Le calmar Grimalditeuthis bonplandii ne possède ni crochet ni ventouse à l'extrémité de ses tentacules, ce qui pose question. Comment se nourrit-il ? De nouveaux indices suggèrent qu’il aurait recours au mimétisme agressif, en utilisant l’un de ses tentacules pour imiter un poisson et ainsi attirer un prédateur… qui se fera manger.

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    Dans les grands fonds, la plupart des calmars chassent au moyen de deux tentacules, qui s'ajoutent à leurs huit bras. Pour ce faire, les extrémités des appendices préhenseurs sont élargies et recouvertes de ventouses ou de crochets, donc du minimum requis pour saisir sa proie. Toutefois, il ne s'agit pas d'une règle générale chez ces céphalopodes décapodes. En effet, une espèce, Grimalditeuthis bonplandii, ne possède aucune structure préhensilepréhensile sur ses fouets, l'autre nom donné aux tentacules. Et personne ne sait comment ce mollusque se nourrit...

    Un élément augmente le mystère : les principales informations connues sur cette espèce ont été obtenues... grâce à des restes découverts dans des estomacsestomacs de mammifères marins ou de grands poissons. Mais l'enquête progresse. Henk-Jan Hoving du Helmholtz Centre for Ocean Research (Kiel, Allemagne) est parvenu, avec l'aide de collaborateurs, à rassembler sept vidéo de G. bonplandii qui évoluent dans l'obscurité des profondeurs du Pacifique nord ou de l'Atlantique (l'animal vit plusieurs centaines de mètres sous la surface). Six d'entre elles ont été prises au moyen de ROV opérés par des industries pétrochimiques. La septième a été réalisée par des chercheurs du Monterey Bay Aquarium Research Institute (Mbari, États-Unis).

    L'analyse de ces séquences a fourni de précieuses informations, qui viennent d'être dévoilées dans les Proceedings of the Royal Society B. Contrairement aux autres espèces de calmars, les G. bonplandii ne savent pas mouvoir leurs tentacules rapidement. En revanche, ils ont une très bonne maîtrise de leurs extrémités, qu'ils utilisent pour imiter les mouvements de nage de poissons ou d'autres céphalopodes.

    <em style="mso-bidi-font-style:normal">Grimalditeuthis bonplandi</em> a été nommé en hommage à la famille Grimaldi qui règne sur la principauté de Monaco. Le prince Albert I (1848-1922) était un pionnier dans l’étude des calmars en haute mer. ©  Jeanne Le Roux et L. Joubin, <em>Wikimedia commons</em>, DP

    Grimalditeuthis bonplandi a été nommé en hommage à la famille Grimaldi qui règne sur la principauté de Monaco. Le prince Albert I (1848-1922) était un pionnier dans l’étude des calmars en haute mer. ©  Jeanne Le Roux et L. Joubin, Wikimedia commons, DP

    Quand le prédateur dupé devient proie

    Jusqu'à ce stade, les informations évoquées s'appuyaient sur des observations. La suite, qui est toujours basée sur l'étude publiée, relève de l'hypothèse. Les mouvementsmouvements d'ondulations ou de claquements auraient trois conséquences. Premièrement, ils stimuleraient la production de bioluminescence par les organismes planctoniques environnants, et donc l'apparition de lumièrelumière. Deuxièmement, ils produiraient des vibrationsvibrations de basses fréquences. Enfin, ils provoqueraient l'apparition d'un sillage hydrodynamique derrière les appendices. Or, tous ces stimuli peuvent être perçus par d'autres organismes.

    Selon toute vraisemblance, ils serviraient à attirer des crustacés ou d'autres céphalopodes qui pensent alors se diriger vers une proie ou un partenaire sexuel. En fait, ils deviennent eux-mêmes des proies, puisque le calmar pourra les attaquer dès qu'ils seront suffisamment près. Ainsi, G. bonplandii aurait recours au mimétisme dit « agressif » pour se nourrir, car ce comportement sert à capturer des proies et non à se défendre. Les arguments avancés sont convaincants, mais ils ne remplaceront jamais une observation directe, qui pourra alors définitivement clore le mystère.