La startup américaine, PivotBio, a mis au point un fertilisant, à base de micro-organismes naturels, capable de fixer l’azote dans les plantes. Une solution bien plus écologique et moins coûteuse que les engrais chimiques.

Plus de 200 millions de tonnes de fertilisants sont utilisés chaque année, soit 25 % de plus en 10 ans. Désormais, 2 % de la consommation mondiale d'énergie est dédiée à la fabrication d'ammoniac, la principale forme d'engrais azoté. Malheureusement, la moitié de cet engrais est gaspillé, dispersé par le vent lors de sa pulvérisation ou bien, lessivé par la pluie lorsqu'il pleut. Transformé en nitrates, il vient polluer les nappes d'eau souterraines, les rivières et les océans, aboutissant à l'eutrophisation des cours d'eau et à la création de gigantesques « zones mortes », privées d'oxygène.

Réveiller le potentiel endormi des probiotiques des plantes

Il existe pourtant une alternative à ces engrais polluants : les probiotiques. Ces micro-organismes, du genre Rhizobium vivant dans les racines, fabriquent une enzyme appelée nitrogénase, et sont capables de fixer l’azote atmosphérique. Cependant, ces bactéries ne se trouvent que chez les légumineuses (trèfle, luzerne, lentilles, pois...). Les grandes céréales, comme le maïs, le soja ou le blé, sont, quant à elles, incapables de fixer l'azote ; c'est pourquoi on doit les alimenter avec des engrais chimiques.  

Les bactéries se fixent aux racines des plantes pour les aider à assimiler l’azote atmosphérique. © PivotBio
Les bactéries se fixent aux racines des plantes pour les aider à assimiler l’azote atmosphérique. © PivotBio

La startup américaine, PivotBio, a pourtant réussi à développer un fertilisant naturel à base de probiotiques à appliquer sur le maïs. Ce produit, qui se présente sous forme liquide, s'applique dans le sillon lors de la plantation. Les microbes créent alors une liaison symbiotique avec les racines des plantes qui sont ainsi capables de fixer l'azote. « Le problème est qu'à force de pousser dans un sol saturé en azote, de nombreux microbes ont perdu leur capacité à fixer l'azote », regrette Karsten Temme, le P.-D.G. de la startup basée, à Berkeley, en Californie. Afin d'identifier les bonnes souches, la startup a d'abord créé une carte détaillée du microbiome des sols pour déterminer le potentiel de chaque bactérie. Les meilleures sont alors sélectionnées et éditées génétiquement pour réveiller leur habilité à transformer l'azote. « Sans recours aux techniques transgéniques », insiste Karsten Temme qui ne veut pas assimiler ses produits à des OGM.

Gain de temps et d’argent

« Comme les microbes adhèrent aux racines, ils ne sont pas lessivés lors des pluies comme l'engrais chimique », explique Karsten Temme. Ce qui permet à la fois de mieux calculer les doses et d'utiliser moins de produit. De plus, une seule application suffit en début de saison : nul besoin d'asperger continuellement de l'engrais sur les champs. Un gain de temps et d'argent non négligeable pour les agriculteurs : l'économie réalisée s'élève à 8 dollars par hectare sur ce poste. Cette solution sera commercialisée dès 2019 aux États-Unis et la startup vise désormais le Brésil, l'Argentine et le Canada. Après le maïs, de nouveaux produits sont en cours de développement pour le blé, le riz et le soja.

Après le maïs, PivotBio développe des engrais naturels pour le blé, le riz et le soja. © Céline Deluzarche
Après le maïs, PivotBio développe des engrais naturels pour le blé, le riz et le soja. © Céline Deluzarche

Les engrais chimiques en voie de disparition ?

L'agriculture probiotique fait l'objet de nombreuses recherches. La startup Joyn Bio travaille, par exemple, sur des céréales génétiquement modifiées, « auto-fertilisantes », en leur inoculant des bactéries fixatrices d'azote. De son côté, le groupe Lallemand Plant Care, leader mondial du secteur, commercialise des produits à base de bactéries qui solubilisent le phosphore, essentiel à la croissance et la qualité des plantes, ou des champignons mycorhiziens qui stimulent la croissance racinaire de la plante qui sera ainsi capable de mieux se nourrir. Pour PivotBio, cela ne fait aucun doute : les engrais chimiques sont tout simplement voués à disparaître. Une sorte de troisième révolution agricole.


L’azote atmosphérique remplacera-t-il les engrais ?

Article de Dephine Bossy publié le 30/07/2013

N-Fix, un procédé développé au Royaume-Uni, est présenté comme la prochaine révolution agricole. Il donnerait aux plantes cultivées la possibilité d'utiliser l'azote atmosphérique, et donc de se passer d'engrais. Nul besoin de combinaisons chimiques ni de manipulations génétiques : il suffirait d'introduire la bonne bactérie dans les graines. Et l'innovation serait commercialisée dans trois ans.

Des chercheurs de l'université de Nottingham, au Royaume-Uni, affirment avoir développé une méthode de fertilisation des plantes à la fois simple, efficace et complètement naturelle. Selon ces scientifiques, très optimistes, elle pourrait s'appliquer à presque toutes les plantes d'intérêt agricole du monde et permettre, ni plus ni moins, d'oublier l'utilisation d'engrais chimiques.

L'azote est un nutriment essentiel dans la croissance des plantes, mais celles-ci ne sont pas capables de le fixer sous forme gazeuse. Elles l'assimilent sous forme de nitrates, présents dans le sol grâce aux bactéries et aux champignons. Certaines plantes, comme les légumineuses, ont trouvé le moyen de s'attacher les services de bactéries fixatrices d'azote en les hébergeant dans les nodules de leurs racines. Mais de nombreux végétaux, dont les céréales, doivent pomper les nitrates présents dans la terre. Dans les cultures intensives, le recours aux engrais est nécessaire pour compenser la quantité limitée d'azote minéral dans les sols. Mais l'équipe du Nottingham's Centre for Crop Nitrogen Fixation a semble-t-il développé une méthode qui permet aux plantes d'assimiler directement l'azote atmosphérique, composant 78 % de l'air environnant.

Les plantes assimilent l'azote sous forme de nitrates (NO<sub>3</sub><sup>-</sup>), qui sont fournis par les bactéries dénitrifiantes, capables de fixer directement l'azote atmosphérique. © Johann Dréo, Wikipédia, cc by sa 3.0
Les plantes assimilent l'azote sous forme de nitrates (NO3-), qui sont fournis par les bactéries dénitrifiantes, capables de fixer directement l'azote atmosphérique. © Johann Dréo, Wikipédia, cc by sa 3.0

L'équipe, menée par le chercheur Edward Cocking, a exploité une bactérie capable de se servir de l'azote atmosphérique. Découverte dans la canne à sucre, celle-ci est capable de s'introduire à l'intérieur des cellules de la plante. D'après leurs recherches, ce micro-organisme ferait de même avec la plupart des plantes cultivées.

Symbiose entre la plante et la bactérie

Comment s'y prend-il ? Les auteurs de ce procédé baptisé N-Fix, qui devrait être commercialisé par l'entreprise Azotic Technologies, ne sont guère prolixes en détails. La technique consiste à injecter directement les bactéries dans la graine. S'insérant dans les cellules de l'hôte, elles leur donneraient la capacité de fixer l'azote de l'air. À l'instar de l'algue zooxanthelle installée dans une cellule de corail et nourrissant son hôte grâce à la photosynthèse, le procédé N-Fix conduit donc à une symbiose entre la bactérie et la cellule. L'une trouve refuge et nutriments, l'autre peut fixer l'azote de l'air.

Si elle est effectivement applicable à toutes les cultures agricoles, cette méthode a de quoi révolutionner les pratiques. Elle permettrait de limiter nettement la pollution des sols aux nitrates, aujourd'hui considérée comme la cause majeure de pollution des grands réservoirs d'eau souterraine. Les engrais sont des nutriments pour les plantes, mais ils sont également consommés par les micro-organismes (tant les bactéries que les champignons). Ils favorisent ainsi la production de matières organiques qui libèrent à leur mort quantité d'azote sous forme de nitrates. Ceux-ci, extrêmement solubles dans l'eau, s'infiltrent et polluent les nappes phréatiques. La teneur en nitrates des nappes varie normalement de 0,1 à 1 mg par litre d'eau, mais elle dépasse aujourd'hui souvent les 50 mg par litre, une limite pour l'eau potable.

Reste qu'il faudra en apprendre davantage sur le procédé, sur son efficacité et sur son coût. La société Azotic Technologies prétend commencer bientôt les essais en plein champ, et compte commercialiser ces graines d'ici deux à trois ans.