au sommaire
La leucémie est un cancer des cellules de la moelle osseuse vouées à rejoindre la circulation sanguine une fois arrivée à maturation. La leucémie aiguë lymphoblastique concerne très majoritairement une multiplication anormale de lymphocytes B ou précurseurs inactifs qui, en l'absence de traitements, vont s'accumuler dans l'organisme. La reprogrammation génique des lymphocytes T à partir du VIH pourrait en venir à bout. © DR
- À lire, notre dossier sur le traitement des cancers
Tout est bien qui pourrait se finir bien. Emma, du haut de ses 7 ans, a attendri l'Amérique. Touchée par une leucémie aiguë lymphoblastique, la forme la plus fréquente du cancer du sangcancer du sang chez l'enfant, elle a frôlé la mort quand les deux chimiothérapies testées se sont révélées inopérantes. Dans son malheur, elle a malgré tout eu de la chance. L'université de Pennsylvanie entamait un essai clinique pour tester une nouvelle stratégie contre cette maladie.
Intégrée dans un protocoleprotocole qui concerne douze personnes, elle fait aujourd'hui partie des neuf patients en rémission. Chez eux, on ne décèle plus aucune trace de cellules cancéreuses. Les risques de récidive sont toujours présents, alors les médecins ne parlent pas encore de guérison et préfèrent laisser passer 5 années avant de sortir le mot. Mais une grande partie du chemin est déjà réalisée !
Le VIH pour reprogrammer les lymphocytes T
Ce nouveau procédé, nommé CTL019, a été décrit lors du congrès annuel de l'American Society of Hematology, qui s'est tenu du 8 au 11 décembre à Atlanta. Il consiste en une thérapie génique capable de diriger les cellules du système immunitaire contre les cellules tumorales afin de débarrasser le patient de son cancer. Une prouesse car en temps normal, les lymphocytes T (LT), qui régentent les défenses de l'organisme, épargnent les cellules malades (dans ce cas, des lymphocyteslymphocytes B non différenciés).
Pour procéder, on filtre les LT depuis un échantillon sanguin. On y intègre alors une version inoffensive du VIH, portant des gènesgènes qui vont s'insérer dans le patrimoine génétiquegénétique de ces cellules du système immunitaire. Ainsi, elles sont reprogrammées pour reconnaître et éliminer ces lymphocytes B (LB) qui s'accumulent.
En vert à l'image, le VIH. C'est pour l'affinité toute particulière du virus du Sida pour les lymphocytes T qu'il a été choisi dans cette expérience. Il reprogramme alors ces cellules du système immunitaire pour les pousser à détruire les cellules cancéreuses. © C. Goldsmith, CDC, DP
Après réinjection chez le patients, ces LT particuliers, appelés LT CAR, deviennent des tueurs très actifs. Leur activité est maximale entre les 10e et 31e jours après perfusionperfusion. Au-delà de leur pouvoir meurtrier intrinsèque, ils stimulent les autres LT de l'organisme par l'intermédiaire de moléculesmolécules appelées cytokinescytokines, provoquant ainsi une véritable ruée du système immunitaire contre les cellules cancéreuses.
Des effets secondaires du protocole CTL019 à contrecarrer
Cette activation extrême des défenses du patient entraîne de lourds effets secondaires : forte fièvre, nausées, chute de tension, etc. La violence des symptômessymptômes a poussé les médecins à réagir : les patients ont reçu deux médicaments immunomodulateursimmunomodulateurs, régulant la réponse immunitaire sans pour autant abaisser la mortalité des cellules leucémiques.
Ce n'est pas la seule conséquence négative de cette thérapiethérapie. Les LT CAR manquent de sélectivité et s'attaquent aussi aux LB sains. Ces cellules contribuent également à l'armada de défense d'un organisme en produisant notamment des immunoglobulinesimmunoglobulines (les fameux anticorpsanticorps) qui reconnaissent les corps étrangers. De ce fait, les médecins ont injecté ces immunoglobulines aux patients tous les deux à trois mois de manière à ne pas les rendre trop sensibles aux infections.
CTL019, le futur traitement de la leucémie ?
Deux des patients en rémission le sont depuis deux ans et présentent encore dans leur sang des LT renforcés. L'effet protecteur s'étalerait donc sur la duréedurée, limitant ainsi les risques de récidive, toujours présents dans ce genre de maladie. Une telle technique pourrait donc limiter les besoins de greffegreffe de moelle osseusemoelle osseuse, transplantationtransplantation lourde et dangereuse nécessaire à la survie de certains patients.
Pour valider le procédé CTL019, l'essai clinique devra intégrer de nouveaux participants de manière à chiffrer plus précisément les risques et l'efficacité. À raison de 20.000 dollars (plus de 15.000 euros) par personne à l'heure actuelle, cette thérapie, qui concerne peu de patients, reste tout à fait crédible. Les auteurs espèrent qu'elle sera validée d'ici cinq ans environ. Cependant, il ne faudrait pas que le drame de 2010 se reproduise : une femme de 39 ans bénéficiant de ce traitement en serait morte...