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Egoïsme et altruisme
Les mots "égoïsme" et "altruismealtruisme" ont des significations variées suivant le contexte. Quelle en est la définition biologique?
Plaçons-nous tout d'abord sur un plan strictement génétiquegénétique (la culture viendra un peu plus loin)
L'unité de sélection qui sert de base à la théorie de l'évolutionthéorie de l'évolution est l'individu. Si, dans une population d'une espèceespèce vivante donnée, les individus sont parfaitement autonomes et solitaires, chacun cherche à obtenir le meilleur succès reproductif possible de telle sorte que l'égoïsme est, si l'on peut dire, normal . Il y a trois milliards et demi que cela dure ettout biologiste démontre facilement à ses étudiants que l'altruisme ne peut pas être déterminé génétiquement, même si des théoriciens se sont efforcés plus d'une fois de montrer le contraire. En effet, tout individu qui serait altruiste augmenterait statistiquement le succès reproductif de "l'autre" aux dépens du sien. Ce sont donc les gènesgènes de l'autre qui se répandraient dans les populations aux dépens des gènes altruistes, en admettant que ces derniers existent.
Si, contrairement au cas précédent, les individus d'une espèce particulière vivent en groupes au lieu d'être solitaires, les choses se présentent différemment. On peut faire le raisonnement suivant: si je vis en groupe, mon comportement altruiste peut bénéficier au groupe, ce qui peut en définitive être avantageux pour moi, donc mon intérêt est d'être altruiste. Ce raisonnement en apparence séduisant a conduit à la notion de sélection de groupe concept selon lequel l'unité de sélection ne serait plus l'individu mais le groupe d'individus. Seraient avantagés (donc positivement sélectionnés) les groupes dans lesquels la coopération entre les individus serait la plus efficace. En réalité, le concept de sélection de groupe n'a pas beaucoup de partisans parmi les généticiensgénéticiens contemporains, et cela pour une raison qui surprend au premier abord: à cause des tricheurs. Il est en effet facile de démontrer que si, dans un groupe supposé coopératif, certains individus recueillent le bénéfice de la solidarité (acceptent l'aide des autres) mais refusent d'en payer le prix (n'aident pas les autres), ces individus sont avantagés par la sélection naturellesélection naturelle. Ce sont leurs gènes de tricheurs qui, statistiquement parlant, se répandent dans les populations et détruisent la cohésion du groupe .
La coopération existe également entre des organismes appartenant à des espèces distinctes, donc porteuses d'informations génétiques entièrement différentes. C'est même la différence entre ces informations qui les rend complémentaires et explique que ce type d'association ait été retenu par la sélection, à plusieurs reprises au cours de l'évolution. La coopération la plus familière de toutes associe les plantes à fleurs et les insectesinsectes: la plante nourrit l'insecte avec du nectar; en échange, l'insecte transporte le pollenpollen d'une fleur à l'autre et assure ainsi la fécondationfécondation croisée, indispensable au maintien de la diversité génétique (figures 2 et 3). Toutefois, l'impression d'harmonie, voire d'altruisme, que donnent ces coopérations résulte d'une projection de nos phantasmes. Les études de génétique démontrent en effet que, dans une association plante-insecte, chacun des deux partenaires est parfaitement égoïste: l'orchidéeorchidée n'a aucunement pour objectif de nourrir l'abeille ou le papillon; l'abeille et le papillon ne cherchent nullement à rendre service à l'orchidée. D'ailleurs, il existe aussi des tricheurs dans ce type d'associations: on connaît des fleurs qui attirent les insectes mais ne leur donnent rien en échange du transport de pollen, on connaît des insectes qui dégustent le nectar mais ne tranportent pas le pollen!
Tout semble bien prouver que cet éloge (et cette nécessité) de l'égoïsme s'appliquent à toutes les espèces vivantes qui peuplent notre planète .Toutes les espèces ??? Sauf une, crie l'honnête homme!
Venons-en donc au cas de l'Homo sapiensHomo sapiens. Les réflexions de Thomas Huxley et de Laura Betzig, citées plus haut, auxquelles on pourrait ajouter celles de tant de philosophes, théologiens ou biologistes, convergent pour montrer que, fondamentalement, les hommes sont soumis aux lois de la nature, celles de l'égoïsme pur et dur. Mais elles convergent aussi pour faire naître un espoir, non plus celui d'un paradis hypothétique, mais tout simplement celui d'un comportement culturellement déterminé, capable de remplacer l'égoïsme par un authentique altruisme.