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Nettie Maria Stevens, née dans le Vermont, aux États-Unis, le 7 juillet 1861, n'est pas vraiment célèbre. Pourtant, elle est une des pionnières de l'étude des chromosomes, de leur rôle dans l'hérédité et du déterminisme génétique du sexe.
Devenue biologiste à l'université de Stanford, en 1896, elle se spécialise dans la cytologie, c'est-à-dire l'étude des cellules. Elle s'intéresse à ces structures étranges, à la forme changeante et qui sont enfermées dans un grand sac que l'on appelle le noyau. Le réseau filamenteux qui accroche bien les colorants prend le nom de « chromatine », du grec krhôma, « couleurcouleur ». Souvent, ce réseau se condense en bâtonnets, qui seront baptisés « chromosomes », sôma signifiant « corps ».
La biologiste de Stanford étudie les vers de farine (Tenebrio molitor) et découvre que les spermatozoïdesspermatozoïdes embarquent parfois le « chromosome accessoire », de petite taille et toujours unique, qui avait déjà été repéré chez d'autres espècesespèces. En 1901, un dénommé McClung avait suggéré qu'il était lié au sexe. Nettie Stevens comprend que lors de la spermatogénèse, les cellules sexuelles, au moment d'une certaine division (la méioseméiose), se retrouvent soit avec ce petit chromosome, soit avec un gros. Aujourd'hui, nous les appelons, respectivement, Y et X.
Nettie Stevens, cytologiste, au travail (date inconnue). © Université de Stanford
Et les chromosomes X et Y devinrent célèbres
Nettie Stevens démontre que cette paire de chromosomes différents se comporte comme les caractères transmissibles décrits par les lois de Mendel. Le résultat est publié en 1905 par la Carnegie Institution of Washington sous le titre Studies in spermatogenesis with especial reference to the accessory chromosome (Études de la spermatogénèse, en particulier du chromosome accessoire). Les anglophones pourront consulter cette histoire sur le site de l’université de Stanford.
La communauté scientifique de l'époque n'a pas accepté l'idée tout de suite et il a fallu des années et les travaux de Thomas Morgan (qui fut d'abord sceptique devant les résultats de Stevens) pour que la paire X-Y devienne célèbre. Depuis, l'évolution du chromosome Y passionne et la découverte du gène SRY a fourni de précieuses clés.
Un gammare d'eau douce, d'environ 6 mm, qui nageait dans la Deûle (près de Lille), en octobre 2015. Chez ce petit crustacé (amphipode), le sexe est génétiquement déterminé. Les mâles, que l'on reconnaît à leurs pinces (les crochets visibles au bout des pattes sur cette image), ont une formule chromosomique XY. Chez un cousin marin (Orchestia gammarellus), un parasite peut venir mettre du désordre et transformer un mâle en femelle, ce qui suppose des phénomènes sûrement intéressants à éclaircir. © Lamiot, CC by-sa 4.0
Le tableau n'est pas simple, cependant. De nombreux animaux, de lignées très différentes, exploitent cette formulation génétiquegénétique pour décider du sexe de l'individu mais en ont adopté des variantes. Cent cinquante-cinq ans après la naissance de Nettie Stevens, il nous reste encore des mystères à comprendre dans ce domaine...