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Les grands dauphins (Tursiops truncatusTursiops truncatus) ont des capacités vocales et de langage particulièrement évoluées. Ces mammifères marins développent notamment, dans les mois qui suivent leur naissance, un sifflement unique qui leur sert de signature ; on parle alors d'un sifflement personnel. Il est par exemple utilisé lorsque deux groupes de ces cétacés se rencontrent, mais le rôle précis de cette communication reste à déterminer.
Comme l'Homme et le perroquet, les tursiops communs se différencient d'autres espèces animales pour une raison particulière : ils peuvent apprendre de nouveaux sons en copiant ce qu'ils entendent dans leur environnement, et même les associer à des objets. Seulement voilà, ces caractéristiques n'ont été étudiées qu'en conditions expérimentales. Il est donc difficile de savoir si ces capacités font partie intégrante de la communication « naturelle » du grand dauphin, ce qui sous-entend celle employée dans le milieu sauvage.
Pour lever le doute, Stephanie King et Vincent Janik, de l'université de St. Andrews (Royaume-Uni), ont dernièrement mené une étude au large de la côte est de l'Écosse. Leur conclusion vient d'être publiée dans la revue Pnas : les signatures personnelles seraient utilisées comme des noms, pour marquer sa présence, mais aussi pour se faire appeler. Il s'agirait de la première preuve réelle de l'existence d'appellations et de noms au sein du monde animal (si l'on exclut l'Homme).
Les grands dauphins (Tursiops truncatus) peuvent atteindre 3,5 m de long, pour un poids de 400 kg. Certains de leurs groupes comptent jusqu'à 50 individus. © jeffk42, Flickr, cc by nc 2.0
Les dauphins proches s’appellent par leur prénom
Les chercheurs ont débuté leurs travaux en enregistrant des signatures vocales de dauphins sauvages par le biais d'enregistreurs sous-marinssous-marins. Le propriétaire de chaque sifflement personnel a ensuite été identifié par la méthode Sigid (pour Signature Identification). Ces sons ont alors été rétrodiffusés au dauphin émetteur (dans ce cas-là, le signal a été légèrement modifié pour faire croire qu'il était émis par un autre cétacé), à des congénères du même groupe et, enfin, à des Tursiops truncatus de groupes étrangers. Leurs réactions ont été scrupuleusement enregistrées, puis analysées.
Ainsi, les dauphins ont répondu à leur signature vocale en produisant leur sifflement personnel, comme s'ils reconnaissaient leur nom et qu'un ami les avait appelés. En revanche, les « étrangers » sont restés insensibles aux signaux émis par les diffuseurs, comme s'ils ne connaissaient pas l'émetteur. Enfin, les mammifères marins appartenant au même groupe ont réagi de temps à autre, en produisant alors des sifflements identiques à celui entendu.
Ces éléments semblent démontrer que les grands dauphins sauvages apprennent de nouveaux sons qu'ils associent à des objets. Dans cette étude, il s'agit du propriétaire du sifflement personnel. Les échanges de sons identiques observés dans le milieu sauvage viseraient à établir des contacts spécifiques entre cétacés intimement liés. Désormais, les chercheurs souhaitent déterminer si les dauphins sauvages apprennent d'autres sons associés à des objets précis.