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Avec 8,8 millions de personnes atteintes et 1,4 million de morts en 2012, la tuberculose est l'une des maladies les plus meurtrières au monde, juste après le Sida. La tuberculose est une maladie infectieuse qui touche principalement les poumons (on parle de tuberculose pulmonaire).L'agent responsable de cette maladie est la bactérie Mycobacterium tuberculosisMycobacterium tuberculosis, qui se propage par voie aérienne lorsqu'une personne infectée tousse, éternue ou crache. M. tuberculosis est une bactérie très résistante : elle peut rester un mois dans des crachats desséchés et plusieurs mois dans la terre ! D'autre part, seules une dizaine de bactéries sont nécessaires pour déclencher la maladie.
En ce 24 mars, déclaré Journée mondiale de lutte contre la tuberculose par l'OMS, Futura-Sciences revient sur cette maladie et sur les progrès récents réalisés par la recherche.
Nombre estimé de cas de tuberculose pour 100.000 personnes. En bleu vif : de 0 à 10 ; entre bleu et jaune : de 10 à 100 ; en jaune vif : de 100 à 1.000 personnes malades. © Eubulides, Wikimedia Commons, cc by sa 3.0
La tuberculose portée par un tiers de la population mondiale
Une fois les bactéries dans les poumons, les fonctions immunitaires de l'hôte infecté se mettent en marche. Néanmoins, quand les mécanismes de défense ne sont pas suffisants, deux scénarios sont possibles : la personne tombe malade (on parle alors de tuberculose active), ou bien elle n'a pas de symptômessymptômes et n'est pas contagieuse (on parle alors d'infection latente). Le nombre de porteurs sains est estimé à 2,2 milliards de personnes, soit presque un tiers de la population mondiale ! Heureusement, parmi ces personnes saines infectées, seuls 5 à 10 % développeront effectivement la maladie plus tard. Dans une étude récente publiée dans Science Translational Medecine, l'équipe d'Antonio Campos-Neto, directeur du département d'immunologie et de maladies infectieuses au Forsyth Institute à Cambridge aux États-Unis, s'intéresse à cette problématique.
Selon Antonio Campos-Neto, la compréhension du mécanisme par lequel la bactérie peut rester dans l'organisme à l'état dormantdormant est essentielle au développement de futurs traitements. « Le but de notre étude était de trouver la cachette de M. tuberculosis dans l'hôte, c'est-à-dire l'endroit privilégié où les bactéries ne sont pas la proie du système immunitairesystème immunitaire. » M. tuberculosis est un pathogène intracellulaire pouvant se développer dans de nombreuses cellules comme les macrophagesmacrophages ou les cellules dendritiques. Néanmoins, ces cellules se divisent souvent et entrent régulièrement en contact avec le système immunitaire.
Image de microscopie électronique de Mycobacterium tuberculosis, grossies 15.000 fois. M. tuberculosis est une bactérie à croissance très lente. © Janice Carr, Wikimedia Commons, cc by sa 3.0
Et si M. tuberculosis se cachait dans la moelle osseusemoelle osseuse ? « Les cellules souchescellules souches de la moelle osseuse sont localisées dans un site de privilège immunprivilège immun, c'est-à-dire un endroit auquel le système immunitaire a peu accès, explique Antonio Campos-Neto. Pour les pathogènespathogènes intracellulaires, ces cellules représentent une cachette parfaite ! » Les chercheurs ont montré que M. tuberculosis pouvait en effet se terrer dans les cellules souches de moelle osseuse chez la souris. De plus, ils ont retrouvé des M. tuberculosis dans la moelle osseuse de deux patients indiens (parmi neuf) ayant été traités contre la tuberculose.
Les os, cachettes d’autres pathogènes ?
Bien que de nombreux aspects de la tuberculose restent à décrypter, cette étude apporte un éclairage sur la façon dont la bactérie peut s'installer à l'état dormant dans un organisme. « M. tuberculosis peut rester un grand nombre d'années dans l'organisme sans provoquer de maladie, et de nombreux facteurs impliqués dans cette latencelatence reste à élucider. D'autre part, peu de choses sont connues sur les mécanismes par lesquels M. tuberculosis passe de l'état dormant à l'état infectieux. »
Cette étude soulève de nombreuses questions. On peut par exemple se demander si d'autres pathogènes intracellulaires pourraient utiliser la même stratégie. « C'est une hypothèse très plausible, et des recherches dans ce sens sont en court au laboratoire. Par exemple, les parasitesparasites du genre Leishmania, responsables de la fièvrefièvre noire, pourraient également se dissimuler dans les cellules souches osseuses. »
Avec l'émergenceémergence de souches de M. tuberculosis résistantes aux antibiotiquesantibiotiques, il devient urgent de trouver de nouveaux moyens de combattre la tuberculose. Cette étude ouvre la voie vers de nouveaux axes de recherche prometteurs.