Pour mieux comprendre la théorie de l’esprit, c'est-à-dire l’interprétation des intentions d’autrui, quoi de mieux que l’ironie ? Des scientifiques ont placé des sujets sous IRM pour cerner les régions du cerveau qui s’activent dans ces situations. Ces travaux permettront de mieux saisir les mécanismes de la communication.

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    En sciences cognitives, la théorie de l'esprit est la capacité à interpréter les intentions d'autrui. Cette faculté participe à la compréhension du langage en permettant, notamment, de franchir le pas entre ce qu'un discours veut dire et le sens des mots qui le composent. Ces dernières années, des chercheurs ont identifié le réseau neuronalréseau neuronal dédié à la théorie de l'esprit mais personne n'avait encore démontré que la compréhension d'un énoncé concernait spécifiquement cet ensemble de neurones

    C'est désormais chose faite : une équipe de chercheurs français vient de révéler que l'activation du réseau neuronal théorie de l'esprit augmente lorsqu'un individu est confronté à des phrases ironiques. Publiés dans la revue Neuroimage, ces résultats représentent une avancée importante dans l'étude de la théorie de l'esprit et de la linguistique. Ils permettent de mieux comprendre les mécanismes de la communication entre individus.

    La théorie de l’esprit, des régions particulières du cerveau

    Dans nos communications orales, nous devons aller constamment au-delà de la signification des mots. Par exemple, à la question « avez-vous l'heure ? », on ne répond pas simplement « oui ». La distance entre les mots exprimés et leur signification est étudiée par une discipline de la linguistique qu'on appelle la pragmatique. Pour cette science, la théorie de l'esprit donne aux interlocuteurs la capacité de franchir ce pas. Pour parvenir à décrypter les intentions et le sens cachés derrière un discours, même le plus banal, la théorie de l'esprit se sert de divers éléments verbaux ou non verbaux : les mots employés, leur contexte, l'intonation, les expressions corporelles...

    La théorie de l'esprit se met en place tôt dans l'enfance, quand le petit commence à interagir avec les gens qui l'entourent. L'un des premiers signes est l'attention conjointe : lorsqu'il focalise son regard sur un même objet que la personne avec qui il communique. © deanwissing, Flickr, cc by sa 2.0

    La théorie de l'esprit se met en place tôt dans l'enfance, quand le petit commence à interagir avec les gens qui l'entourent. L'un des premiers signes est l'attention conjointe : lorsqu'il focalise son regard sur un même objet que la personne avec qui il communique. © deanwissing, Flickr, cc by sa 2.0

    Depuis une dizaine d'années, les chercheurs en neuroscience cognitive ont identifié un réseau neuronal dédié à la théorie de l'esprit. Celui-ci inclut des zones bien spécifiques du cerveau : les jonctions temporopariétales droite et gauche, le cortex préfrontal médial et le précunéus. Pour identifier ce réseau, les scientifiques ont fait appel principalement à des tâches non verbales, basées sur l'observation des actes d'autrui. Aujourd'hui, des chercheurs du laboratoire sur le Langage, le cerveau et la cognitioncognition (L2C2CNRS/université Claude Bernard-Lyon 1) établissent, pour la première fois, le lien entre ce réseau neuronal et le traitement implicite des énoncés.

    L’ironie idéale pour comprendre la communication

    Pour y parvenir, les scientifiques se sont intéressés à l'ironie. Une phrase ironique signifie généralement le contraire de ce qui est exprimé. Ainsi, pour repérer l'ironie dans une phrase, il faut mettre en œuvre les mécanismes de la théorie de l'esprit. Dans leur expérience, les chercheurs ont d'abord préparé 20 petites histoires en deux versions : une ironique et une littérale. Chaque histoire contenait une phrase clé qui, selon la version, donnait l'indice sur le sens choisi. Par exemple, dans l'une des histoires, une chanteuse d'opéra s'écrie, après le spectacle : « Ce soir, on a fait une performance magistrale ». Selon la qualité du spectacle, la phrase est ironique ou non.

    Les chercheurs ont alors réalisé une IRM fonctionnelle (IRMfIRMf) sur 20 sujets lorsque ceux-ci lisaient 18 de ces histoires aléatoirement choisies soit dans leur version ironique, soit dans leur version littérale. Les cobayes n'étaient pas mis au courant du sujet du test. La prédiction des scientifiques était qu'en présence de phrases ironiques, le réseau neuronal dédié à la théorie de l'esprit indiquerait une activité plus importante. Et c'est exactement ce qu'ils ont observé : au moment de la lecture de la phrase clé, le réseau s'activait plus lorsque la phrase était ironique. Ce réseau participe donc directement aux processus de compréhension de l'ironie et, plus généralement, à la compréhension du langage.

    Les chercheurs veulent à présent approfondir leurs études sur le réseau dédié à la théorie de l'esprit. L'une des questions qu'ils se posent est de savoir si les sujets sont capables de percevoir l'ironie lorsque ce réseau est artificiellement inactivé.