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L'empreinte digitale a révolutionné la pratique de la médecine légale. © Wikipedia CC by-sa 3.0
- Observez l'ADN tout en image
Les techniques que met en œuvre aujourd'hui la médecine légale ont été, pour la plupart, imaginées et mises au point durant les deux derniers siècles. Et naturellement, elles continuent de se moderniser.
Marie-Hélène Cherpin, directrice générale du Laboratoire d'empreintes génétiques (LEG) du groupe Biomnis à Lyon, nous raconte l'évolution de ces techniques au fil des années, avant de donner des exemples concrets d'utilisation de cette technique.
La révolution de l'ADN
Les empreintes digitales et génétiques. « Voilà les deux grandes découvertes qui ont changé la médecine légale », nous explique-t-elle. Les premières empreintes digitales ont été prélevées à la fin du XIXe siècle. Chaque empreinte étant unique, cette méthode est depuis la plus couramment utilisée par la police scientifique pour l'identification de victimes, de coupables ou de témoins. Les dactylogrammes sont prélevés sur les scènes de crimes ou de délits, puis fournis aux laboratoires chargés de les analyser et de les comparer.
Même chose ou presque pour les empreintes génétiques, ou ADN. Découverte à la fin des années 1980, cette technique n'a cessé de s'affiner au cours des années. « Au début, nous avions besoin d'une grande quantité d'ADN et d'un énorme équipement, avec des produits radioactifs pour établir un profil génétique. Aujourd'hui, la technique est nettement simplifiée, explique Marie-Hélène Cherpin. Nous n'utilisons plus de radioéléments. Et au lieu d'une dizaine de jours de travail pleins il y a vingt ans, il nous suffit aujourd'hui de 48 heures pour établir un profil génétique ». Si la technique reste la même, elle s'affine grâce à l'évolution de la technologie, à l'apport de l'informatique et à la miniaturisation des méthodes. « Des découvertes comme celles-là, il y en a une par siècle », explique notre guide...
Le futur des analyses : des empreintes visuelles et olfactives ?
« De nombreux scientifiques travaillent sur d'autres types d'empreintes, vocales et olfactives notamment. Mais il faudra sans doute encore de nombreuses recherches avant d'envisager une nouvelle technique d'identification de ce type », souligne Marie-Hélène Cherpin. Pourtant, rien ne semble impossible. Notre voix et notre odeur nous sont peut-être aussi uniques et exclusives que notre profil génétique. « Certains scientifiques pensent que si un chien peut reconnaître une personne à l'odeur, c'est peut-être parce que nous avons une empreinte olfactive bien à nous. »
Encore un peu plus fou : « certains policierspoliciers rêvent que l'on puisse voir la dernière image déposée sur la rétine d'une victime d'homicide », évoque-t-elle. Un rêve ou un cauchemar ? Cette idée est encore aujourd'hui de l'ordre de la science-fiction.
L'empreinte visuelle, le futur de la médecine légale ? © DR
Exemple 1 : l'identification des victimes du crash Rio-Paris
Toutes ces méthodes d'identification participent à la résolutionrésolution d'affaires criminelles, mais pas seulement. Elles permettent aussi la reconnaissance de corps après un accident, comme dans le cas du vol AF447 qui s'est abîmé en mer le 1er juin 2009. Toutefois, l'analyse de ces empreintes n'est pas infaillible. L'immersion des corps dans l'eau de mer pendant deux ans peut être un frein à l'identification des victimes.
« J'ai travaillé sur des restes humains conservés dans des eaux de mer chaudes. Ce fut difficile car l'ADN était très abîmé », raconte Marie-Hélène Cherpin. En effet, les nombreuses bactériesbactéries présentes dans l'eau de mer se nourrissent d'ADN. « Mais je ne sais pas du tout dans quel état sera l'ADN des victimes de ce crash. Leurs corps étaient dans une eau très froide et à une profondeur importante. Peut-être se sont-ils mieux conservés », ajoute-t-elle.
Rappelons que le 3 juin dernier, le Bureau d'enquêtes et d'analyses (BEA) annonçait la fin des opérations de repêchage des corps. Au total, 154 corps ont été remontés à l'airair libre, alors que la catastrophe a fait 228 victimes. Leur identification est en cours. Les autres corps, trop détériorés, ne seront pas remontés à la surface.
L'ADN peut aujourd'hui permettre d'identifier des personnes, victimes ou coupables. © IRH/unicef.fr
Exemple 2 : l'affaire Dominique Strauss-Kahn
Dans l'affaire Dominique Strauss-Kahn (DSK), les prélèvements ADN ont tout de suite été très attendus. Dans le cas d'un viol ou d'une tentative de viol par exemple, les enquêteurs vont rechercher des liquidesliquides ou des sécrétionssécrétions biologiques sur la scène du crime. Pour ce faire, ils peuvent « saisir l'objet s'il s'agit d'un vêtement, le découper pour une moquettemoquette ou encore, le frotter ou le tamponner si les cellules se trouvent sur une porteporte ou un tableau ». Il suffit de 300 à 400 cellules pour établir un profil génétique. « Si je vous serre la main, je laisserai une dizaine de cellules sur votre peau. Un mégot de cigarette quant à lui, en porte plusieurs milliers. »
Les biologistes déterminent ensuite la nature du liquide biologique prélevé. « Nous possédons des réactions colorées qui nous permettent de savoir s'il s'agit de salivesalive, de spermesperme ou de sang. Pour les autres liquides biologiques, on ne sait pas », précise Marie-Hélène Cherpin. À partir des cellules ainsi prélevées, « nous pouvons effectuer l'analyse génétique ».
Pour obtenir le profil génétique correspondant aux cellules prélevées sur les lieux, « nous cassons les cellules pour en extraire l'acide désoxyribonucléiqueacide désoxyribonucléique (ADN). Ensuite nous le révélons, comme un photographe révèlerait son négatif », raconte Marie-Hélène Cherpin. Résultat : un profil génétique, pur ou mélangé. En effet, les ADN sont souvent mêlés lorsqu'il s'agit d'un viol ou d'une agression. « Dans ce cas, l'analyse est plus difficile. Sauf si nous possédons un ADN de comparaison, celui de l'agresseur présumé ou de la victime. Il nous suffit alors de faire une sorte de soustraction pour obtenir le profil restant », précise-t-elle.
Les limites de l'ADN
Si la technique d'analyse des profils génétiques est aujourd'hui très fiable, « elle doit être mise en œuvre correctement pour être efficace », rappelle Marie-Hélène Cherpin. C'est pourquoi toutes les sociétés habilitées à réaliser ces analyses pour les enquêteurs - comme Biomnis - le sont sous le contrôle du ministère de la Justice et de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps). En outre, « l'ADN ne dit rien des circonstances » dans lesquelles s'est déroulé le crime présumé, insiste-t-elle.
Bien conservé, l'ADN peut révéler l'identité de son propriétaire « vingt, trente voire quarante ans après les faits. Le plus ancien prélèvement réalisé par Biomnis l'a été sur des restes humains datant de 1953. Il s'agissait d'un corps "relargué" par un glacierglacier des Alpes. L'ADN était intact ».