au sommaire
La sélection naturelle a tendance à privilégier les caractères qui offrent un avantage à ceux qui les portent. C'est une règle bien établie. Une règle qui pousse à croire que si le zèbre se pare d'un pelage aussi subtilement rayé, c'est tout, sauf un hasard. Et aujourd'hui, des chercheurs hongrois affirment que ce n'est pas pour les aider à réguler leur température.
L'hypothèse avait pourtant été renforcée par la découverte que les zèbres vivant sous des climats plus chauds portent plus de rayures que les autres. Selon la théorie, ces rayures noires et blanches créeraient de mini-courants de convexion refroidissant au ras de la peau des zèbres.
Ici, l’arrangement des six barils de la station météorologique utilisés par les chercheurs hongrois dans leurs expériences. © Gábor Horváth, ELTE Eötvös Loránd University
Pas de lien direct avec la chaleur
Pour en avoir le cœur net, les chercheurs hongrois ont rempli des barils d'eau et ils les ont recouverts de différents revêtements (peau de bovin blanche, peau de zèbre, imitation peau de zèbre, etc.) avant de les exposer au soleilsoleil. Résultat : celui dans lequel la température de l’eau a augmenté le moins était celui recouvert de peau de bovin blanche, la peau de zèbre n'arrivant qu'en troisième position.
D'autres études ayant éliminé les hypothèses du camouflage et des interactions sociales, le mystère se démêle un petit peu plus aujourd'hui. Une hypothèse majeure reste encore à explorer. Celle qui voudrait que les rayures protègent les zèbres des attaques d'insectes et autres parasites externes. Ce qui expliquerait aussi pourquoi les zèbres présentent plus de rayures dans les régions chaudes affectionnées par ces empêcheurs de tourner en rond.
Le mystère des rayures de zèbre enfin expliqué ?
Les rayures du zèbre ne gênent pas vraiment ses prédateurs, affirment des chercheurs qui ont simulé la vision qu'en ont les lionslions ou les hyènes en plein jour et au crépusculecrépuscule. De quoi repousser une hypothèse plus que centenaire. Les autres restent en lice. Comme il y a un siècle.
Mise à jour de Jean-Luc GoudetJean-Luc Goudet parue le 30/04/2017
Merveilleux mystère des rayures du zèbre. Les zoologisteszoologistes s'en sont emparés à l'aubeaube du darwinisme, avec un principe simple : trouvons l'avantage évolutif et nous aurons la cause puisque la sélection naturellesélection naturelle retient les caractères qui confèrent un avantage. Comme souvent, cette démarche permet de trouver facilement une explication possible, mais sans apporter la démonstration qu'elle est vraie. Et la discussion peut durer longtemps. Pour les zèbres, quatre hypothèses sont sur la table.
- Les rayures constituent un camouflage ou perturbent la vision des prédateurs, par le contrastecontraste fort et changeant lorsque l'animal bouge ;
- Elles éloignent les insectes et autres parasites externes ;
- Elles facilitent la thermorégulation ;
- Elles sont utiles à la reconnaissance des individus entre eux.
Chacune repose sur de bons arguments et la première tient solidement depuis longtemps. Elle est formulée dans un ouvrage publié en 1889 (pour sa seconde édition) par Alfred Russel Wallace, un Britannique considéré comme le codécouvreur de la théorie de l’évolution. Dans l'une des notes de cet ouvrage (Darwinism, an exposition of the theory of natural selection with some of its applicationsapplications, accessible sur le Web sur le site Gutenberg).
Elle explique que ces animaux sont peu vulnérables le jour, mais « c'est le soir ou à la lumièrelumière de la LuneLune, quand ils vont boire, qu'ils sont le plus exposés aux attaques ». Wallace rapporte une remarque de Francis Galton (naturaliste, géographe, cousin de Charles DarwinCharles Darwin et, entre autres, promoteur de l'eugénisme) « qui a étudié ces animaux dans leur milieu naturel » : « Dans la pénombrepénombre, ils ne sont plus visibles, leurs rayures blanches et noires se mélangeant en un gris, si bien qu'il est très difficile de les voir à faible distance ».
Portrait d’Alfred Wallace publié en introduction de son livre, Darwinism, cité plus haut dans le texte. Il voyait dans les rayures des zèbres une action de la sélection en conformité avec la théorie de Charles Darwin. © DR
Des hypothèses bien faibles
Elle a tenu la tête du peloton jusqu'au XXIe siècle. En 2012, c'est l'hypothèse 2 qui prend la corde, avec une expérience sur l'effet de la polarisation de la lumière sur le comportement des taons. Comme nous le relations, ces insectes sont perturbés par des rayures blanches qui renvoient une lumière polarisée, l'effet maximal étant observé pour une gamme de largeur qui, justement, est celle des rayures (environ 8 cm). Modestes, les auteurs de l'étude admettaient n'avoir proposé qu'une explication parmi d'autres, d'autant que l'avantage évolutif est faible et que d'autres équidés, non rayés, vont très bien. En 2015, l'hypothèse 3 fait une remontée remarquée, avec une étude menée au thermomètre à infrarougesinfrarouges qui montre que les rayures participent à la régulation de la température corporelle. Celle des zèbres (29,2 °C) se révèle inférieure à celle d'animaux vivants dans des conditions similaires. Mais il faudrait davantage de mesures pour conforter cette explication, concluent les auteurs eux-mêmes.
Voilà aujourd'hui l'hypothèse 1 lestée d'un lourd handicap avec une étude menée par une équipe américano-japonaise, parue dans la revue Plos One. Ces chercheurs ont modifié des images numériquesnumériques de zèbres, en résolutionrésolution et en couleurscouleurs, pour reconstituer la vision qu'en ont deux prédateurs, lions et hyènes, mais aussi les Hommes et les zèbres eux-mêmes. Ils ont aussi mesuré précisément la largeur des bandeslargeur des bandes et leur contraste afin d'estimer à quelle distance les rayures sont visibles. L'étude complète est accessible au format PDF.
La photo d'un zèbre en milieu ouvert modifiée pour restituer la vision humaine (Human view), celle d'un zèbre (Zebra view), d'un lion et d'une hyène (Hyaena view). Aucun de ces observateurs n'est gêné par les rayures, qui n'ont donc rien d'un camouflage. © Amanda Melin et al., Plos One
Les zèbres continueront de nous étonner
Résultat : au-delà de 50 m le jour et 30 m au crépuscule (ou à l'aube), les rayures sont indiscernables pour les lions et les hyènes, mais le restent pour les humains. Par les nuits sans Lune, tous devraient être à moins de 9 m pour les distinguer. En milieu ouvert (là où vivent les zèbres la plupart du temps), les rayures ne constituent pas un camouflage fiable vis-à-vis des prédateurs, concluent les auteurs. En forêt, en revanche, il existe un petit effet, mais très faible (et plus important pour les Hommes).
Conclusion : exit l'hypothèse 1. Il en reste donc trois, mais l'un des auteurs (Tim Caro, de l'université de Chicago) s'apprête à publier une étude qui éliminerait l'hypothèse 4, celle de la reconnaissance des individus entre eux. L'article est sous presse, annonce la publication dont il est question ici. Nous aurons donc peut-être l'occasion de reparler des zèbres.
Pour l'instant, les hypothèses 2 et 3 restent bien placées. Mais elles sont insuffisamment vérifiées et rien ne dit qu'elles tiendront jusqu'aux poteaux d'arrivée.