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Sarcocephalus latifolius (autrefois Nauclea latifolia) est un petit arbuste (aussi appelé pêcher africain) abondamment répandu dans toute l'Afrique subsaharienne. En médecine traditionnelle, notamment au Cameroun, cette plante est utilisée dans le traitement de pathologies et symptômes divers, incluant l'épilepsie, le paludisme, la fièvre et la douleur.
Afin d'identifier la présence et la nature de potentielles substances activessubstances actives au sein de cette plante, Michel De Waard, directeur de recherche à l'Inserm, a initié une collaboration scientifique entre l'institut des Neurosciences (Gin) et le département de Pharmacochimie moléculaire (DPM) de Grenoble, et l'université de Buea (Cameroun).
Grâce à leurs travaux, les chercheurs ont réussi à isoler et caractériser le composant responsable des effets antidouleur présumés de la plante à partir d'un extrait d'écorce de racines. À la surprise générale, ce composant existait déjà dans le commerce sous une forme synthétique : le tramadol.
Du tramadol dans le pêcher
« Le plus surprenant pour nous a été de constater que cette moléculemolécule ne nous était pas inconnue. Elle était identique au tramadol, un médicament de synthèse mis au point dans les années 1970 et utilisé couramment dans le traitement de la douleurdouleur, explique Michel De Waard, directeur de recherche à l'Inserm. Ce traitement est utilisé dans le monde entier, car ses effets secondaires, notamment de dépendance, sont moins prononcés que ceux de la morphine dont il est dérivé. » Le tramadol est en réalité une forme simplifiée de la morphine qui conserve les éléments indispensables aux effets analgésiquesanalgésiques.
Le tramadol est utilisé depuis plusieurs décennies comme analgésique. D'abord synthétisé, on vient de le trouver naturellement et à haute dose dans une plante africaine : 20 g d'écorce fournissent l'équivalent d'un comprimé. © Rotellam1, Wikipédia, cc by sa 3.0
Pour confirmer leurs résultats parus dans Angewandte Chemie, les chercheurs ont testé différents procédés pour prouver l'authenticité de cette origine naturelle. Leurs analyses ont par ailleurs été confirmées par trois laboratoires indépendants ayant reçu différents échantillons à diverses périodes de l'année.
« Tous les résultats convergent et confirment la présence de tramadol dans l'écorce des racines de Sarcocephalus latifolius. À l'inverse, aucune trace de la molécule n'a pu être détectée dans la partie aérienne de l'arbuste (feuilles, tronc et branches) », explique le chercheur. Enfin, pour exclure la possibilité d'une contaminationcontamination non intentionnelle des échantillons par du tramadol de synthèse, les chercheurs ont prélevé des échantillons à l'intérieur même des racines et ont pu confirmer la présence de la molécule. D'un point de vue quantitatif, la concentration de tramadol dans les extraits d'écorce séchée est de 0,4 % et de 3,9 %, soit des niveaux très élevés de principe actif.
À la recherche d’autres plantes antidouleur
Au-delà de l'aspect inédit de cette découverte (premier cas potentiellement exploitable d'un médicament de synthèse de l'industrie pharmaceutique découvert dans une source naturelle et dans des proportions si élevées), ce résultat majeur ouvre des perspectives aux populations locales pour accéder à une source de traitement bon marché et valide les concepts de médecine traditionnelle (sous forme de décoction d'écorces de racines).
« Il existe plus de dix espècesespèces différentes de cet arbuste en Afrique, nous pourrions imaginer refaire les mêmes tests afin de déterminer la présence ou non de tramadol selon les espèces », conclut Michel De Waard.
Par ailleurs, cette étude permet d'effectuer une mise en garde contre les risques de pharmacodépendance liés à la surconsommation des racines de cette plante. En effet, le tramadol est à classer dans la catégorie des opiacés, au même titre que la morphine dont il est dérivé.