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Au sommet de la chaîne alimentaire, l'orque ne connaît aucun prédateur et excelle dans le domaine de la chasse. L'animal apprend par ses pairs à s'échouer sur la plage pour attraper les lions de merlions de mer qui rôdent. Grâce à sa capacité d'apprentissage, l'orque offre bien souvent un spectacle exceptionnel dans les parcs d'attractions, et laisse d'incroyables souvenirs aux visiteurs. Mais le 24 février 2010, en Floride, l'un des spectacles du Seaworld a viré au cauchemar. Le documentaire Blackfish relate l'événement tragique, où l'épaulardépaulard mâle Tilikum a violemment tué la dresseuse DawnDawn Brancheau. En voici les premiers extraits.
Blackfish est un documentaire réalisé par Gabriela Cowperthwaite. Le film se focalise sur les conditions de vie des orques vedettes des parcs d'attractions. Il cherche par là à rappeler la grandeur du fossé qui sépare l'Homme de l'orque, animal intelligent, mais avant tout sauvage. © Dogwoof, YouTube
Décryptage de la vidéo : Blackfish se veut factuel, non anthropomorphique
Si la date de sortie de Blackfish n'est pas encore connue en France, le film fait déjà parler de lui. Durant 1 h 23 mn, la réalisatrice Gabriela Cowperthwaite mène l'enquête pour mieux comprendre le comportement de Tilikum, la baleine tueuse qui porteporte bien son nom. Le documentaire relate l'histoire de cet épaulard qui a tué trois personnes, et essaie de mettre en lumièrelumière les raisons qui ont poussé cet animal à tuer la dresseuse qui le nourrissait. La ligne directrice du film est de déterminer le degré de conscience de Tilikum dans ses actes. La réalisatrice dit ne pas avoir voulu faire de l'anthropomorphisme pour autant.
Le spectacle venait de se terminer. Il était 13 h 30, et la dresseuse Dawn Brancheau nourrissait l'orque Tilikum avec des harengs, lui aspergeait la tête d'eau, la caressait. Elle cajolait l'animal, une façon de le féliciter pour sa performance. Pendant ce temps, les spectateurs étaient appelés à se rendre au bord du bassin. Le rituel veut qu'à la fin de chaque spectacle, ceux qui le souhaitent se placent au pied de la paroi vitrée du bassin. Les orques reçoivent alors un signal et s'approchent de la vitrevitre pour que les touristes puissent les apprécier de plus près. Mais ce jour-là, lorsque Dawn Brancheau lança l'appel, Tilikum n'obtempéra pas.
Plutôt que de plonger en direction des spectateurs, Tilikum a entraîné la dresseuse avec lui dans le bassin. À plusieurs reprises, Dawn Brancheau avait réussi à s'extirper de l'emprise de l'animal, mais celui-ci ne semblait pas prêt à la laisser sortir de l'eau. En raison de la présence d'autres orques, personne ne pouvait se jeter à l'eau pour la libérer. Les employés du Seaworld ont fini par attraper l'animal avec un filet, et l'ont peu à peu dirigé vers le second bassin où il a pu être isolé. Malgré cela, il ne voulait pas lâcher sa victime, qui a succombé à ses blessures.
Les orques sont des animaux sauvages qui vivent en société. Les femelles enseignent aux nouvelles générations la technique de l'échouage pour chasser. L'apprentissage peut prendre 20 ans ! © Dave Govoni, cc by nc sa 2.0
L'orque Tilikum, récidiviste
Le documentaire retrace l'histoire de Tilikum, une orque capturée avec deux autres individus au large du fjord Berufjördur, en Islande, en 1983. Tilikum, « ami » en chinook, fut placé dans le Sealand de l'Oak Bay Marina, non loin de la ville de Victoria, en Colombie-Britannique. Il a rejoint deux femelles, Haida et Nootka, que l'on aperçoit dans la vidéo. Le 20 février 1991, la dresseuse Keltie Byrne, alors âgée de 20 ans et étudiante en biologie marine en parallèle, rangeait du matériel autour du bassin lorsqu'elle tomba dans l'eau. Alors qu'elle essayait de sortir, l'une des orques s'est ruée sur elle et l'a entraînée vers le fond. Les orques n'étaient pas habituées à avoir des objets de jeu dans le bassin, et l'intrusion inopportune de Keltie Byrne les a excitées. La dresseuse n'a jamais réussi à sortir du bassin. Elle est la première jamais tuée par une orque en captivité.
Le Sealand a mis la clé sous la porte en 1992, et les orques furent rachetées par le Seaworld d'Orlando, en Floride. Le 6 juillet 1999, Daniel Dukes était retrouvé mort gisant sur le dosdos de Tilikum. Cet homme, sorti de prison quatre jours plus tôt, se cachait semble-t-il dans le Seaworld. Il a été retrouvé nu, ses habits bien pliés au bord du bassin. A-t-il tenté de suicider, ou répondait-il simplement à un excès de folie ? On ne le saura jamais. Ce qui est certain, c'est que Tilikum est responsable de sa mort. Il est donc impliqué dans le décès de trois personnes, et chaque événement, aussi tragique soit-il, rappelle qu'une orque est avant tout un animal sauvage, au caractère bien trempé et qui peut à tout moment se montrer impulsif et dangereux. Malgré cela, ce cétacé est toujours présent au Seaworld d'Orlando, et a repris ses activités de bête de foire en mars 2011.
L’après-vidéo : Tilikum répond de ses actes
Au Sealand, une fois dressée, l'orque Tilikum effectuait huit spectacles par jour, et ce sept jours sur sept. Le bassin mesurait 30 m de long et 15 m de large, pour 10 m de fond. Tilikum, un mâle de 7 m de long, cohabitait avec deux femelles qui menaient la danse. Pareilles conditions étaient évidemment oppressantes. Nootka et Tilikum avaient des ulcères si violents qu'on retrouvait du sang dans leurs selles. Les 14 années qui ont précédé l'arrivée de Tilikum au Sealand, sept orques sont mortes dans ce bassin, et la duréedurée de vie des cétacés était en moyenne de trois ans et demi.
Il est difficile de déterminer exactement ce qui déclenche une attaque d'orque. Cela pourrait venir de l'ennui, du désir de jouer, de la frustration refoulée générée par le confinement, d'une nuit agitée dans le bassin avec les autres orques, de la douleurdouleur d'un ulcère, ou peut-être même du cycle hormonal. Quelle que soit la motivation, certains formateurs pensent que les épaulards sont parfaitement conscients de ce qu'ils font. « J'ai vu ces animaux prendre des dresseurs dans leur bouche, ils savent exactement ce qu'est un point de rupture d'une cage thoraciquecage thoracique. Ils savent également combien de temps l'entraîneur peut tenir au fond de l'eau », explique Jeffrey Ventre, dresseur au Seaworld d'Orlando de 1987 à 1995. Pour beaucoup, les orques font partie des animaux les plus intelligents de la planète. « Le cerveaucerveau de ce mammifère marin est aussi développé que celui d'un chimpanzé, considéré comme l'animal ayant le plus de capacités cognitives après l'Homme », explique Lori Marino, neurologue de l'université Emory, à Atlanta. D'après la biologiste suisse Annabelle Cuttelod, les orques ont des émotions. Elles connaissent la peur, la colère et sont rancunières.
De même que les éléphants, les orques se souviennent des individus qui les ont blessées et sont capables de se venger. Pour autant, la comparaison avec le cerveau et les sentiments humains n'a pas lieu d'être. Par exemple, pour analyser son environnement, l'Homme fait principalement appel à la vue, tandis que l'orque utilise l'ouïe. Il est donc difficile de comprendre comment une orque pense. Chimpanzés, dauphins, éléphants ou orques sont connus pour leurs capacités cognitives développées, mais leur comportement et la façon dont ils utilisent leur cerveau est propre à chaque espèce. Les orques sont sauvages, énormes, complexes, intelligentes et vivent en société. En captivité, leur comportement est dénaturé. Le bruit, le manque d'espace et la cohabitation forcée avec d'autres individus au langage différent rendent leur comportement pathologiquepathologique. Infligé à un être humain, un traitement de ce genre aurait de quoi lui faire perdre la raison, alors pourquoi en serait-il autrement pour ces rois des mers ? Une question restera tout de même en suspens. Pourquoi Tilikum s'est-il montré si violent avec Dawn Brancheau ? « Nous ne savons pas avec certitude ce qui a motivé Tilikum. Mais il ne fait aucun doute qu'il savait exactement ce qu'il faisait. Il l'a tuée », commente Jeffrey Ventre.
Chronique : l'extrême en vidéo
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Publiée toutes les deux semaines sur Futura-Sciences, la chronique L’extrême en vidéo décrypte des phénomènes naturels ou des exploits humains à couper le souffle. La nature déchaînée, mystérieuse ou étonnante, et les Hommes qui risquent leur vie pour l'explorer seront les thèmes de ces séquences spectaculaires que nous analyserons avec l'œil du scientifique.