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Les sondages le montrent : le cancer est la maladie qui inquiète le plus les Français. Et pour cause, elle figure sur le podium des principales causes de mortalité, en concurrence avec les maladies cardiovasculaires. D'après les estimations des spécialistes, 80 % des cancers auraient une origine environnementale, que ce soit du fait de l'exposition à des substances cancérigènes au travail ou dans sa vie quotidienne, ou par des comportements dangereux (tabac, alcoolalcool, etc.).
Pourtant, le lien de causalité n'est pas toujours simple à démontrer. Si l'on a pu déterminer que l'amiante ou le radon risquaient fort d'engendrer des cancers du poumon, l'association est bien plus difficile à prouver avec d'autres paramètres. Comment établir l'éventuelle relation entre une exposition particulière à un instant donné de la vie et une maladie qui se déclare parfois 30 ans plus tard ?
En 2005, la notion d'exposomique est née de l'esprit de Christopher Wild. Au même titre que la génomique ou la métabolomique, cette discipline consiste à caractériser tous les agents, physiquesphysiques, chimiques ou biologiques, auxquels un individu a été exposé durant toute sa vie. Mais l'enjeu est de taille et ne suffit pas toujours, le patient lui-même ignorant une bonne partie des substances auxquelles il a pu être confronté.
Un lien cancer-environnement difficile à déterminer
Une bonne partie de l'enquête repose donc sur les épidémiologistes, comme Denis Bard, de l'École des hautes études de santé publique (EHESP) de RennesRennes. À l'échelle individuelle il est souvent difficile voire impossible de définir la cause exacte, il faut alors regarder au niveau de la population. Comme il l'explique lors du congrès Eurocancer, le critère de reproductibilité doit être important, mais il faut également déterminer la « force de l'association », que l'on obtient par le calcul du risque relatif.
Pour le connaître, il suffit de diviser les risques de développer un cancer particulier au sein d'une population exposée à un agent par les risques du reste de la population. Si le risque relatif obtenu est supérieur à 1,5, on peut commencer à y voir un lien fort. À titre de comparaison, il est compris entre 10 et 20 pour le tabac et le cancer du poumon.
Cependant, pour des questions de taille des échantillons, des méta-analyses regroupant les résultats de plusieurs études préalablement choisies pour des critères de similarité, sont parfois menées. Celles-ci tentent de rendre le lien de causalité plus évident encore.
La leucémie infantile est souvent utilisée pour étudier les séquelles de la radioactivité. Pourquoi ? Parce que ce cancer du sang touche principalement les enfants exposés, et dans des délais courts après exposition. Ils permettent d'anticiper aussi d'autres cancers qui pourraient également se déclarer dans la zone irradiée. © DR
Les centrales nucléaires et les leucémies infantiles
Un exemple ? Dominique LaurierLaurier, chercheur à l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) en apporte un, à travers les risques de déclarer une leucémie pour les enfants vivant à proximité des centrales nucléaires. Un sujet inquiétant et qui suscite de vifs débats, puisque sur les 198 sites étudiés à travers 10 pays européens, trois agrégats ont été confirmés. Ceux-ci se trouvent à SellafieldSellafield et à Doumrey (Royaume-Uni) ainsi qu'à Krümmel (Allemagne). Partout ailleurs, aucun lien n'a pu être avéré.
Huit pays ont alors entrepris de regarder à l'échelle de l'ensemble des sites de leur territoire. La plupart des études n'ont, là encore, rien montré, mais une recherche allemande indique un risque relatif de 2,2, sous-entendant une corrélation possible.
La France y est allée de son enquête également, par l'intermédiaire de l'étude Géocap, parue en 2012. Ses conclusions sont partagées, à tel point qu'il est difficile de les interpréter. D'un point de vue global, elle remarque que le risque relatif d'une leucémie pour les enfants de moins de 15 ans vivant à moins de 5 km d'une installation nucléaire est de 1,9, alors qu'il est de 1 au-delà de cette distance.
Les difficultés d'identifier les coupables du cancer
Un lien évident ? Pas forcément. En effet, les rejets radioactifs ont été mesurés et ils s'avèrent très faibles et inférieurs à la radioactivité naturelle. L'hypothèse ne semble pas privilégiée par les auteurs, même si elle n'est pas complètement exclue. D'autres paramètres, comme la présence d'autres facteurs de risques environnementaux ou une interaction particulière entre les gènesgènes et le milieu de vie pourraient expliquer ces résultats.
On constate bien à travers cet exemple la difficulté du problème pour déterminer l'origine de bon nombre de cancers. Si dans certains cas l'association entre des événements passés et une maladie qui se déclare semble presque sûre (les liquidateurs de Tchernobyl par exemple), souvent la relation est bien moins évidente.
Il semble, malgré tout, que ces dernières décennies l'incidenceincidence de certains cancers (prostateprostate, testiculetesticule, sein, mélanome cutané, etc.) ait augmenté au moment même où les modes de vie ont changé. De nouveaux agents chimiques et physiques ont débarqué, nous avons repensé notre façon de nous alimenter et de consommer. Mais les coupables potentiels sont tellement nombreux et pernicieux, puisqu'ils déclenchent la maladie des années après l'exposition, qu'ils restent difficiles à déterminer...
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Parce que le monde de la recherche est parfois un peu obscur, Futura-Sciences veut être l'un des relais entre l'universunivers des spécialistes et le grand public. C'est à ce titre que nous nous sommes rendus au congrès Eurocancer, les 25 et 26 juin au Palais des congrès de Paris, le plus grand congrès francophone sur le cancer. Et nous ne sommes pas revenus les mains vides...