au sommaire
Parmi les somptueux objets sortis de terre, figure une statuette en pierre représentant la déesse Mout assise, consacrée par un certain Nespaoutytaouy, père divin et prêtre d’Amon-Rê. © CFEETK, CNRS
Le Centre franco-égyptien d'étude des temples de Karnak (Cfeetk)) a été créé par le CNRS et le ministère des Antiquités d'Égypte pour étudier et restaurer le domaine d'Amon-Rê à Karnak (Louqsor). Depuis octobre 2008, un programme d'étude interdisciplinaire est mené sur le temple de Ptah, situé en limite septentrionale du temple d'Amon-Rê, en Égypte. Construit sous le règne de Thoutmosis III (env. 1479-1424 av. J.-C.), au cours de l'Égypte antique, ce temple a été restauré, agrandi et aménagé jusqu'au règne de l'empereur Tibère (14-37 ap. J.-C.). Il est consacré au dieu Ptah, divinité associée à la ville de Memphis.
Le programme est entré dans sa deuxième phase et se concentre sur l'archéologie. Des fouilles ont récemment mis en évidence une favissa, une fosse ayant servi de dépôt pour des objets de culte, située deux mètres à l'arrière du temple. Les archéologues du Cfeetk y ont trouvé 38 statues, statuettes et objets précieux en calcairecalcaire, grauwacke, alliage cuivreux et fritte égyptienne, parfois recouverts d'or.
Un dépôt statutaire datant de la 25e dynastie égyptienne
Parmi ces objets cultuels qui étaient disposés autour de la partie inférieure d'une statue du dieu Ptah assis, se trouvent notamment :
- 14 statues, statuettes et figurines d'Osiris ;
- 3 statuettes de babouin ;
- 2 statuettes représentant la déesse Mout, dont une couverte d'inscriptions hiéroglyphiques ;
- 1 tête et 1 statuette fragmentaire de chatte (Bastet) ;
- 2 bases de statuettes non identifiées ;
- 1 plaquetteplaquette et la partie supérieure d'une petite stèle portant le nom du dieu Ptah ;
- plusieurs éléments d'appliques statuaires (irisiris, cornée, barbe postiche, coiffes, etc.).
Une statuette de belle qualité (voir la vidéo ci-dessous) représentant un sphinx au corps de lionlion en position accroupie sur un socle rectangulaire anépigraphe figure parmi les plus belles trouvailles. La tête humaine porteporte le némès traditionnel (coiffe emblématique des pharaons) retenu sur le front par un bandeau horizontal sur lequel apparaît un uraeus (cobra femelle qui a pour fonction de protéger le pharaon contre ses ennemis). La statuette est complète, à l'exception du neznez qui semble avoir disparu durant l'Antiquité.
Une statuette de sphinx en calcaire blanc de petite dimension (l. : 50 cm ; L. 20 cm ; h : 30 cm) était disposée debout dans une fosse à l’arrière du temple de Ptah. © CNRS-CFEEETK, Kévin GUADAGNINI (MAEDI), YouTube
La patte avant gauche, cassée, a été retrouvée positionnée sur la patte avant droite du sphinx et contre le bord de la fosse. Aucune inscription n'est visible à ce stade mais la restauration du sphinx débute seulement. L'œuvre semble être une réalisation tardive. L'étude des céramiquescéramiques provenant de la fosse et des indices stylistiques devraient permettre de proposer une datation plus précise.
Une petite tête de statue représentant probablement le dieu Imhotep a également été découverte dans la partie supérieure de la fosse tandis qu'une stèle votive fragmentaire a été trouvée en marge. D'après le matériel céramique trouvé dans cette fosse et les données épigraphiques, le dépôt statuaire remonterait aux VIIIe-VIIe siècles avant l'ère chrétienne, période à laquelle émerge la 25e dynastie égyptienne.
Une fouille reconstituée virtuellement en images de synthèse
De par son ampleur et sa qualité, ce type de découvertes reste rare en Egypte. Une nouveauté vient par ailleurs renforcer son aspect exceptionnel : il s'agit de la méthode d'enregistrement utilisée au cours de la fouille. L'excavation des objets a en effet été documentée par un topographetopographe spécialisé en archéologie, qui a réalisé une succession de reconstitutions photogrammétriques par corrélation dense d'images depuis l'apparition du premier objet jusqu'à l'enlèvement complet des statues.
Les archéologues au mois de décembre 2014, en plein travail à l’est du temple de Ptah à Karnak. Ils déterrent des objets jetés pêle-mêle dans une fosse, autour de la partie inférieure d’une statue en calcaire du dieu Ptah. © CFEETK, CNRS
Cette technique consiste à compiler, à l'aide de logicielslogiciels spécialisés, des centaines de photographiesphotographies prises sur le terrain pour restituer virtuellement en trois dimensions chaque étape de la découverte des statues. L'association de ces reconstitutions photogrammétriques avec des points topographiques très précis - à quelques millimètres près - donne la possibilité de localiser tous les objets a posteriori, d'étudier leur disposition en détail mais aussi de générer la vidéo de la totalité du dégagement de la fosse. Comme il est nécessaire d'enlever les objets du site de fouille très rapidement en raison de leur valeur, cette méthode permet une conservation optimale des données sur le site tel qu'il a été découvert.
Tous les objets découverts sont en cours de restauration dans le laboratoire du Cfeetk. La fouille se poursuit et pourrait apporter des données supplémentaires permettant de mieux comprendre l'organisation des abords du temple de Ptah et la raison du creusement de cette exceptionnelle favissa.