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Les requins-bouledogues vivent dans les eaux tropicales. Ce fœtus a été retrouvé dans le ventre d’une femelle pêchée dans le golfe du Mexique. © Patrick Rice, Shark Defense, Florida Keys Community College
Le requin-bouledogue (Carcharhinus leucasCarcharhinus leucas), aussi appelé requin du Zambèze, peut aussi avoir un frère siamois. Tel qu'on le décrit habituellement, ce requin mesure 3,4 m, il est massif, trapu et lourd. C'est un poisson qui vit dans les eaux tropicales, et qui a la capacité de vivre tant dans les eaux salées que douces, si bien qu'il remonte régulièrement l'Amazone, le Gange, le Tigre ou le Zambèze. Comme beaucoup de squales, cette espèce est de plus en plus menacée. Il est souvent pêché pour sa chair, son cuir et son foiefoie.
Dans le golfe du Mexique, un pêcheur a pêché un requin-bouledogue pour le moins surprenant. Au large des Keys dans le détroit de Floride, il a attrapé une femelle, dont l'un des fœtusfœtus avait deux têtes ! Ces requins sont viviparesvivipares et l'organisme de la femelle nourrit l'embryonembryon durant les 10 mois de la gestation. Le fœtus à deux têtes était encore en vie lorsque la femelle a été pêchée. Il aurait probablement réussi à naître.
Le fœtus de requin-bouledogue retrouvé dans le golfe du Mexique. Il y a 20 cm entre l'extrémité gauche et droite des deux têtes. © C. M. Wagner et al, Journal of Fish Biology
Le pêcheur a partagé sa découverte avec des scientifiques de l'université du Michigan. Ceux-ci ont étudié la déformation du requin, et les résultats ont été publiés dans le Journal of Fish Biology. Il fait partie des très rares cas de requins à deux têtes étudiés. Seulement six ont été découverts dans le monde. C'est la première fois qu'un cas de cette espèce de squales est recensé : seuls des cas de requins bleus et de milandres avaient déjà été étudiés.
Deux têtes, deux cœurs et deux estomacs pour un corps de requin
La déformation du fœtus est une bifurcation axiale. Il s'agit d'une transformation incomplète. L'embryon commençait à se scinder en deux organismes distincts (des jumeaux), mais pour des raisons inconnues, le processus s'est arrêté. Le phénomène est très rare mais peut arriver chez tous les animaux. Les scientifiques ont scruté en détail le corps du requin par imagerie à résonnance magnétique (IRMIRM). L'examen révèle deux têtes, une paire de cœurs et deux estomacsestomacs distincts. Les deux parties se rejoignent à la moitié arrière de l'animal et ne forment plus qu'un seul corps avec une queue normale.
La radiographie du requin. On observe que la colonne vertébrale de l'animal se divise en deux et forme deux têtes. Ces requins siamois avaient chacun un cœur, un estomac et une tête. © C. M. Wagner et al, Journal of Fish Biology
Ce fœtus à deux têtes n'aurait probablement pas vécu longtemps à l'état sauvage. Le requin est un prédateur, il doit aller vite pour attraper d'autres poissons qui se déplacent encore plus rapidement. Avec ses deux têtes, il n'aurait pas pu survivire. C'est notamment pour cela que les scientifiques trouvent si peu de cas d'étude ; une fois nés, ces organismes ne doivent pas tenir bien longtemps dans le monde sauvage. En outre, le corps des requins-bouledogues siamoissiamois était plus petit que la moyenne.
Une cause mystérieuse
Étudier ces requins permettra de mieux comprendre comment de telles déformations surviennent chez les requins, mais aussi chez tous les autres vertébrésvertébrés. On associe le plus souvent les spécimens à deux têtes aux serpents. Certains éleveurs en font même commerce. Il existe un grand marché parallèle autour des malformations animales ; de tels animaux sont souvent considérés comme des bêtes de foire.
C'est la première fois qu'on observe un requin-bouledogue bicéphale. Comme il a été retrouvé dans le golfe du Mexique en avril 2011, certains suggèrent que cette déformation pourrait bien être liée au déversement de pétrolepétrole de la plateforme Deepwater Horizon, qui s'est produit un an plus tôt. Mais pour Michael Wagner, l'un des auteurs de la publication, « l'assimilation n'est pas justifiée. Nous n'avons tout simplement aucune preuve pour soutenir cette explication ou une autre ».