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Depuis une dizaine d'années, biologistes et médecins ont une nouvelle arme pour étudier les cellules, les tissus, ou les fonctions vitales : la GFP, Green Fluorescent ProteinGreen Fluorescent Protein. Devenue un outil banal, elle figure aujourd'hui parmi les accessoires d'innombrables laboratoires dans le monde. On peut la décrire comme un colorant d'un genre particulier, que l'on incorpore dans le génome pour mettre en évidence la production d'une certaine protéine. Les biologistes s'en servent désormais pour étudier les tumeurs, les neurones, l'activité d'enzymes, le mouvementmouvement des spermatozoïdes, le fonctionnement de capteurscapteurs biologiques ou encore pour mettre au point des moyens de lutte contre la malariamalaria. On a même vu des souris et des porcs entièrement fluorescents...
Dès les débuts de la microscopie, les biologistes ont constaté l'importance de la coloration pour rendre visibles les structures cellulaires, qui, à l'état naturel, sont transparentes sous l'œilœil du microscopemicroscope. Un homme de l'art sait utiliser les bonnes moléculesmolécules pour colorer ce qu'il veut observer, membrane cellulairemembrane cellulaire, protéines, sucressucres, graisses, ADNADN, tumeurs, etc.
L'idée d'utiliser des molécules fluorescentes est ancienne. Réémettant une lumièrelumière d'une certaine couleurcouleur lorsqu'ils sont éclairés, ces colorants originaux ont donné naissance à la microscopie par fluorescence, ensemble de techniques faisant appel à des microscopes spéciaux. Mais ces molécules lumineuses ont longtemps été toxiques, limitant leur usage.
Osamu Shimomura, l'homme qui a découvert la GFP. © Henriksson/Scanpix
Le cadeau de la méduse
Il y a bientôt un demi-siècle, au début des années 1960, un biologiste marin qui était aussi chimiste, le Japonais Osamu Shimomura, s'est intéressé à une méduseméduse du Pacifique, Aequorea victoria, capable, comme d'autres organismes marins, d'émettre de la lumière par fluorescence. Ce cnidairecnidaire utilise deux molécules, l'une (baptisée aequorine) émettant une lumière bleuelumière bleue (395 nanomètresnanomètres étant l'idéal) qui excite la seconde, la GFP, petite protéine de 238 acides aminésacides aminés, laquelle réémet une lumière verte (508 nanomètres). Ses résultats sont publiés en 1962 mais la GFP n'éveille pas tout de suite l'intérêt des biologistes.
Dans les années 1980, un Américain, Douglas Prasher, émet une idée originale. Si l'on parvient à installer le gènegène de la GFP juste après un gène produisant une certaine protéine, celle-ci, lorsqu'elle sera fabriquée, portera une séquence supplémentaire, celle de la GFP. Elle deviendra ainsi visible pour peu qu'on l'éclaire avec une lumière bleue. Voilà un moyen d'étudier la production d'une protéine, dans des cellules en culture voire, pourquoi pas, chez un organisme vivant.
Martin Chalfie, celui qui a découvert comment intégrer le gène de la GFP à un endroit quelconque du génome. © M. Chalfie
C'est Martin Chalfie qui concrétisera cette brillante idée en 1994 en rendant fluorescentes deux vedettes des laboratoires, la bactériebactérie Escherichia coliEscherichia coli et le ver Caenorhabditis elegansCaenorhabditis elegans (un nématodenématode). L'année suivante, Roger Tsien réussit à mettre au point des variantes de GFP de couleurs différentes, obtenues par mutation de son gène. Le bleu, le cyan et le jaune viennent ainsi compléter le vert naturel de la GFP de la méduse. Une autre protéine naturelle, DsRed, rougeâtre comme son nom l'indique, est ensuite découverte chez un organisme marin, un corailcorail. Grâce à cette palette colorée, les chercheurs peuvent mettre en évidence simultanément plusieurs phénomènes.
Roger Tsien, qui apporta la couleur... © UCSD
Ces techniques n'ont depuis cessé de se diversifier pour ouvrir de nouvelles possibilités. Des animaux (souris, porcs, chats...) sont ainsi devenus entièrement ou partiellement fluorescents. Ils peuvent alors servir à suivre facilement le devenir ou l'activité de certains types de cellules, neurones, tumeurs, cellules souchescellules souches...
Ce n'est pas la première fois qu'un prix Nobel vient récompenser non pas une découverte purement scientifique mais une technique. Ernst Ruska, par exemple, a obtenu le Nobel de physiquephysique en 1986 pour l'invention du microscope électroniquemicroscope électronique. Mais dans tous les cas, il s'agit, comme ici, d'un moyen largement adopté par la communauté des chercheurs et qui a notablement fait progresser la science.