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Mycobacterium tuberculosis, à l'image, est la bactérie responsable de la tuberculose, une maladie causant encore plus d'un million de victimes dans le monde chaque année. Les souches se montrent de plus en plus résistantes aux traitements. © Janice Haney Carr, CDC, DP
Nous dirigeons-nous tout droit vers un scénario catastrophe ? Telle est l'inquiétude de certains spécialistes de la question de la résistance aux médicaments. Sally Davies, principale conseillère au sein du département de la Santé britannique, a même comparé les risques d'une inaction face à ce problème à une attaque terroriste comme celle que Londres a connue le 7 juillet 2005.
D'ordre planétaire, cet enjeu concerne inéluctablement l'Organisation mondiale de la santéOrganisation mondiale de la santé (OMS) qui prend la menace très au sérieux. « Dans certaines régions du monde, la situation devient critique. Nous disposons de moins en moins d'options de traitements face à certaines espècesespèces pathogènes », explique à Futura-Sciences Carmem Pessoa da Silva, directrice d'équipe scientifique dans l'unité Résistance aux médicaments antimicrobiens au sein de l'organisme des Nations unies.
Le hic, c'est que le problème s'aggrave. « Pour beaucoup de bactéries par exemple, les données dont on dispose montrent que la situation empire, et parfois l'évolution est rapide », reprend-elle. Il est donc temps d'agir. Mais comment ? « Il existe peu de nouveaux antibiotiques en développement, ce qui explique pourquoi les solutions s'amenuisent au fur et à mesure. De toute façon, même si ces traitements s'avèrent efficaces, cela ne durera qu'un temps, puisque les bactéries se montreront probablement capables de devenir très vite insensibles. » D'où l'obligation de trouver des alternatives.
Mesures de l’OMS pour contrer la résistance aux antimicrobiens
L'OMS a établi plusieurs programmes propres à différentes maladies, afin de contrôler ce phénomène de résistancerésistance. Ainsi, tuberculose, paludisme, gonorrhée ou VIHVIH disposent d'un traitement particulier. Évidemment, il existe une stratégie plus globale concernant toutes les autres maladies transmissibles. « Mais pour plus d'efficacité, nous avons besoin d'améliorer la préventionprévention et de faire prendre conscience des enjeux à tous, et de guider les États membres vers des actions pertinentes, détaille Carmem Pessoa da Silva. Dans ce sens, le 7 avril 2011, lors de la Journée mondiale de la santé, l'OMS a mis en place un programme en six points intitulé "Pas d’action aujourd’hui, pas de traitement demain". »
Le staphylocoque doré (ici à l'image) est connu pour survivre à de nombreux traitements antibiotiques. La bactérie réside parfois dans les hôpitaux où elle affecte des patients amoindris et en profite pour entraîner une maladie nosocomiale. © Matthew Arduino, CDC, DP
Les pistes pour combattre les infections sont nombreuses : établir des mesures préventives comme le développement de nouveaux vaccinsvaccins, trouver de nouvelles cibles aux traitements, aider le système immunitairesystème immunitaire à mieux défendre l'organisme, etc. Mais il s'agit aussi d'améliorer les diagnosticsdiagnostics, pour ne pas donner inutilement des antibiotiquesantibiotiques quand ils ne sont pas nécessaires. Des lois ont été déjà été appliquées en ce sens. Par exemple, l'an passé, les États-Unis interdisaient l'administration d'antibiotiques aux animaux d’élevage autrement que pour des raisons thérapeutiques.
« Plus d'efforts doivent être menés », poursuit la scientifique. Ces dernières années, la phagothérapiephagothérapie a été particulièrement étudiée et pourrait devenir une alternative aux antibactériens classiques. Elle consiste à utiliser des virus appelés bactériophagesbactériophages, qui survivent en détruisant spécifiquement une espèce bactérienne, tout en restant inoffensifs pour l'Homme. Bien qu'ancienne puisqu'antérieure aux antibiotiques, cette pratique pourrait retrouver une seconde jeunesse. « Mais il est encore trop tôt pour apporter des conclusions, des investigations étant encore nécessaires », tempère la chercheuse.
Des microbes avec un temps d’avance
Finalement, toutes proportions gardées, la situation est un peu la même que celle du dopage dans le sport. Les scientifiques ont toujours un temps de retard. « Il y a désormais des preuves qui attestent que des bactéries vivant dans des grottes isolées sont devenues résistantes aux antibiotiques quatre millions d'années avant l'arrivée de ces médicaments », renchérit Carmem Pessoa da Silva.
Et de conclure que « les actions clés pour éventuellement remporter la bataille contre les pathogènes consistent à stopper l'utilisation inappropriée des antimicrobiens dans l'espèce humaine et chez les animaux, et à éviter le rejet de moléculesmolécules actives dans l'environnement, dans l'espoir de ralentir la cadence à laquelle la résistance est en train d'émerger ».
Aujourd'hui, il existe même des cas de bactéries résistantes à tous les antibiotiques connus. Des maladies très rares de nos jours, voire éradiquées dans nos contrées, pourraient refaire surface. Il n'est probablement pas encore trop tard pour agir. Mais ne perdons pas davantage de temps...