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C'est une petite révolution que vient de connaître la médecine cardiaque française en ce 18 décembre. Imaginé depuis des années par le chirurgien Alain Carpentier et officialisé depuis 2008, le cœur artificiel de Carmat vient d'être implanté à l'hôpital parisien Georges-Pompidou chez un homme de 75 ans, souffrant d'insuffisance cardiaque avancée et ne pouvant recevoir de greffon. Cette prothèse s'adresse spécifiquement à cette population et concernerait 100.000 patients en Europe et aux États-Unis, qui disposent d'une espérance de vie de moins d'un an.
Mais qu'a-t-il de révolutionnaire, ce cœur artificiel ? La taille, les risques en moins, et la technologie, d'après ce qui est présenté par Carmat. Ce premier aspect est important, car bien souvent, l'équipement est trop imposant pour bon nombre de cages thoraciquescages thoraciques. Pesant 900 g, il serait compatible, selon l'entreprise, avec 86 % des hommes et (seulement) 35 % des femmes (soit 65 % des patients). D'autres chiffres avancés revoient ces estimations à la baisse, évoquant respectivement 70 % et 25 % de patients éligibles. Ce qui reste globalement meilleur ou au moins équivalent à ce qui se fait actuellement.
D'autre part, il se compose de tissus animaux traités chimiquement de manière à être hémocompatibles, pour limiter les risques de rejet, comptant parmi les principales complications. Des membranes microporeuses et des valves synthétisées à partir de péricarde de veau figurent parmi les matériaux utilisés. D'autre part, son architecture, conçue pour éviter les turbulencesturbulences, abaisse les risques de thrombosethrombose (caillot sanguin), problème récurrent dans les autres modèles proposés.
Carmat, un rythme cardiaque qui s’adapte
Le cœur artificiel repose sur le principe que le cœur n'est rien d'autre qu'une pompe, capable de s'adapter aux besoins du corps. C'est en partant de ce constat que les ingénieurs ont travaillé à son élaboration. Il se compose donc de deux ventriculesventricules, connectés aux oreillettesoreillettes et aux artèresartères du patient. Derrière ces ventricules, limités par une membrane souple, se trouve une cavité qui alternativement se vide et se remplit brusquement d'un fluide hydraulique, à l'aide d'une pompe motorisée.
Cette infographie reprend le principe de fonctionnement du cœur artificiel de Carmat. Connectés aux oreillettes droite et gauche du patient (non représentées ici, par lesquelles arrive le sang), les ventricules artificiels se gorgent de sang et le déversent vers les artères à l'aide d'un fluide hydrodynamique qui vient tendre et détendre la membrane, sous l'effet d'une pompe motorisée. © Idé
C'est simple à comprendre : lorsque cette cavité se vide, le ventricule se détend et l'oreillette lui envoie le sang. La valve se ferme alors, le fluide hydraulique vient prendre position dans la cavité adjacente de manière à tendre la membrane et propulser le sang vers l'artère pulmonaireartère pulmonaire ou l'aorte, exactement comme le cœur naturel.
Des capteurs de pressionscapteurs de pressions et des inclinomètres fournissent en temps réel des informations sur la circulation sanguine et permettent au système d'adapter son régime en fonction de l'état du patient : debout ou allongé, au repos ou en activité. Le tout a été miniaturisé au possible pour limiter la taille de l'équipement interne.
Maximiser l’autonomie, limiter les surcharges
L'autre objectif de Carmat était d'améliorer l'autonomieautonomie des batteries et de limiter la charge externe, car la pompe tire son énergieénergie de piles branchées à l'extérieur, pour pouvoir les remplacer facilement. Pour rappel, le premier cœur artificiel testé chez l'Homme s'accompagnait de 180 kgkg d'équipements que le patient devait traîner avec lui. Mais cela, c'était avant, en 1982 exactement. Aujourd'hui, la prothèse cardiaque tente de dépasser les limites : Carmat souhaitait à son lancement plus de 12 heures grâce à des piles à combustiblepiles à combustible pesant moins de 3 kg et porté à la ceinture. Depuis, aucune précision n'a été apportée sur une telle réalité aujourd'hui.
Son espérance de vie devrait être d'au moins 5 ans, pour une survie espérée de 50 % des patients à 9 ans. Il s'agit d'une réelle avancée puisque sans cette technologie, les patients ne vivent pas au-delà d'une année. Mais ces objectifs restent à modérer : on manque encore de recul sur l'être humain.
D'autres opérations devraient être effectuées dans les semaines à venir. Seuls trois centres hospitaliers sont habilités en France à réaliser les implantations du cœur de Carmat : en plus de l'hôpital Georges-Pompidou, celui de Marie-Lannelongue (Le Plessis-Robinson, Hauts-de-Seine) et le CHU de Nantes. L'Arabie Saoudite, la Belgique et la Pologne disposent également des moyens pour réussir l'opération. Celle-ci coûte cher, aux alentours de 150.000 euros, autant qu'une greffe. Reste à savoir si la sécurité sociale pourra la prendre en charge. Sinon, elle sera limitée aux hommes riches...