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La sélection naturelle est un processus essentiel qui permet aux organismes de s'adapter aux modifications de leur environnement. Et à ce jeu-là, les bactéries excellent. Il faut dire que leur multiplication extrêmement rapide leur confère un avantage sans équivalent. En effet, dans des conditions idéales, il faut en moyenne une heure à une bactérie pour se diviser. En l'espace d'un jour, une seule cellule donnerait alors naissance à plusieurs dizaines de millions de descendants ! Parmi eux, certains vont muter et vont pouvoir rapidement s'adapter à de nouvelles conditions difficiles comme la présence d’antibiotiques.
Les antibiotiques sont des moléculesmolécules naturelles ou semi-synthétiques fabriquées par les champignonschampignons et les bactéries pour éliminer les microbesmicrobes concurrents. Depuis leur découverte à la fin des années 1920, ils sont largement utilisés dans le domaine médical pour lutter contre les infections. Malheureusement, les bactéries n'ont de cesse d'établir de nouvelles stratégies de résistance et ces médicaments sont de moins en moins efficaces. Elles sont également capables de s'échanger allégrement des gènes de résistancesrésistances pour secourir leurs cousines sensibles aux antibiotiques.
Image de microscopie d'un Streptomyces. Ces bactéries filamenteuses produisent naturellement de très nombreuses molécules chimiques et sont responsables de la production de plusieurs antibiotiques. Les espèces bactériennes marines sont aussi à l’origine de molécules inédites, venant enrichir la famille des antibiotiques existant. © CDC, Wikimedia Commons, DP
Le staphylocoque doré est un bon exemple de bactérie résistante. Seulement trois ans après la découverte de la méticilline, on identifiait déjà un staphylocoque doré résistant, communément appelé le Sarm. Aujourd'hui, ils sont de plus en plus nombreux et posent un véritable problème de santé publique. La recherche de nouveaux antibiotiques est donc un challenge majeur pour les scientifiques.
Chercher de nouveaux antibiotiques dans l’océan
Et si la réponse aux microbes multirésistants se trouvait dans l'océan ? Cette question peut paraître étonnante mais elle est pourtant très sérieuse. En effet, les bactéries marines sont très différentes de celles que l'on trouve sur terre, et elles pourraient représenter un réservoir de nouveaux antibiotiques. Des chercheurs de l'Institut d'océanographie Scripps à San Diego se sont penchés sur la question et ont isolé un nouvel antibiotique fabriqué par une bactérie marine. Ces résultats, publiés dans la revue Angewandte Chemie, élargissent le champ de recherche de nouveaux antibiotiques.
C'est dans des échantillons d'eau de mer récupérés au large des côtes de Santa Barbara en Californie que les chercheurs ont trouvé leur bonheur. Ils ont mis en évidence une espèceespèce marine du genre Streptomyces qui produisait un tout nouvel antibiotique présentant une structure chimique inédite. Des tests en laboratoire ont montré que cet antibiotique pouvait tuer efficacement le Sarm et l'anthrax (ou Bacillus anthracisBacillus anthracis) : pour cette raison ils l'ont nommé anthracimycine. « L'importance de ce travail réside principalement dans la structure unique de l'anthracimycine », indique le directeur de cette étude, William Fenical.
La majorité des antibiotiques actuellement sur le marché ont des structures similaires et sont facilement contrecarrés par les bactéries. « Nous avons besoin de nouveaux antibiotiques performants, c'est-à-dire qui possèdent des structures chimiques totalement différentes de celles répandues aujourd'hui », explique le chercheur. L'anthracimycine présente cette caractéristique et pourrait être une arme puissante contre les bactéries multirésistantes.