Des embryons d'une grenouille disparue ont vu le jour grâce à des tissus congelés voici 40 ans. La clé de ce succès : le transfert de noyaux de cellules somatiques. L’approche fonctionnera peut-être un jour pour les mammouths... mais pas pour les dinosaures.

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    Les grenouilles plates à incubation gastrique Rheobatrachus silus mesuraient environ 5 cm de long. Leurs jeunes, quant à eux, pouvaient atteindre 1,2 cm au moment où ils quittaient l'estomac de leur mère. © Peter Schouten, projet Lazarus

    Les grenouilles plates à incubation gastrique Rheobatrachus silus mesuraient environ 5 cm de long. Leurs jeunes, quant à eux, pouvaient atteindre 1,2 cm au moment où ils quittaient l'estomac de leur mère. © Peter Schouten, projet Lazarus

    Pour protéger ses œufs, la grenouille plate à incubation gastrique, alias Rheobatrachus silus, avait trouvé une solution radicale : elles les mangeaient. Ce comportement en apparence cannibale n'explique cependant pas la disparition officielle de cette espèce en 2001. L'arrivée des œufs dans l'estomacestomac provoquait la mise en pause de la digestiondigestion et notamment l'arrêt de la synthèse d'acide chlorhydriqueacide chlorhydrique. Cette adaptation permettait alors aux embryons de se développer en toute sécurité avant de ressortir par la bouche de leur mère, une fois leur métamorphose terminée. 

    L'information vient d'être diffusée par l'université de Nouvelle-GallesGalles du Sud (UNSW, Australie) : les grenouilles plates à incubation gastrique pourraient un jour faire leur grand retour. Cet espoir reposerait sur les résultats des expériences de clonage qu'ont menées des chercheurs du projet Lazarus. Après cinq ans d'efforts, ils sont parvenus à réactiver le génomegénome de cette espèce, puis à produire plusieurs embryonsembryons !

    Les œufs de cette <em>Mixophyes fasciolatus </em>ont été choisis pour recevoir des noyaux remplis d'ADN qui ont été prélevés sur des grenouilles plates à incubation gastrique congelées depuis 40 ans. Ces deux espèces sont endémiques de la côte est de l'Australie. © Poleta33, Wikimedia Commons, DP

    Les œufs de cette Mixophyes fasciolatus ont été choisis pour recevoir des noyaux remplis d'ADN qui ont été prélevés sur des grenouilles plates à incubation gastrique congelées depuis 40 ans. Ces deux espèces sont endémiques de la côte est de l'Australie. © Poleta33, Wikimedia Commons, DP

    Des limites principalement technologiques, non biologiques

    Pour ce faire, les scientifiques ont pratiqué des transferts de noyaux de cellules somatiquescellules somatiques. Concrètement, des noyaux de Rheobatrachus silus ont été extraits de tissus prélevés en 1970, mais conservés depuis dans un puissant congélateur. Ils ont ensuite été injectés dans des œufs de Mixophyes fasciolatus, une autre espèce de grenouille, dont les noyaux avaient préalablement été inactivés. À la surprise générale, certains ovulesovules ont spontanément commencé à se diviser, puis ont pris du volumevolume. Les embryons n'ont cependant pas survécu plus de trois jours. Des résultats d'analyses génétiquesgénétiques le confirment, l'ADN des cellules embryonnaires correspondait bien à celui de Rheobatrachus silus. Les résultats du projet Lazarus vont prochainement faire l'objet d'une publication scientifique.

    Selon le responsable du projet, Mike Archer« nous sommes de plus en plus convaincus que les obstacles à venir sont d'ordre technologique et non biologique, et que nous réussirons [à cloner une espèce disparue, NDLRNDLR]. Nous avons démontré les possibilités de cette technologie, qui pourrait être utilisée comme un outil de conservation alors même que des centaines d'espèces d'amphibiens déclinent rapidement dans le monde. »

    Cet exploit technique va très certainement motiver les passionnés qui cherchent en vain à ramener des mammouths, des dodos ou encore des moas géants à la vie. Aucune chance en revanche de voir réapparaître des dinosaures, puisque leur ADNADN est forcément trop dégradé depuis leur disparition, voilà 65 millions d'années.