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Depuis 1938 et la première crème solaire efficace, la lotion est devenue courante dans nos trousses à pharmacies. Si leur fiabilité est avérée, doit-on se fier pour autant à la protection indiquée ? © StockFreeImages.com
Quand vient la fin de l'été, sur la plage... on n'oublie pas de mettre de la crème solaire ! Même si le gros de la canicule semble passé. Mais quel facteur de protection choisir ? Le débat vient d'être relancé par le journal Libération qui, dans son édition des mardi 14 et mercredi 15 août, interroge Laure Coiffard, directrice du laboratoire Pharmacie industrielle et cosmétologie à l'université de Nantes. Elle prétend que pour un quart à un tiers des crèmes testées, l'efficacité annoncée ne correspond pas à la réalité...
L'explication résiderait dans les méthodes utilisées pour déterminer l'indice de protection. Les industries cosmétiques respecteraient les tests in vivoin vivo tandis que la scientifique opte plutôt pour les mesures in vitroin vitro. Et comme la théorie ne coïncide jamais exactement avec la pratique, les résultats divergent...
Tests in vitro ou in vivo ?
À qui accorder du crédit ? Le débat fait rage. La méthode Colipa, éprouvée sur les êtres humains, est la seule reconnue par les autorités sanitaires, c'est donc celle aussi pratiquée par l'industrie. Elle consiste notamment à comparer les délais d'apparition de rougeurs cutanées sur des régions identiques avec ou sans crème. Un exemple : si un coup de soleil commence à se manifester une vingtaine de minutes après exposition aux rayonnements UV sur une parcelle vierge de toute lotion tandis que la même chose ne se produit qu'après 200 minutes sur la zone protégée, on parle d'un facteur de protection de 20.
C'est simple. Mais pas efficace selon Laurence Coiffard. En effet, dans une étude publiée en juin dernier dans Archives of Dermatological Research, elle démontre la présence d'anti-inflammatoires végétaux dans certaines crèmes qui retardent l'apparition des érythèmes (le nom savant du coup de soleil) mais qui ne contribuent pas pour autant à protéger la peau. Ainsi, le clame-t-elle, les données sont faussées, au profit des industriels qui vendent des produits moins efficaces qu'annoncé.
Plus de 200 crèmes solaires ont été testées par Laurence Coiffard et environ 25 à 30 % d'entre elles n'étaient pas cohérentes avec la protection indiquée. Certaines protégeaient également davantage ! © HB Art, Fotopédia, cc by sa 2.0
Les critiques concernant les tests in vivo ne sont pas nouvelles. L'Institut de veille sanitaire reconnaît par exemple que les doses utilisées lors de ces expériences (2 mg/cm2) sont trois fois plus élevées que celles déposées sur la peau des vacanciers. Autre écueil : tous les organismes ne réagissent pas de la même façon à une exposition au soleil. De plus, l'utilisation de cobayes humaines (volontaires) dérange les instances sanitaires qui appellent de plus en plus à la mise au point d'un test in vitro irréfutable.
Un nouveau protocole s’impose-t-il ?
En effet, ces méthodes sont plus objectives. Elles permettent de mesurer précisément l'indice de protection d'une crème, utilisée sur des cellules animales par exemple, en établissant la quantité d'UVUV filtrés. Mais il est impossible de constater les effets sur un organisme complet, tandis qu'il peut mettre en place des mécanismes de défense contre l'agression par les rayons du soleil.
Le problème porteporte cependant sur le protocoleprotocole expérimental. Les industriels accusent la scientifique nantaise d'avoir utilisé des doses trop élevées, taxant la manipulation d'irréaliste. Il devient donc nécessaire de mettre au point une méthode irréfutable qui fasse référence auprès de la communauté scientifique et industrielle.
Les crèmes solaires nécessitent un comportement responsable
Quelle est la place de ce débat dans la vie publique ? Certes, il est important d'établir des critères stricts pour définir l'efficacité des produits et ne pas tromper les consommateurs, dans un sens ou dans l'autre. Cependant, il ne faut pas perdre de vue que la crème solaire est avant tout une protection contre les dangers de notre étoileétoile, et qu'elle doit s'accompagner de comportements responsables.
Depuis le milieu des années 1980, les taux de cancers de la peau, dont les mélanomes, ont été multipliés par trois. On peut pointer du doigt la hausse de l'utilisation de cabines de bronzage, mais celles-ci ne sont probablement pas les seules coupables. Il faut surtout bien sensibiliser le grand public aux dégâts que peut occasionner le soleil et aux mesures adaptées pour les éviter, comme ne pas s'exposer entre 11 h et 16 h. Ensuite, c'est aux autorités sanitaires de trancher définitivement pour clore ce débat...