie. Durant le crétacécrétacé, grande époque de prospérité des coccolithophores, ces modestes petits êtres ont construit d'immenses couches crayeuses (le mot crétacé vient d'ailleurs de creta, craie). Les falaises d'Etretat et d'innombrables constructionsconstructions humaines en calcaire, dont Notre-Dame de Paris, témoignent de cette période faste des coccotlithophores.
Le coccolithophore Emiliania huxleyi, au microscope électronique à balayage. Il est petit mais il y en a beaucoup... © D. Iglesias-Rodriguez
Dopés par le carbone
L'équipe britannique a cultivé l'espèceespèce la plus répandue, Emiliania huxleyi, dans une eau enrichie par bullage en gaz carbonique, jusqu'à obtenir une pressionpression partielle de CO2 de 780 ppmppm (parties par million), une valeur possible pour les océans des années 2100. Alors que cette petite algue aurait dû mal supporter ce traitement, elle s'est mise à former des coccolithes deux fois plus épais... Le résultat est surprenant car il va à l'encontre d'observations précédentes. Ces coccolithophores connaîtront-ils une croissance plus importante, en réponse à l'augmentation de gaz carbonique dans l'atmosphère, de sorte qu'ils pourraient la compenser ?
Les scientifiques ne l'affirment pas, d'autant que le bilan pour le gaz carbonique est loin d'être clair. Il faut tenir compte de nombreux paramètres, qui n'ont pas été mesurés, dont l'effet sur la photosynthèse. Il faudrait également reproduire ces résultats sur d'autres espèces et préciser les phénomènes en jeu. D'ailleurs, à l'échelle de l'océan mondial, le rôle du phytoplancton est encore mal compris, comme témoignent plusieurs études récentes.
L'équipe veut poursuivre ses recherches car elle rapproche cette curieuse observation d'une autre : dans des sédimentssédiments de l'Atlantique nord, étudiés par carottagecarottage, il semble que l'activité de ces organismes du phytoplancton ait augmenté de 40% depuis les 220 dernières années, comme si elle était effectivement corrélée à l'augmentation du gaz carbonique atmosphérique. Les chercheurs envisagent d'ailleurs une prochaine expédition pour aller confirmer ces résultats et en savoir davantage sur les coccolithophores.