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Si l'ADN contient l'intégralité de l'information génétique, celle-ci n'est pas exprimée de la même façon en fonction du type cellulaire et des pressions environnementales. C'est l'épigénétique qui régule la génétique. L'activité physique contribue donc à modifier l'expression de certains gènes du métabolisme dans les cellules musculaires en les rendant accessibles pour les enzymes chargées de la transcription suite à la perte du groupement méthyle. © Wellcome Images, Flickr, cc by nc nd 2.0
Les bienfaits du sport ne sont plus à vanter. Que ce soit dans des pathologies aussi différentes que le cancer du sein, l'ostéoporose, le déclin cognitif ou bien sûr l'obésité, pratiquer une activité physiquephysique préserve la santé.
Des précisions supplémentaires et surprenantes viennent d'être apportées par des chercheurs du Karolinska Institutet (Suède) montrant qu'un peu d'exercice favorise l'expression de certains gènes impliqués dans l'oxydationoxydation musculaire ou la régulation du glucose en modifiant la structure de l’ADN en quelques heures seulement. Des changements dits épigénétiques.
Dans cette étude publiée dans la revue Cell Metabolism, 14 sujets non-sportifs ont pédalé sur un vélo stationnaire pendant 20 minutes. Auparavant, un petit échantillon du muscle de leur cuisse avait été prélevé, manipulation reproduite après l'effort.
Les gènes du métabolisme déméthylés par le sport
Les recherches se sont focalisées sur l'activité de différents gènes. Parmi eux : PGC-1alpha, un facteur de transcriptiontranscription qui augmente l'oxydation musculaire ; TFAM qui régule la transcription d'ADN mitochondrialADN mitochondrial ; MEF2A régulant le transport de glucose à l'intérieur et à l'extérieur de la cellule.
Après un exercice physique, même pour ceux qui ne pratiquent pas régulièrement, la structure de l'ADN est modifiée et les gènes du métabolisme, luttant contre le diabète, sont davantage exprimés. Le plus étonnant reste la vitesse à laquelle notre organisme s'adapte. © Joint Base Lewis McChord, Flickr, cc by nc sa 20
Dans les trois heures suivant l'exercice physique, ils ont remarqué que les régions promotrices de ces gènes étaient déméthylées, c'est-à-dire qu'elles avaient perdu un groupement méthyle (-CH3), lequel les rend inaccessibles aux enzymesenzymes chargées de la transcription. Ainsi, ces fragments d'ADN pouvaient désormais être lus et traduits en protéinesprotéines. L'effet constaté était également dépendant de l'intensité de l'effort : ceux qui avaient pédalé le plus fort montraient un taux de déméthylation plus important.
Des liens avaient précédemment été établis entre ces gènes et le diabète de type 2, puisque les malades les expriment moins. Les chercheurs pensent qu'ils pourraient être à l'origine du déficit de réponse en insulineinsuline à l'origine de la pathologie. Les avantages de l'activité physique contre le diabètediabète sont désormais établis à l'échelle moléculaire.
Pour vérifier que l'effort physique n'aboutissait pas à la déméthylation systématique, des gènes qui ne sont pas associés au métabolismemétabolisme ont également été scrutés, et aucune de ces régions codantes n'a connu de telles modifications. Ces changements dans la structure de l'ADN sont donc ciblés.
Des modifications épigénétiques très rapides
Le plus surprenant dans cette découverte n'est pas tant l'adaptabilité de l’organisme à son environnement que la vitessevitesse à laquelle ces modifications se produisent. On pensait qu'une fois une cellule différenciée, son épigénome (l'ensemble des modifications épigénétiques) restait très stable au cours du temps. La preuve du contraire vient d'être apportée.
À contrario, il suffit de quelques heures de repos pour que les gènes retrouvent l'état de méthylationméthylation qu'ils connaissaient avant l'effort physique. La réciproque est donc exacte. Mais les scientifiques imaginent déjà qu'une pratique régulière de sport tend à élever le niveau basalbasal d'expression génétiquegénétique, aboutissant à des changements épigénétiques à long terme préservant du diabète.
Par des études in vitroin vitro complémentaires sur des tissus musculaires de rats, les chercheurs ont pu démontrer que cet effet ne s'expliquait que par les contractions musculaires, et qu'aucun facteur circulant (comme des hormoneshormones) ou autres neurotransmetteursneurotransmetteurs ne contribuait à ces modifications de l'ADN.
La caféine contenue dans le café produit sur l'ADN les mêmes effets qu'un effort physique. Mais il faut en boire tellement que les effets sur le système nerveux central ne sont pas sans conséquences... à ces doses, le café devient mortel ! © Mark Prince, Wikipédia, DP
Contre le diabète, le café du matin ne vaut pas le jogging du soir
Enfin, ils ont identifié plus précisément les mécanismes, encore une fois sur des tissus musculaires de rats. En injectant une dose massive de caféine, le réticulum sarcoplasmique, un organiteorganite propre aux muscles, déverse le calciumcalcium qu'il contient dans le cytoplasmecytoplasme cellulaire, ce qui mime la contraction. Dans ce cas, ils ont obtenu les mêmes déméthylations que dans leurs expériences précédentes.
Juleen Zierath, qui a supervisé ce travail, tient à dissuader ceux qui voudraient se jeter sur leur machine à expresso plutôt que de courir vers leur salle de sport. La caféinecaféine agit principalement sur le système nerveux centralsystème nerveux central, et pour constater des effets au niveau musculaire semblables à ceux observés dans les tissus de rats, « il faudrait consommer l'équivalent d'une cinquantaine de tasses par jour, à peu près la dose mortelle ». Autant opter pour l'activité physique...