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Depuis le XIXe siècle, les scientifiques ont pris conscience que certaines régions possèdent plus d'espèces animales que d'autres, et que les régions tropicales ont une biodiversité plus grande que les régions tempérées. Pourquoi y aurait-il plus d'espèces dans les tropiques ? Une étude récente, publiée le 28 janvier dans la revue Plos Biology, examine les espèces existantes de mammifères et révèle un double mécanisme. Dans les tropiques, la vitessevitesse à laquelle les mammifères sont créés est plus forte, et celle à laquelle ils s'éteignent est plus faible que dans les régions tempérées.
Quatre chercheurs français, Jonathan Rolland, Fabien Condamine, Frédéric Jiguet et Hélène Morlon (École polytechnique, CNRS, Muséum national d'histoire naturelleMuséum national d'histoire naturelle), ont appliqué des modèles mathématiques à des données mondiales concernant les mammifères, pour répondre à une question qui a fasciné les écologues et les biologistes de l'évolution depuis des décennies. L'une des principales hypothèses est qu'il y aurait une plus grande diversification des espèces dans les tropiques que dans les régions tempérées. La diversification est la différence entre l'émergenceémergence de nouvelles espèces et leur extinction.
Les récifs coralliens sont parmi les milieux les plus riches en biodiversité. L'immense majorité des récifs est répartie dans la zone de lumière des 20 premiers mètres des eaux tropicales. © Mikhail Rogov, Wikipédia, GNU 1.2
Les tropiques, berceau de la biodiversité
Toutefois, les études récentes n'ont pu établir de lien entre le taux de diversification et la latitudelatitude, suggérant que la diversification pourrait bien être la même dans les tropiques et les régions tempérées. Il y a 80 millions d'années, le climat tropicalclimat tropical était plus étendue sur Terre qu'aujourd'hui : les lignées tropicales pourraient donc être plus nombreuses simplement parce qu'elles ont disposé de plus de temps pour se diversifier par rapport à celles des milieux tempérés. En utilisant un arbre phylogénétique portant sur 5.000 espèces de mammifères et en s'appuyant sur des données de latitude, les chercheurs impliqués dans ce projet ont estimé quelles étaient la spéciationspéciation (le taux auquel les espèces émergent), l'extinction et la migration associées aux mammifères vivants dans les régions tropicales et tempérées.
Contrairement aux publications précédentes, ils montrent que les taux de diversification sont en accord avec les patrons actuels de diversité observés dans la nature. Les latitudes qui admettent une diversité maximale sont associées à des taux élevés de spéciation, de faibles taux d'extinction ou les deux, selon l'ordre des mammifères examiné (rongeursrongeurs, chauves-souris, primatesprimates, etc.). Ils ont également montré que la migration des espèces au cours du temps ne s'est pas faite de manière symétrique, puisqu'il y a plus de migration des tropiques vers les zones tempérées que dans l'autre sens. Ces résultats suggèrent donc que les régions tropicales ne sont pas seulement un réservoir de biodiversité, mais aussi l'endroit principal où la diversité a été, et est vraisemblablement toujours, générée.
L'étude montre que les modèles mathématiques peuvent maintenant détecter l'empreinte de la spéciation et de l'extinction associée aux milieux tropicaux et tempérés sur l'arbre de la vie, ouvrant de nouvelles perspectives en recherche évolutive. Cette découverte permet également de mettre à l'épreuve d'anciennes hypothèses et de replacer sur le devant de la scène la diversification comme contributeur majeur à la richesse tropicale des mammifères. À l'avenir, les recherches pourront se concentrer sur les causes directes de ces différences de diversification, comme la température ou les précipitationsprécipitations.