au sommaire
Chercher ses clés consiste parfois à retrouver une aiguille dans une botte de foin. Pour gagner en efficacité, il suffit de prendre le temps de regarder plus attentivement et plus longuement pour permettre au cerveau de synchroniser toutes les données. Notre encéphale sait faire plusieurs choses simultanément : il est multitâche. Cependant, tous les processus ne tournent pas obligatoirement à la même vitesse. © Locace, Flickr, cc by nc nd 2.0
« Mais où sont donc ces clés ? » Parfois, le temps presse mais il est impossible de mettre la main sur l'objet convoité. Même après avoir tout retourné dans la maison. Puis finalement, on le trouve au beau milieu de la table à manger, bien en évidence, alors même qu'on y a posé les yeuxyeux une bonne dizaine de fois.
Des scientifiques de l'université de Waterloo, au Canada, apportent une explication à ce drame banal. Leur proposition : les régions du cerveau tourneraient à différents régimes, et celles impliquées dans la perception sensorielle n'arriveraient pas à suivre la cadence des zones contrôlant le mouvement.
Pour mieux comprendre, il suffit de plonger dans les résultats de leur étude, parue dans le journal Cognition. L'équipe dirigée par Grayden Solman a mis au point plusieurs tests, tous sur ordinateurordinateur, pour percer à jour le mystère des clés perdues.
Le bureau des objets perdus
Dans un premier temps, les volontaires ont eu pour mission de retrouver le plus rapidement possible sur leur écran, à l'aide de la souris, un objet particulier au milieu d'autres. De son côté, l'ordinateur enregistrait les mouvementsmouvements. À la grande surprise des scientifiques, dans 10 à 20 % des cas, les sujets déclaraient ne pas avoir trouvé l'objet alors qu'ils l'avaient pourtant déplacé avec la souris.
Serait-ce un défaut de mémoire à court terme ? Les auteurs ont donc décidé de saturer cette mémoire en demandant à leurs cobayes de retenir une longue liste de mots qu'ils étaient chargés de réciter à la fin du test. Cela n'a absolument rien changé à la performance, qui n'est pas devenue plus mauvaise pour autant.
En rouge clair et plus prononcé sont représentées les aires motrices du cerveau. Les aires visuelles sont quant à elles signalées en vert et vert clair. Les informations émanant des différents secteurs sont analysées dans la région bleu claire, l'aire d'association sensorielle. © Henry Gray, Grey's Anatomy, DP
Si ce n'est pas la mémoire qui flanche, les chercheurs ont songé à un déficit attentionnel. Dans une troisième expérience, des cartes portaient des motifs rendus visibles uniquement lorsqu'elles étaient déplacées. Mais la mise en mouvement des objets n'y change rien, les échecs restant aussi fréquents qu'auparavant.
Qui va doucement, va sûrement… et se resynchronise
Dans un dernier test, du même genre, ce sont les mouvements de la souris de l'ordinateur qui ont été scrutés. Il en ressort qu'après être passés sur l'objet recherché sans le remarquer, les volontaires ralentissaient les déplacements de la souris. Cette donnée qui peut paraître anodine est pourtant riche d'enseignements.
En effet, dans le domaine de la cognition, une théorie formulée suite aux résultats de plusieurs études défend l'idée que les mouvements de ce genre deviennent plus lents après qu'un cobaye a commis une erreur, comme s'il percevait inconsciemment qu'il s'était trompé. Cela sous-entend que les sujets de l'étude comprenaient, d'une manière ou d'une autre, qu'ils étaient déjà passés sur la cible recherchée.
Les auteurs émettent donc l'hypothèse que les processus cérébraux chargés de la motricité s'exécutent trop rapidement pour que le système visuel ait le temps d'identifier précisément chaque objet passé en revue. Il y aurait donc un découplage, une désynchronisation, entre les systèmes moteurs et perceptifs du cerveau, qui expliquerait que chacun des deux travaille plus ou moins en solo alors qu'une coordination parfaite serait nécessaire. Bilan : pour retrouver ses clés, il suffit donc de prendre le temps de regarder un peu plus longuement. Élémentaire, mon cher Watson...