au sommaire
Quel est le but du vivant ? Certaines théories expliquent que l'objectif de tout un chacun consiste à laisser un maximum de descendance voire, à une autre échelle, de disséminer ses gènesgènes et de les faire perdurer dans le temps. Ainsi, toutes les solutions sont bonnes pour arriver à ses fins et les animaux rivalisent d'ingéniosité pour veiller à la bonne réalisation de cette règle.
Parmi les pistes suivies, celles qui consistent à modifier le sexe-ratio dans une population. Autrement dit, changer les proportions de mâles et de femelles dans une population. Cela influe directement sur la descendance deux générations plus tard car le succès reproducteur varie beaucoup d'un individu à l'autre. En effet, pour les dominants, produire plus de mâles forts leur laisse des chances d'en produire un qui deviendra dominant à son tour et aura accès à de nombreuses femelles. À l'inverse, un couple de dominés aurait tout intérêt à avoir davantage de filles, car celles-ci se trouvent toujours un prétendant.
Dans le monde animal, certains animaux ont la possibilité de choisir directement le sexe des petits. Chez les guêpes par exemple, le genre est défini par le nombre de chromosomeschromosomes. Si la mère décide de féconder ses ovules par un spermatozoïde, alors elle donne naissance à des femelles. Si ceux-ci ne sont pas fécondés, alors c'est un mâle qui éclora.
Des mammifères suivis sur trois générations
Qu'en est-il chez les mammifères ? Quelques éléments ont pu être apportés, mais rien de suffisamment indiscutable pour valider l'hypothèse. En 1984, une étude sur le cerf montrait que les biches dominantes concevaient plus de mâles. Mais sans vérifier si la deuxième génération offrait davantage de petits-enfants à ces femelles dominantes.
Chez l'Homme aussi des recherches de ce genre ont été menées. Dans les peuples polygames, les femmes les plus aisées font plus de petits garçons que les plus modestes. Même constat chez 400 millionnaires américains : ils ont plus de fils que de filles.
Joseph Garner et ses collaborateurs de l'université Stanford (États-Unis) ont voulu vérifier l'hypothèse sur trois générations. Ils se sont alors rendus au zoo voisin de San Diego et ont demandé les pedigrees des 38.000 mammifères ayant transité dans le parc ces 90 dernières années. Parmi eux, seuls 1.627 femelles et 703 mâles répondaient au critère impératif : savoir s'ils avaient des petits-enfants dont on connaissait le genre.
Cette étude a été menée chez différents groupes de mammifères, dont les primates, les carnivores (lions, chiens, etc.), les artiodactyles (cerfs, girafes, etc.) et les ongulés (chevaux, rhinocéros etc.). Alors qu'on savait que certains insectes ou reptiles pouvaient réellement choisir du sexe de leur progéniture, concernant les mammifères, chez qui la répartition des chromosomes sexuels est aléatoire, cela semblait moins évident. Pourtant, l'opportunité pourrait aussi se présenter. © Shiny Things, Fotopédia, cc by 2.0
Des sexes-ratios déséquilibrés, des petits-enfants plus nombreux
Les résultats accessibles dans Plos One ont de quoi surprendre. En effet, bien que chez certaines femelles de mammifères la proportion de mâles et de femelles qui naissent sont équilibrées, d'autres en revanche privilégient les mâles et disposent de 2,7 fois plus de fils que ces premières. En conséquence, elles ont 2,5 fois plus de petits-enfants. Pour les mâles ayant plus de fils que de filles, le ratio est comparable.
À l'inverse, lorsqu'une mère accouche de plus de femelles, elle dispose également d'un succès reproducteur plus important. Mais nettement moindre. Des données qui peuvent s'expliquer par les quelques sociétés matriarcales qui existent parmi les 198 espèces de mammifères étudiées. Certains babouins par exemple ont tout intérêt à produire des femelles, qui pourront atteindre le sommet de la hiérarchie et avoir un accès plus facile à la reproduction.
Choix du sexe du bébé : encore beaucoup à prouver
Se pose inéluctablement la question des mécanismes sous-jacents. Pour l'heure, ils sont encore inconnus. Joseph Garner émet quelques hypothèses : des taux élevés de glucoseglucose ou d'acide grasacide gras pourraient être plus toxiques pour des embryonsembryons femelles, et les spermatozoïdes porteurs d'un génomegénome mâle pourraient davantage s'épanouir aussi dans des milieux concentrés en testostérone. Ces éléments restent à vérifier.
Quoi qu'il en soit, les auteurs précisent qu'il ne s'agit pas d'un mécanisme volontaire de la part de l'animal mais que le processus pourrait dépendre des ressources environnementales. Par exemple, en période de famine, porter en son ventre une femelle serait moins coûteux en énergieénergie. Une fois née, celle-ci serait également moins gourmande. De l'avis des auteurs, le pouvoir reviendrait malgré tout aux femelles, les mâles n'ayant pas leur mot à dire dans cette guerre des sexes.
De nombreux mystères sont encore non résolus autour de cette histoire. Au-delà des mécanismes physiologiques impliqués, on peut aussi s'interroger sur la possibilité de transposer ces principes du zoo aux animaux vivant à l'état sauvage. Les règles ne sont pas tout à fait les mêmes. Les hypothèses sur l'effet du déséquilibre du sexe-ratio pour faciliter le succès reproducteur restent très théoriques, mais les protocolesprotocoles pour apporter des preuves restent difficiles à mettre au point. Cette étude est donc la première du genre à fournir des éléments chiffrés convaincants les soutenant.