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Lorsqu'on lit un texte, on entend notre voix dans notre tête même si l'on ne parle pas. Tout cela parce que notre cerveau est capable de ne pas se surcharger d'informations lorsqu'il connaît la teneur exacte des données sensorielles. © Kate Harman, Vimeo, cc by nd 3.0
Pourquoi, quand nous lisons une phrase, entendons-nous notre voix dans notre tête ? Une étude canadienne vient d'apporter une réponse à cette question, très peu étudiée. Selon l'hypothèse avancée par Mark Scott, de l'université de Colombie-Britannique, ce serait la même raison que celle qui explique pourquoi on ne rigole pas à nos propres chatouilles : la décharge corollaire.
Le contexte : des chatouilles à la parole
Même les plus sensibles le disent : ils restent de marbremarbre lorsqu'ils se font des guilis, alors qu'ils poussent des cris lorsque quelqu'un d'autre leur font. Par quels mécanismes distinguons-nous nos propres chatouilles de celles des autres ? Les chercheurs expliquent cela par un signal cérébral appelé décharge corollaire, ou copie d'efficience. Ainsi, en faisant concorder les mouvementsmouvements de notre corps et les sensations émanant de notre peau, le cerveau est capable de filtrer l'une des deux informations qu'il reçoit. Étant toutes deux identiques, ce serait se surcharger pour rien.
Le même procédé entrerait en jeu lorsque l'on parle. Ainsi, une copie interne du message de notre voix serait générée en même temps que le son émis. Comme nous sommes de grands bavards, cela évite de surcharger notre système auditif et de le libérer pour qu'il se concentre sur les bruits extérieurs. Autrement dit, on n'entendrait pas le son réellement émis par notre voix mais une copie interne créée par le cerveau, qui, étant à l'origine du langage, connaît en détail la teneur du message délivré.
Ainsi, Mark Scott propose dans Psychological Science une théorie qui défend l'idée selon laquelle nous pourrions produire ce message interne sans pour autant émettre un langage oral. Mais concrètement, comment cela se traduit-il ? Cette petite voix qui nous parle serait, de la même façon, la résultante de la préparation du cerveau à nous entendre parler.
Si entendre sa voix dans sa tête pendant la lecture est une chose normale, d'autres situations similaires peuvent être pathologiques. Ce pourrait être le même phénomène qui se cacherait derrière les hallucinations auditives chez des personnes schizophrènes. © Djuliet, Flickr, cc by nc nd 2.0
L’étude : des syllabes plein la tête
Une hypothèse se vérifie par l'expérience. Ainsi, 24 hommes ont été recrutés. Il était important de sélectionner des individus du même sexe pour que leur discours interne corresponde davantage avec la voix émise. Ceux-ci devaient écouter une syllabe, et prononcer la même ou une différente dans leur tête.
Les données sont cohérentes avec la théorie. Lorsque le son prononcé coïncidait avec celui récité dans la tête alors, l'impact du son externe était grandement réduit. Ce paramètre a pu être mesuré par ce que les psychologues nomment l'effet de contexte, qui permet de décrire l'impact de facteurs externes sur la perception sensorielle. À l'inverse, quand il y avait un décalage entre les deux syllabes, alors la perception auditive n'était pas affectée.
L’œil extérieur : une petite voix dans la tête, clé de la schizophrénie
Ces éléments confortent donc l'hypothèse émise par les Canadiens. Cette théorie du discours interne, qui explique pourquoi on s'entend parler quand on lit, même quand on ne fait pas vibrer ses cordes vocales, serait assez proche de celle justifiant les hallucinations auditives associées à la schizophrénie. Ce travail pourrait donc avoir des répercussions dans le domaine de la santé.
Pour autant, tout le mystère n'a pas encore été élucidé. De nouvelles études viendront confirmer ou infirmer cette hypothèse. En attendant, il faut apprendre à vivre avec cette petite voix en nous et qui nous aide à lire.
Chronique Science décalée
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