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Pendant longtemps, on a résumé l'inné à la succession de bases azotées qui composent l'ADN. Certaines régions non codantes du génome étaient même qualifiées de « poubelles » avant qu'on ne se rende compte de leur réelle utilité, notamment dans la régulation des gènes. Mais ce n'est pas le seul processus qui entre en ligne de compte dans l'expression du patrimoine génétique.
En effet, les bases de l'ADN peuvent être agrémentées de groupements chimiques appelés méthyle. Leur présence prive les enzymesenzymes chargées de la transcription de faire leur travail, ce qui empêche l'expression du gène. Ces méthylationsméthylations constituent une partie importante de l'épigénétique.
Or, si pendant longtemps on a considéré que le cancercancer n'était que le fruit de mutations génétiques, on revient peu à peu sur ces considérations, en accordant davantage de place qu'auparavant au microenvironnement dans lequel baignent les cellules, ainsi qu'à la régulation géniquegénique.
Taches de sang des bébés qui en disent long
Pour preuve, Akhram Ghantous, chercheur au Centre international de recherche sur le cancer (Circ), à Lyon, est venu exposer ses travaux lors du congrès Eurocancer. Ses collègues et lui tentent de voir si des modifications épigénétiques apparues durant la grossessegrossesse chez le fœtusfœtus peuvent expliquer un cancer qui se déclare durant l'enfance. Une tâche ardue, qui n'avait pas été réalisée du fait de la nécessité de prélever des échantillons dès la naissance de l'enfant.
Certaines portions de l'ADN peuvent être surmontées de groupements méthyle, qui empêchent l'expression des gènes. Ces facteurs épigénétiques sont étudiés de près pour savoir s'ils peuvent expliquer la survenue d'un cancer. © Zephyris, Wikipédia, cc by sa 3.0
En effet, on sait que le régime alimentaire de la femme enceinte ou son exposition à certains agents physiquesphysiques, chimiques ou biologiques peuvent occasionner des troubles chez le bébé à naître. Afin de mesurer l'impact de l'environnement sur le développement du fœtus, le Circ a établi le suivi d'une cohortecohorte mère-enfant.
À partir de taches de sang récoltées à la naissance, les chercheurs sont désormais capables d'établir les méthylations de l'ADN de chaque enfant, à l'aide d'une technique nouvelle montée sur une puce, appelée 450K.
L'épigénétique, l'avenir de la compréhension des cancers
Les résultats sont convaincants. Bien qu'il soit trop tôt pour déterminer l'origine d'un cancer par les seules modifications du méthylome, ces travaux montrent que les fœtus exposés à de hauts taux d'aflatoxine (une toxinetoxine produite par des champignonschampignons) présentent entre eux un profil de méthylation très comparable en certains points de l'ADN. Ce profil diffère très nettement de celui des autres bébés nés d'une mère non exposée à cette toxine. Dans le ventre de leur mère, les enfants sont donc soumis à des altérations de leur épigénome.
L'étude n'est encore qu'à un stade très précoce, et n'a pas encore les moyens d'établir le lien entre une méthylation en un point précis et la survenue d'un cancer quelque temps plus tard, comme cela a été fait pour un certain nombre de mutations. L'épigénétique est encore balbutiante, mais mieux la comprendre est probablement une clé qui ouvrira la voie vers une nouvelle compréhension du cancer et d'autres maladies. Et amènera peut-être les scientifiques à découvrir de nouveaux traitements.
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Parce que le monde de la recherche est parfois un peu obscur, Futura-Sciences veut être l'un des relais entre l'universunivers des spécialistes et le grand public. C'est à ce titre que nous nous sommes rendus au congrès Eurocancer, les 25 et 26 juin au Palais des congrès de Paris, le plus grand congrès francophone sur le cancer. Et nous ne sommes pas revenus les mains vides...