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C'est officiel, il n'y a plus neuf mais dix espèces de requin-marteau dans le monde. Quelque soit l'espèce, ces poissons se reconnaissent facilement à la forme de leur tête en TT. Dans cette grande famille, le requin-marteau halicorne (Sphyrna lewini) est le plus abondant dans les eaux côtières. On le trouve notamment dans les estuaires des mers tropicales ou tempérées chaudes, partout dans le monde. Dans une étude, récemment publiée dans la revue Zootaxa, l'équipe de l'enseignant chercheurenseignant chercheur Joe Quattro identifie qu'en Caroline du Sud, il existe une espèce cryptique du requin-marteau halicorne, nommée Sphyrna gilberti.
Une espèce est dite cryptique lorsqu'elle n'est distinguable d'une autre que d'un point de vue biologique ou phylogénétiquephylogénétique. Sphyrna gilberti ressemble à s'y méprendre aux Sphyrna lewini, pourtant elle a dix vertèbres de moins que ces derniers. Dans leur article, les chercheurs de l'université de Caroline du Sud décrivent complètement l'espèce, mais c'est en 2006 qu'ils ont mis en évidence l'existence de différences génétiquesgénétiques tant dans l'ADN mitochondrialADN mitochondrial que le génomegénome nucléaire entre ces deux espèces. Leurs résultats avaient été publiés dans la revue Marine Biology.
Les requins-marteaux halicornes sont en danger selon l’IUCN. Ils sont pour beaucoup victimes de la surpêche, leur aileron étant très apprécié dans les soupes asiatiques. © Littlegreenman, Wikipédia, DP
Du crapet-pygmée au requin-marteau Sphyrna gilberti
Joe Quattro a identifié l'espèce S. gilberti par hasard, tandis qu'il étudiait deux espèces de poissons rares, appartenant à la famille des crapets-pygmées. Deux espèces, le crapet-pygmée à bandes bleues, et le crapet-pygmée de Caroline du Sud, se trouvent dans seulement deux rivières qui se jettent dans l'océan et vivent au milieu des crapets-pygmées communs. Personne ne sait expliquer pourquoi ces espèces, très rares, ont évolué différemment, et quelles relations entretiennent-ils avec ces poissons d'eau douce.
Ces poissons grandissent en rivière puis rejoignent l'océan. Pour en savoir plus sur cette étrangeté évolutionnaire, l'équipe de Joe Quattro a donc suivi le chemin que parcourent ces poissons, du haut de la rivière jusqu'à l'estuaire dans lequel ils rejoignent l'océan. L'équipe a bien sûr collecté des données génétiques sur les poissons, mais également sur les autres types d'espèces qu'elle rencontrait. Les esturgeons, et les requins-marteaux halicornes (dont les bébés grandissent à l'embouchure des rivières), ont donc naturellement fait parti de l'étude.
Sphyrna gilberti nommé en l’honneur de Carter Gilbert
C'est à partir de ces échantillons prélevés que les chercheurs ont détecté des signatures génétiques différentes chez ce qu'ils pensaient être des requins-marteaux halicornes. En cherchant dans la littérature si d'autres avaient déjà détecté ces anomaliesanomalies, ils n'ont découvert qu'une seule mention à ce sujet. Le naturaliste Carter Gilbert avait noté en 1967 qu'un requin-marteau halicorne avait été trouvé avec dix vertèbres en moins. C'est le seul à la connaissance de ces chercheurs à avoir mentionné cette étonnante différence.
Aujourd'hui, c'est clair, Sphyrna gilberti, nommée de la sorte en l'honneur de Carter Gilbert est une espèce à part entière, dont la seule distinction morphologique par rapport au requin-marteau halicorne est ces dix vertèbres en moins. L'espèce est rare, mais il est difficile à ce jour de donner sa répartition géographique. Ce que l'équipe de Joe Quattro avance, c'est qu'il vit exclusivement dans les eaux de la Caroline du Sud. Sur 300 requins-marteaux halicornes pélagiquespélagiques étudiés, seuls quatre ou cinq étaient des Sphyrna gilberti.